PÈRE ÉRIC BOKPÉ, prêtre étudiant

Il vient tout juste d’arriver pour assister notre curé le père André Menyé dans le service de nos huit communes, nous vous proposons aujourd’hui de faire plus ample connaissance avec ce jeune Béninois…

Bonjour père Eric et bienvenue dans notre secteur rive droite de la Seine. Vous venez du Bénin, un pays peut-être peu connu de nos lecteurs, pouvez-vous nous le présenter ?

A l’échelle de l’Afrique, c’est un petit pays : un peu plus de 112 000 km², cinq fois plus petit que la France et qui compte un peu plus de dix millions d’habitants. Tout en longueur, à peu près 750 km sur 200 km, il est coincé entre le Togo à l’ouest, le Burkina Faso et le Niger au nord, le Nigeria à l’est et l’océan Atlantique au sud. Le bord de mer ne mesure que 125 km. Ce petit pays faisait partie des anciennes colonies françaises de l’Afrique occidentale, il s’appelait alors le Dahomey. Sa capitale administrative est Porto Novo, mais la ville la plus importante économiquement et la plus peuplée est Cotonou, d’ailleurs le président de la république y réside. Le Bénin est souvent surnommé « le Quartier Latin » de l’Afrique de l’ouest car considéré comme « intellectuel ». C’est un état laïc, dans lequel les catholiques cohabitent avec les musulmans, les adeptes du vodoun et plusieurs autres communautés évangéliques. Comme beaucoup d’états africains, il est composé de plusieurs ethnies, mais même si près de trente langues africaines sont parlées sur le territoire, la langue officielle est le français. Le pays a acquis son indépendance le 1er août 1960. Après plusieurs années d’instabilité, il est devenu une république populaire d’idéologie marxiste-léniniste de 1972 à 1989 puis un passage pacifique vers la démocratie s’est opéré, grâce en particulier à l’archevêque de Cotonou, Monseigneur Isidore de Souza de regrettée mémoire.

Quelles en sont les ressources économiques ?

C’est un pays presque essentiellement agricole. On y cultive des céréales comme le maïs, le sorgho ou le riz, des fruits, en particulier les ananas, les mangues ou les bananes, des tubercules surtout le manioc et l’igname, la canne à sucre, le palmier à huile et aussi le coton. Il y a relativement peu de tourisme et pratiquement pas d’exploitation de ces minerais qui font la richesse des pays voisins.

Merci pour toutes ces précisions, nous connaissons maintenant mieux votre pays. Pouvez-vous nous parler un peu de vous, de votre famille, de votre parcours ?

Je viens d’Ouidah, une petite ville de 60 000 habitants sur la côte sud du Bénin. C’est une ville historique où se trouve « la porte du non retour » car c’était le port d’embarquement des esclaves au moment de leur traite. Je suis né dans une famille nombreuse, j’ai deux frères et trois sœurs ; mon papa, d’abord instituteur puis policier, est décédé en 1989, j’étais alors en classe de troisième. Pour nous nourrir, ma maman préparait des « tartines », je crois que vous appelez ça des beignets, qu’elle faisait frire dans l’huile avant de les vendre. Je suis entré au séminaire propédeutique saint Joseph en 1998, à Missérété près de Porto Novo. Après une année de discernement, j’entre au grand séminaire saint Gall d’Ouidah. Après avoir suivi des études de philosophie pendant deux ans et effectué une année de stage à la paroisse Sainte Rita de Cotonou, je suis entré au grand séminaire pour des études de théologie qui ont duré quatre ans. Parallèlement, j’avais la charge de l’hôtellerie du séminaire, la gestion des chambres, de la nourriture, des équipements, etc. Une tâche intéressante mais très prenante !

Et après le grand séminaire ?

J’ai terminé mes études en juin 2005, j’ai alors été affecté à la paroisse de la Sainte Famille à Cotonou où j’ai effectué un stage pendant une année. J’ai ensuite été ordonné diacre le 22 juillet 2007 à la paroisse Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus d’Akpakpa, une petite ville dans la banlieue de Cotonou, puis ordonné prêtre une semaine plus tard à la basilique d’Ouidah. Le hasard fait que c’est Monseigneur Eric Aumonier, l’évêque du diocèse de Versailles qui m’a ordonné prêtre, un clin d’œil de la providence ?

