Gilles Le Dilhuidy, photographe
Quoi de plus logique que d’aller à la rencontre d’un photographe pour l’interview des Echos de Meulan de juin consacré à la photo. Déjà connu dans notre secteur, pour la qualité et l’originalité de son travail, nous avons sollicité un entretien auprès de Gilles Le Dilhuidy, habitant Vaux-sur-Seine.
Bonjour monsieur Le Dilhuidy, merci de nous recevoir chez vous et d’accepter de nous consacrer du temps. Nous allons évoquer votre travail mais auparavant pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Breton d’origine, né à Le Faouët dans le Morbihan, j’ai suivi des études pour obtenir un bac technique, un DUT génie mécanique, un CAP de dessinateur et un DUT gestion des entreprises et des administrations. J’ai travaillé dans l’industrie chez Yves Rocher à La Gacilly, chez Waterman à Nantes et chez Salmson (pompes) à Laval. Ce fut chez ces derniers, où j’étais gestionnaire de production, que j’ai publié mes premières photos dans le magazine de la société.
Qu’est-ce-qui vous fait quitter votre région d’origine ?
Je rencontre Catherine qui habite Vaux-sur-Seine et qui deviendra mon épouse. J’ai l’opportunité d’être muté au siège de Salmson à Chatou pour un poste de gestionnaire commercial. Depuis nous n’avons pas quitté la région.
Votre goût pour la photographie est-il précoce ?
Non pas vraiment, car étant jeune j’étais plutôt doué pour le dessin et curieusement mes études en dessin industriel m’ont éloigné du dessin artistique. En fait, c’est l’achat de mon premier appareil photo avec ma première paye, à l’âge de 18 ans, qui a déclenché ma passion pour la photo. Je démarre tout d’abord en noir et blanc, puis plus tard je suis une formation d’un an dans une école-photo : le centre IRIS à Paris, dans le cadre du Fongecif et j’obtiens un CAP de photographe.
Pensez-vous avoir évolué dans votre art au fil des années ?
Oui, car il faut se souvenir que la photographie avec l’argentique incluait le développement en chambre noire avec le moment magique de l’apparition de la photo dans les bains. Même si avec le numérique, vous pouvez travailler votre photo avec des logiciels comme Photoshop, c’est une autre démarche. J’ai fait beaucoup de photos durant mes voyages à l’étranger : Népal, Maroc, Thaïlande, Birmanie, Turquie, etc.
J’ai gardé de la période argentique le souci de la recherche du sujet et d’avoir la curiosité et le regard du photographe. C’est pour cela que depuis plusieurs années, je travaille par démarche avec comme fil conducteur un regard sur la nature. Je pars d’une observation et de cela naît une démarche.
« Velux » ou « au travers de la fenêtre » sera ma première série. Cette démarche, réalisée dans le cadre d’un exercice du centre de formation IRIS, verra son aboutissement par une exposition au siège de la société.
Un autre déclic s’est produit dans une salle qui avait un mur en pavés de verre. Je vois à travers une fleur dont l’image est déformée. Je me procure un pavé de verre et je réalise la série que j’intitule « Carré verre ». Depuis, j’ai fait sur le même principe une observation, une série : « Pris dans la glace » des végétaux photographiés dans la glace, « Boule de cristal » photo prise à travers une boule de cristal, « Ombre et lumière » à partir des ombres des vitraux de l’église de Vaux-sur-Seine et de photos superposées, et ma dernière série « Tags en fleur » associant deux images, un tag et une fleur.
Quand on regarde les magnifiques séries que vous avez réalisées, au-delà de l’esthétique, on réalise la maîtrise technique que cela nécessite, en particulier pour gérer les reflets.
Effectivement, quand j’entame une démarche je ne me soucie pas de la technique, c’est d’abord un regard puis un thème, ensuite je vais mettre mon expérience au service du sujet. La gestion des reflets à travers le pavé de verre ou la boule de cristal a nécessité de la recherche avec une bonne maîtrise de la technique. Par contre, je n’utilise pas de logiciel de retouches de photos sauf dans les séries « Ombres et lumière », pour les superpositions et pour « Tags et fleurs » pour les juxtapositions de photos.
