Veilleurs, tenez-vous en éveil !

Ne sommes-nous pas tous des chercheurs de Dieu, à un moment ou un autre ? Chercheurs de paix, de tendresse, d’écoute bienveillante…? Dieu se confond tellement avec nos désirs vitaux si profondément ancrés dans le cœur de chacun. Surtout quand ces biens du cœur disparaissent dans la nuit d’une épreuve !

Cette conviction m’habite particulièrement quand je vais à l’hôpital. Récemment, au cours d’un passage, je tombe sur une famille massée devant la porte d’une chambre. Voyant ma croix, très vite le contact est lancé. Un homme de 50 ans est sur son lit en train de mourir d’un cancer. Dans le couloir, sa maman est là qui a déjà perdu un de ses fils ; sa compagne toute jeune ; une sœur du malade et des enfants grands ados issus d’une première union. Ce soir-là, chacun devant partir, je repars avec une connaissance de la situation et je me promets de revenir dès le lendemain.

En revenant le lendemain dans ce couloir, on se reconnaît vite et on échange des nouvelles essentielles. La situation du malade s’aggrave chaque jour assez vite : il souffre et quand il est bien, il plaisante, « pour fuir la réalité » me dit sa compagne. Ils sont désemparés et je leur propose de s’isoler dans un petit salon. Nous sommes là dans un échange facile, tantôt profond tantôt divertissant. Je me sens déjà de leur famille. En voyant les jeans troués des ados, je raconte que récemment j’ai dû faire quatre magasins avant de trouver un jean non délavé ou sans déchirures. Chaque fois la commerçante me reprend en me disant que c’est « tendance » et qu’on ne vend que ça !!! On rit quand j’explique que je veux quelque chose de normal et de me tourner vers les jeunes en demandant : enfin, imaginez que je circule avec vos jeans ? Ah ! non c’est pas possible me disent-ils ensemble.

A un moment donné, me laissant guider par la façon dont se déroule notre échange, je sens en moi un appel : leur proposer d’aller prendre un temps de prière dans l’oratoire. Et nous voilà tous ensemble, jeunes et vieux, traversant les couloirs pour rejoindre le lieu de prière où se trouve la présence réelle. Temps béni et dense, fait de silence et de paroles. Les jeunes sont là, manifestement pas habitués mais participant. Je lis tout haut un psaume, un psaume de confiance, un de ceux où le priant exprime tellement bien sa détresse tout autant que sa confiance en Dieu. Moment magique ! Il faut repartir et nous nous séparons. Quelqu’un qui les accompagne sur le plan administratif me dira le lendemain les avoir rencontrés transformés en sortant du temps à la chapelle.

Des chercheurs de Dieu à des moments critiques de la vie trouveront-ils des guides pour les conduire vers la Rencontre qui apaise et console ? Des veilleurs sauront-ils faire lever l’étoile de l’amour de Dieu dans le ciel des cœurs déboussolés ?

Bientôt Noël. Qu’ont-ils en commun tous ceux qui accueillent et reconnaissent l’Enfant Jésus  Roi de la Paix pour tous les hommes ? Les bergers, les mages, et les parents de Jésus ?  Qu’ont-ils en commun sinon une grande disponibilité intérieure ? Cette disponibilité est liée à une béance qui rend possible l’entrée de Dieu dans leur cœur. La pauvreté des bergers les met en marge de la société : ils ne dorment pas dans un vrai lit et un chez soi, de même les parents de Jésus et tant d’autres dans nos rues. L’itinérance des mages, qui avancent comme Abraham, la famille de Jésus, et tant d’autres migrants d’aujourd’hui, sans savoir ce que sera le lendemain. La chasteté de Marie et de Joseph, pauvreté acceptée à cause du Royaume et vécue par tous ceux qui répondent à l’appel de Jésus dans une offrande de leur personne.

Le veilleur, dans ses moments de détresse, se tourne vers « le Père qui est plein de bonté, le Dieu qui accorde le réconfort en toute occasion ». Il dépend de nous de vivre nos fragilités avec Jésus sur la croix et de demander la grâce de ne pas nous réfugier dans nos moments difficiles vers toutes sortes d’idoles ou d’addictions. Vivre et tenir avec Jésus sur la croix et dans la solitude. Alors seulement, nous sommes ces étoiles sur le chemin de ceux qui cherchent : « Le Père nous réconforte dans toutes nos souffrances, afin que nous puissions réconforter ceux qui passent par toutes sortes de souffrances en leur apportant le réconfort que nous avons nous-mêmes reçus de lui. ». (2 Cor III, 1-6).

Veilleurs

Veilleurs, dites-nous où en est la nuit !

Veilleurs, rappelez-nous au milieu de la nuit :

Le Seigneur est tendresse et pitié,

Plein d’amour pour tous ceux qui l’appellent.

Baudoin, prêtre.