La défaillance de la douceur

Noël, comme chaque année, est un temps de joie pour certains, un temps d’épreuves pour d’autres. Les rues éclairées et les magasins dégorgeant de cadeaux à faire, peuvent donner l’illusion que la fête est pour tous. Nous le savons, certaines blessures dans les familles, les situations de pauvreté et de violence, les solitudes, rendent ces jours de fin d’année difficiles à vivre pour beaucoup.

Cette réalité, plus ou moins dramatique selon les pays dans le monde, pourra déranger certains qui feront tout pour faire « comme si ». Réussiront-ils pour autant à être heureux ? Ils pourront le croire quelques jours, dans un paradis artificiel qui débouche toujours sur un désenchantement, un jour ou l’autre. Ils vous répondront : « c’est toujours ça de pris ». Bien courte et triste idée du bonheur !

Une autre attitude est de vivre Noël en regardant autour de soi et en se sentant relié à ce qui nous entoure. D’abord notre sœur la terre et ses ressources. Oublierons-nous, sous prétexte de s’éclater, la situation catastrophique de notre planète épuisée par tant de surconsommation ? Noël peut être l’occasion de redécouvrir que joie se marie bien avec sobriété.

Mieux encore, en ces jours, nous aurons à méditer ce que le philosophe Merleau-Ponty déclarait en considérant le christianisme : « l’Incarnation change tout ». La sagesse de Dieu peut se révéler folie aux yeux des hommes, mais elle reste la vraie Sagesse. Celle de la tendresse. La faiblesse et la fragilité de l’enfant dans la crèche et de tout enfant nous rappelle que ce n’est pas la démonstration de richesse, de maîtrise orgueilleuse sur le monde et sur la vie, de pouvoir dans l’intelligence et les techniques, qui fait grandir l’homme. Les signes de notre temps ne nous démontrent-ils pas les impasses mortelles de la folie de l’homme ?

Oui, il y a une faiblesse qui est vraie sagesse et vraie force. Celle qu’Emmanuel Levinas désigne comme « défaillance de la douceur ». Loin des vertiges de la toute puissance à l’œuvre dans le monde, Noël nous invite à une révolution dans les cœurs, celle de la prière de Marie portant une vie fragile dans son ventre : « il élève les humbles, il renverse les orgueilleux ». Mais ne nous y trompons pas ? Cette révolution est une conversion qui demande la patience avec soi-même et surtout la grâce de Dieu dans le cœur.

Des rencontres extraordinaires me font vivre cette expérience profondément heureuse, des rencontres de personnes qui se sont laissées prendre par l’amour dans leur faiblesse, des personnes dont les médias ne parlent pas mais qui sont le Royaume de Dieu. C’est le Noël que je vous souhaite à tous : cœur vrai et mains ouvertes.