Les ponts de Meulan

Les deux ponts de Meulan, appelés jadis petit et grand pont, ont été construits pour relier les grandes routes de Cherbourg, Calais et Dunkerque aux nombreuses routes secondaires situées au sud, offrant ainsi un débouché facile aux récoltes de toutes espèces qui étaient en nombre.
Le petit bras était plus large à ces époques de toute la surface des quais actuels, Albert Joly et Arquebuse et des parcs aménagés. Les maisons du 18e siècle au coin du quai de l’Arquebuse et celles de la rue du Fort furent construites sur les avants de ce petit pont. Aucune trace ne subsiste de maisons construites sur les ponts de Meulan comme ce fut le cas à Poissy et à Mantes. Seules deux tours en gardaient les abords jusqu’à la Révolution : « la tour de Montmort et la tour Aux Chiens ». Un rapport des Ponts et chaussées du 28 juin 1808 fait état de ces deux très anciennes constructions et remarque que l’on était, à cette époque, dans l’ignorance de l’art de ces constructions hydrauliques. C’était pour le moins insultant pour ces deux ponts grandioses datant des 12e et 13e siècles!
Le grand pont, sur le bras côté Mureaux, composé de douze arches dont neuf en pierre et trois en bois, fut érigé sous le règne de Philippe Auguste en 1240 alors que notre cité comtale avait été rattachée à la Couronne de France depuis 1204. Le petit pont érigé sur le bras mort, côté Meulan, était formé de treize arches dont douze en pierre et une en bois et s’éleva dès 1150 sous le règne de Galéran II, comte de Meulan, remplaçant un ancien pont de bois qui avait fait long feu lors des invasions de toutes sortes.

Une note « confidentielle » de Monsieur Montalivet, conseiller d’État et préfet du département, signale leur date de construction et aussi, qu’en 1716, se voyaient encore des vestiges de ponts qui avaient existé avant leur édification définitive en pierre faite aux 12e et 13e siècles. Lors des guerres civiles, une arche du grand pont fut décintrée ainsi qu’une du petit pont pendant le siège de Meulan qu’Henri IV mena contre le Duc de Mayenne afin d’empêcher le passage des troupes. Elles seront rétablies et les ponts entretenus aux dépenses de l’État jusqu’en 1745. Plusieurs droits ancestraux permettaient cet entretien que l’on appelait « les droits de péage et ton lieu ou encore droit de gouvernail ».
Vers 1745, l’arche marinière du grand pont étant défectueuse, on songea à sa réparation. Hélas! Les caisses de la cité étaient vides et c’est sur ses propres deniers que Monsieur Brissard de la Concy (Procureur du Roi) qui adorait sa ville natale et surtout son île du Fort, en ordonna les réparations au grand étonnement de tous les habitants qui reconnurent là sa grande bonté. Il fut alors établi des batelets pour le passage des hommes et animaux.
Pourtant, la largeur et la rapidité du courant furent néfastes à ce genre de transport : en effet, la Seine, bien avant 1840, n’était utilisée que trois mois par an à cause justement de ce courant fatal tantôt fort, tantôt faible car il n’y avait pas encore les nombreux barrages ou biefs pour la discipliner. De plus, la navigation était essentiellement transversale pour aller d’une rive à l’autre, un bac à contre courant tenait de la gageure ! Ce qui provoquera, on s’en doute, de nombreux accidents et noyades.
Un arrêt du Conseil d’État en date du 31 mai 1757, concéda au sieur Jacques Aube pour cinquante années, à la charge pour lui d’entretenir et réparer les ponts, un nouveau droit de péage sur le grand et le petit pont. La perception sur et sous les ponts rapportait en fait en totalité environ trente six mille livres par an et si elle n’était pas détournée de sa véritable destination, la conservation des ponts était bien assurée. Mais hélas c’était bien souvent pour servir à d’autres fins.
Le droit de péage fut aboli par la Révolution, pourtant, Napoléon 1er devait tenter de la ré-instituer de manière à redonner un produit conséquent à l’entretien des ponts. Le calcul en fut rapidement évalué, ce nouveau péage donnerait un revenu de cinq cent mille francs de l’époque à raison de vingt mille par an : il fut donc rétabli le 12 février 1812 à Meulan comme ailleurs. Également fut établi un passe-chenal : deux nouveaux batelets feront la navette à compter du 2 juin 1812 entre les six îles et Meulan.
En 1812 sera décidée également la démolition de la porte de la Sangle, ancienne bastille de défense du pont ayant depuis le Haut Moyen Âge gardé l’entrée sur les Mureaux. En ces lieux et place sera érigé un bureau de perception tandis qu’un autre bureau était placé à l’extrémité du petit pont pour que le nouveau « péager » puisse encaisser les droits remis au goût du jour par l’Empereur. Enfin, en 1831 le maudit péage sera aboli pour revivre quelques années entre 1838 et 1840. Un usage qui aura tout de même perduré près de huit cent ans à Meulan !
Il fallut attendre pour renouveler l’entretien et la réparation des ponts de Meulan !
Une enquête d’utilité publique, fait état, effectivement, de la reconstruction des ponts selon une décision préfectorale en date du 16 juillet 1926. Le procès-verbal de finition est daté lui du 6 juillet 1927. La deuxième guerre mondiale devait mettre à bas la vie du grand pont, maintes fois réparé, entre autres au 17e siècle par l’ingénieur Libéral Bruant. Bien connu comme architecte de l’hôtel des Invalides à Paris, il avait également construit l’église du Couvent des Annonciades de Meulan.
Le 31 mai 1944, plusieurs bombes lancées par les Alliés américains devaient anéantir des siècles de bons et loyaux services. Le vénérable grand pont de Meulan, qui avait même supporté le passage du petit « tacot » faisant la navette entre le Vexin et Versailles et qui, fièrement pendant plus de trente années, lançait à chaque passage sa joyeuse fumée au dessus de la Seine, avait cessé de vivre et ne serait jamais plus reconstruit au même endroit. Le seul vieux pont de Meulan qui résiste toujours malgré le temps, c’est bien ce petit pont dit «aux perches » nom qui ne lui fut donné qu’en 1971 lors du comblement des berges.
Le grand pont a vécu…, ceux qui le remplacent, puisque deux ponts ont été nécessaires pour accomplir le service qu’un seul rendait autrefois sont : le petit pont Saint-Côme (construit entre 1926 et 1927) et le pont Rhin et Danube (construit en 1953), mais seront-ils aussi solides que ce vieux « monsieur » qui perdura tout de même un peu plus de 700 ans et que la folie des hommes a emporté à tout jamais ?

Madeleine ARNOLD TETARD
Sources : dans le corps du texte – Archives Meulan.

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