Larousse, un homme, un dictionnaire

Dans ma famille de génération en génération s’est transmis un culte, celui du dictionnaire, jamais loin de nos bureaux comme du salon mais aussi de la salle à manger. Pour trancher toute discussion dans des domaines variés : grammaire, histoire, géographie ou autre, il était appelé à mettre tout le monde d’accord. Combien de fois ai-je entendu mon grand-père nous demander : « allez chercher le Larousse » ! Et pour moi bien longtemps, ce puits de science qui avait réponse à tout était en fait un dictionnaire encyclopédique qui portait le nom de son géniteur à qui pour les Echos de Meulan, je donne la parole :

« Je suis né en 1817, il y a tout juste 200 ans, à Toucy dans l’Yonne, d’un père forgeron et d’une mère cabaretière. Je mène mes études facilement et obtiens à 16 ans une bourse à l’université après mes études d’instituteur primaire, métier que j’exerce à Toucy durant trois ans alors que j’ai à peine 20 ans. Je m’emploie à renouveler les méthodes pédagogiques m’appuyant sur la curiosité des enfants. En 1840, je rejoins Paris et donne libre cours à ma boulimie intellectuelle constituant des milliers de fiches dans tous les domaines. Un moment j’ai envisagé de rejoindre mon berceau familial et de m’associer à ma sœur et mon beau-frère dans le commerce des vins de Bourgogne car je porte en moi l’amour de ma terre natale et j’y acquiers une propriété.

Je publie à compte d’auteur la « Lexicologie des écoles primaires » puis une « Grammaire élémentaire lexicologique ». C’étaient les prémices de mon œuvre magistrale que je peux réaliser en m’associant à Augustin Boyer qui apporte le financement et, en 1852, ma demande de libraire-éditeur m’est accordée et nous nous installons dans un petit local. Je suis ambitieux, je veux tout savoir dans tous les domaines et éditer des ouvrages scolaires. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec mes écrits et, en 1856, la publication du « Nouveau Dictionnaire de la langue française », réalisé avec François Pillon, me vaut les foudres de Rome, l’ouvrage est mis à l’index !

Ma fierté c’est le « Grand dictionnaire universel du XIXe siècle » en dix sept volumes que j’ai mis onze ans à écrire. D’abord publié en fascicules, il compte 22 700 pages !

Je pense que j’avais un peu abusé de mes ressources cérébrales et après ce que vous appelez un AVC, prévoyant une mort proche, j’épouse en 1872, à la mairie du VIe arrondissement, Pauline Caubel, ma compagne depuis vingt-cinq ans ; elle sera, avec mon neveu Julien Hollier, mon héritière sans pour autant avoir oublié mon ex-associé ».

Pierre Larousse meurt d’une congestion cérébrale à Paris en 1875 ; il n’a que 58 ans ! Son œuvre magistrale, fruit d’un travail titanesque, lui vaut de laisser à la postérité son patronyme de Larousse devenu un nom commun. Quant à la librairie Larousse, elle a pris un essor considérable, conjuguant différentes formes.

Hérité de mon grand-père, je possède le « Nouveau Larousse illustré » en sept volumes, fleuron de la librairie Larousse au tout début du XXème siècle. Heureusement, je n’habite pas un deux pièces car chaque volume pèse cinq kilos, mais quel régal pour ma curiosité !

Me penchant sur la vie de Pierre Larousse, je ne puis que faire le parallèle avec un autre instituteur très attaché à notre terroir : Marcel Lachiver (1934-2008) qui, très jeune, a « glané » les mots du monde rural, et usé six 2 CV à quadriller la France à la recherche des mots qui composent son magistral « Dictionnaire du Monde rural, les mots du passé » de mille huit-cents pages pour quarante-cinq milles entrées sans oublier les cinq-cents illustrations