L’une des satisfactions du photographe c’est de pouvoir exposer. Avez-vous eu cette possibilité ?
Oui, de nombreuses fois, j’ai eu la chance de pouvoir exposer. Ma première exposition, en noir et blanc eut lieu à Laval, dans un photo-club. Depuis j’ai exposé en Mayenne, en Bretagne et en région parisienne (voir photo primée lors d’un concours à Paris), au Pecq, au château de Tronjoly à Gourin (56), plus récemment à Berson à Meulan et à Gaillon-sur-Montcient, lors d’une exposition organisée par Christian Tétard, photographe bien connu des Meulanais. Mais je n’expose pas non plus trop souvent car cela nécessite de renouveler ses photos.
Une autre satisfaction est de faire partie de l’association « Entre Seine et jardins » qui est un collectif d’artistes à Vaux-sur-Seine. J’ai intégré ce groupe il y a quelques années et nous avons réalisé la 13ème édition en 2016 sur le principe de l’ouverture des portes chez les artistes locaux en proposant un circuit dans la ville.
La question que tout le monde se pose, peut-on vivre de la photo, et vous-même en vivez-vous ?
Très peu de photographes, à l’heure actuelle, peuvent vivre de la photo. Avec l’apparition du numérique, la situation s’est aggravée car on fait de moins en moins appel à des photographes professionnels. Les graphistes disposent de banques de photos numériques pour des prix dérisoires. En ce qui me concerne, je n’ai jamais vécu de la photo. J’ai réalisé des prestations ponctuelles fournissant parfois des photos faisant la une d’un magazine. J’ai également fourni des visuels pour les parfumeurs et réalisé quelques couvertures de romans pour les éditeurs « Archipel » et « Actes Sud ».
Etes-vous toujours dans l’industrie, comme au début de votre vie professionnelle ?
Non plus du tout. Après avoir été durant six ans assistant pédagogique au lycée François Villon, je travaille désormais au Collège Henry IV comme assistant de vie scolaire (AVS) en section Ulis. Je fais également de la formation informatique à domicile dans le cadre de service à la personne et du soutien scolaire à la mairie des Mureaux deux fois par semaine. En tant que photographe, je démarre une session découverte du « Light painting »(1) avec un groupe d’enfants, dans le cadre de la découverte de l’espace organisé par la ville des Mureaux.
Compte-tenu de votre évolution professionnelle, j’ai envie de vous demander quelle est votre évolution artistique ?
Dans ce domaine aussi cela a évolué ; même si je fais toujours de la photo, je fais depuis plusieurs années de la sculpture sur pierre. J’ai beaucoup appris dans le groupe CTM (compagnons tour de main) à Triel. Je travaille depuis deux ans sur un buste de jeune fille et différents autres sujets. Je suis un « touche à tout » et en voyant mon épouse peindre des coquilles d’escargots, je me suis mis à les sculpter !
Devant mon étonnement, Gilles Le Dilhuidy me fait voir son travail remarquable, en particulier, le buste de la jeune fille et la sculpture de coquille d’escargot, un portrait de jeune femme, de profil, avec comme cheveux en forme de chignon, la spirale de l’escargot.
Avec vous le mot artiste prend toute sa dimension car effectivement vos talents sont multiples. Il est déjà temps de conclure, mais auparavant je voudrais vous remercier pour votre accueil, votre disponibilité mais aussi pour le bonheur que vous procurez à travers vos œuvres. Nous serons heureux aux Echos de Meulan de relayer vos activités artistiques, expositions ou portes ouvertes.
Je vous remercie car, pour un artiste, il est important de partager ; une œuvre n’a de valeur que si elle peut être vue. Pour conclure, je voudrais dire que dans toutes mes activités artistiques ce sont la curiosité et la découverte qui m’animent, avec un regard sur la nature. Au fil des années, je n’ai pas l’impression de voir le temps passer et d’être toujours à la quête d’un nouveau projet. Pour moi avec cette curiosité permanente, j’ai le sentiment de ne pas vieillir !
Propos recueillis par Yves Maretheu
(1) Le light painting — « peinture à la lumière » — est une technique de prise de vue photographique consistant à fixer dans le temps la lumière et ses mouvements. (deux conditions : temps d’exposition relativement long et un environnement sombre.)