J’ai ensuite été nommé vicaire dans la paroisse dans laquelle j’avais fait mon stage. Je m’occupais des finances, il faut savoir qu’au Bénin cette tâche revient souvent aux prêtres, mais aussi de la pastorale des malades, des groupes de prières et d’enfants. Je suis resté dans cette paroisse pendant trois ans, puis ai été nommé curé d’une toute nouvelle paroisse, le Sacré Cœur de Savi, à quelques kilomètres d’Ouidah. C’était un travail passionnant que de fonder ainsi une nouvelle paroisse et je m’y suis investi à 100 %, mais… n’y suis resté que deux ans ! A peine les bases posées, j’ai été dirigé vers une nouvelle mission, toujours dans le sud mais dans une commune plus rurale, la paroisse du Sacré Cœur de Sey, proche de la ville historique d’Allada.

Eh bien, père Eric, il semblerait que vous soyez fait pour voyager !

Effectivement, d’autant plus que je ne suis resté que deux ans dans cette paroisse, dans laquelle je me sentais très bien. C’est en octobre 2013 que je pars pour la France. J’y ai été accueilli par la congrégation religieuse des chanoines de Saint Victor dont la maison mère est à Champagne-en-Ardèche et rejoins le prieuré de Chancelade, dans le diocèse de Périgueux.

Je vis là une expérience intéressante de curé « in solidum », avec une équipe de quatre prêtres nous avons la charge de la paroisse saint Pierre et saint Paul de Saint Astier, un secteur qui regroupe vingt-deux communes !

Cette mission prévue durer deux ans prend fin en septembre 2014, date à laquelle je suis appelé à la paroisse du Sacré Cœur d’Angoulême, une paroisse très vivante dans le centre ville. Le 13 septembre 2015, je déménage à Joinville-le-Pont où j’ai retrouvé un confrère chanoine. C’est là que j’ai commencé des études de théologie catéchétique à l’Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique, rue d’Alsace à Paris. Ces études sont prévues durer deux années et, normalement, je dois soutenir un mémoire en juin 2017…

Enfin après tous ces déplacements, me voici à Meulan pour assister le père André, depuis le 2 janvier. J’y ai été très bien accueilli et ai trouvé dans ce centre Saint Nicaise à Vaux un appartement et un environnement très agréables.

Parlez-nous un peu de vos loisirs, pratiquez-vous un sport ?

J’ai pratiqué un peu le basket lorsque j’étais collégien puis lycéen mais abandonné cette pratique depuis que je suis prêtre. Une des premières choses que j’ai faite en France, grâce à un couple de la paroisse d’Angoulême, c’est d’apprendre à nager. En effet bien que vivant en bord de mer, en général les Béninois en ont un peu peur, ce qui fait qu’ils ne se baignent que rarement, j’ai réussi à dépasser ce préjugé et ai maintenant fort envie de continuer, je crois qu’il y a une piscine à Meulan ?

J’aime aussi beaucoup lire ; la littérature française bien sûr, j’avais un très bon professeur qui nous a appris à apprécier les grands auteurs, en particulier Baudelaire et Marcel Pagnol, mais aussi les écrivains africains tels que Henri Lopes ou Jean Pliya considéré comme un des plus grands au Bénin.

J’apprécie aussi la musique, mais ai dû abandonner l’étude du solfège au grand séminaire, j’étais alors trop occupé par mes charges hôtelières et n’avais que très peu de temps pour apprendre à jouer d’un instrument.

Comment s’est passée votre arrivée en France, il doit y avoir un grand changement avec le Bénin, non ?

Ah ! Ça on peut le dire. D’abord je suis arrivé en octobre, il y a donc eu la différence de température les premiers mois, j’ai ensuite été très impressionné par le réseau routier français, quelle différence avec nos routes africaines !

Comment vivez-vous ces premiers moments dans notre paroisse ?

Je ressens profondément une très grande « espérance » au niveau de la foi. J’ai pu aussi remarquer une grande différence en ce qui concerne la pratique de la religion par rapport à l’Afrique, mais il y a en profondeur un « terreau » très favorable…

 

Un grand merci père Eric d’avoir reçu « Les Echos », merci aussi pour la « petite » leçon de géographie, espérons que votre étape dans notre paroisse de la Rive Droite de la Seine soit pour vous une expérience riche et fructueuse.

 

                                                           (Propos recueillis par Jannick Denouël)

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