Autant en emporte le courant …

Une volonté de maîtrise….

Visite chez la fille d’un ami d’enfance que j’ai mariée. Je viens voir son troisième enfant dans son nouvel appartement. C’est un garçon après deux filles. Coup de foudre d’autant plus fort que les parents ont demandé au médecin de ne pas leur révéler le sexe de l’enfant. La maman me raconte que dans leur entourage, professionnel et amical, c’est l’incompréhension totale : comment ? Vous n’avez pas voulu savoir avant si c’était un garçon ou une fille ? Triste et absurde prétention de tout savoir quand la joie est attente humble et confiante de l’imprévu et de l’inattendu !

Un jeune couple me raconte comment ils se sont rencontrés grâce à un site Internet qui permet de chercher l’âme sœur, en sélectionnant des critères et en progressant dans un affinement de plus en plus précis. Triste et absurde prétention de tout calculer et maîtriser quand l’amour est un mystère qui commence par un battement du cœur !

Des découvertes prodigieuses…

Dans un livre documenté « La révolution transhumaniste », mais dont je ne partage pas toutes les conclusions, Luc Ferry nous parle de la société de demain. Aux Etats-Unis dans le grand centre de singularité de la Silicon Valley, ou en Chine, des chercheurs et des intellectuels, avec les financements énormes de Google, Facebook, Amazon…, travaillent à une société plus heureuse. Les progrès sur le séquençage de l’ADN sont tels, qu’avec les biotechnologies, nano technologies, l’informatique, on pourra dans un avenir proche modifier le patrimoine génétique des individus, comme on le fait depuis longtemps avec les grains de riz, de maïs ou de blé, les fameux OGM ! On pourra modifier ou augmenter, tel trait de caractère, l’intelligence, la taille…etc et choisir le sexe. Vertige : le progrès nous donne un pouvoir exorbitant sur notre identité même, car l’A.D.N. c’est notre identité. Et qui refusera, s’il en a les moyens, d’améliorer la résistance de l’organisme humain au vieillissement, d’augmenter ses capacités intellectuelles, d’augmenter certaines performances de son enfant, … ? Où sera la frontière entre thérapeutique et amélioration-transformation ? Le bonheur, pour certains, serait de permettre à tous de passer de la chance (loterie naturelle) au choix (aux décisions humaines) ? « From chance to choice ? ».

Une liberté qui veut se vivre sans contraintes…

Pour se faire une idée des changements dans les consciences, il suffit d’aller sur Internet pour lire le discours de Simone Weil devant l’assemblée en 1975 et de le comparer avec la loi d’aujourd’hui : exit le délai de réflexion de sept jours minimum ou l’autorisation parentale pour les mineurs. Pour Simone Weil, aucune femme n’avorte de gaieté de cœur et ce drame doit rester une exception. Des traumatismes qui ressurgissent des décennies plus tard et que les prêtres confesseurs entendent. Voir aussi le discours d’Elisabeth Guigou devant l’assemblée en 1998 pour le PACS : tous les arguments avancés contre la loi du « mariage pour tous » sont défendus par la ministre de l’époque !

Dans un contexte ultra-libéral, un poison s’est installé dans bien des cœurs : que la loi me permette de vivre ce dont j’ai envie, sans que j’ai à me soucier des conséquences pour les autres aujourd’hui et dans l’avenir ! Une liberté qui fuit tout devoir de responsabilité. C’est clair dans les revendications pour une P.M.A. élargie à tous, et bientôt pour la G.P.A. : ce ne sont plus des évènements douloureux qui laisseront des enfants sans père ou sans mère, mais le choix assumé de certains adultes…pour leur bien être personnel ! Quel manque de responsabilité ?

Écoutons sur le sujet de l’euthanasie, dans une tribune récente du monde, des députés conduits par Alain Touraine: « Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et, c’est essentiel, de leur destin. ». Plus question de dignité, mais seulement de la liberté de chacun. Mais la mort ne relève pas que d’un choix personnel ! Ces députés bien portants devraient faire un stage d’un mois dans une unité de soins palliatifs pour s’émerveiller de l’attention à la dignité de chaque malade : ici, disait un époux, on ne s’occupe plus seulement de la maladie, mais de la personne malade. La liberté invoquée ici est un argument pour laisser le malade à sa misère spirituelle et physique et pour éviter de servir la dignité de l’être humain.

Comme le rappelle le grand Rabin de France, Haïm Korsia : « Toute l’éthique médicale est basée sur le refus absolu de ce qui s’est passé dans les camps de la mort ». L’éthique médicale contemporaine naît avec le code de Nuremberg d’août 1947. De novembre 1946 à août 1947, des médecins nazis ont été jugés pour avoir pratiqué la stérilisation des malades mentaux, l’euthanasie des vieillards, des malades, des anormaux appelée « la mort miséricordieuse », l’eugénisme positif de l’homme « supérieur » et l’expérimentation sur l’homme « inférieur », …

Comme les premiers chrétiens…

Les logiques à l’œuvre aujourd’hui dans le monde occidental – ultra-libéralisme, individualisme, relativisme, … – sont des logiques liberticides qui vont s’effondrer d’elles-mêmes un jour. La liberté qui s’affranchit de toutes limites, de tous les commandements et de toute transcendance, conduit à une société de violence et inhumaine. Les souffrances sont déjà là, nombreuses : la mission première du chrétien est de manifester que Dieu est proche de chacun dans son histoire blessée.

Pour l’heure, le chrétien doit accepter d’être minoritaire sans renoncer à crier que l’homme est créé et aimé par Dieu. Les premiers chrétiens étaient si fragiles mais sans peur dans un monde hostile. Leur force de témoignage résidait dans une fidélité à l’évangile dans tous les domaines de la vie. Une présence au monde avec un cœur renouvelé : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2).

Baudoin de Beauvais, prêtre