Les cent ans de Bourvil

André Bourvil : sa simplicité et sa gentillesse ont fait de lui l’un des acteurs préférés des Français. Dans tous les personnages qu’il a joués le spectateur pouvait facilement s’identifier. Sa passion était de faire rire. Rappelons-nous son fameux sketch sur la « causerie anti-alcoolique » avec l’eau ferrugineuse et la scène du film du « Corniaud » où après avoir été percuté par la voiture de Louis de Funès, il eut cette célèbre réplique, son volant entre les mains : « C’est sûr, elle va marcher moins bien maintenant ».
Jeunesse et début de carrière
André Raimbourg, né le 27 juillet 1917, était prédestiné à devenir agriculteur. Il n’a pas connu son père, décédé de maladie l’année suivante. Il passe son enfance entouré de sa mère remariée, de ses frère et sœur et de ses demi-frère et demi-sœur à Bourville en Seine-Maritime.
Bon élève, il obtient son certificat d’études avec la mention très bien. Il entame des études d’instituteur dans une école primaire supérieure pour garçons. N’acceptant plus les règles strictes du pensionnat, il retourne deux ans plus tard à la ferme familiale.. Enfant de chœur espiègle, il anime régulièrement des fêtes familiales, banquets et kermesses. Il y reprend les chansons de Fernandel en faisant le pitre, ce qui lui vaut rapidement le surnom de « Fernandel normand ».
Mitron à 17 ans, il devient boulanger à Rouen en 1936 ; mais il est décidé à devenir artiste lorsqu’il assiste un an après à un spectacle de son idole, Fernandel.
Pendant son service militaire, il est affecté pour deux ans dans le 24e régiment d’infanterie à Paris. Cornettiste dans la fanfare du régiment, il fait rire ses camarades de chambrée qui lui lancent un défi : s’inscrire à un radio-crochet sur « Radio-Paris ». Sous le pseudonyme d’Andrel (en référence à son modèle Fernandel), il interprète « Ignace » et gagne trois cents francs en remportant le « Prix Byrrh 1938 », aussitôt employés à acheter un accordéon.
Démobilisé, il poursuit sa carrière musicale à Paris: radio-crochets, cabarets, music-halls, tout en exerçant de nombreux petits métiers. En 1942, Andrel devient Bourvil en créant le personnage du « comique-paysan » naïf. Il se marie l’année suivante avec Jeanne, rencontrée quelques années plus tôt dans sa Normandie natale, qui lui donnera deux fils : Dominique et Philippe.
Un artiste reconnu
Jeune artiste en quête de succès, il laisse en héritage les chansons : « à bicyclette, à dada… » mais c’est avec « les crayons » que sa carrière débute vraiment en 1945. Dans les années cinquante, il abandonne les tours de chants pour se lancer dans l’opérette en jouant auprès d’Annie Cordy, Luis Mariano, Georges Guétary… Une décennie plus tard, il renoue avec le succès en chantant : « la ballade irlandaise, le petit bal perdu … ».
Sa carrière cinématographique fut un succès. Il est dirigé par les plus grands cinéastes : Mocky, Melville, Autant-Lara, Clouzot, Grangier… Dans son répertoire, il nous a prouvé qu’il pouvait interpréter toutes sortes de rôles, du comique au dramatique, avec les plus grands acteurs de l’époque : Jean Marais « le bossu », Michèle Morgan « le miroir à deux faces », Lino Ventura « les grandes gueules », Alain Delon et Yves Montand « le cercle rouge », Jean-Paul Belmondo « le cerveau », Louis de Funès « le corniaud » et « la grande vadrouille »…
Son personnage de « Martin », face à Jean Gabin dans la « traversée de Paris » lui valut la coupe Volpi à la Mostra de Venise en 1956 et le prix d’interprétation de l’Académie du Cinéma français (Étoile de Cristal) l’année suivante.
Ses amis, sa famille
Bourvil aimait la campagne. Pour se reposer après les tournages, il acheta une maison à Montainville qui lui rappelait sa Normandie et il n’était pas rare de le voir à vélo avec ses enfants dans les rues du village pour faire ses courses. Il invitait souvent son voisin de Crespières, Georges Brassens, avec qui il partageait une connaissance encyclopédique de la chanson française. Il connut aussi Jean-Paul Sartre et on pensa à lui pour la Comédie Française.
André Bourvil nous a quittés à l’âge de 53 ans le 24 septembre 1970. Il repose dans le petit cimetière de Montainville. Comme pour se rappeler son passage dans le village, son nom de famille n’a pas été effacé de la boite aux lettres de son ancienne demeure.
André Bourvil, c’était la gentillesse, la simplicité, le respect, l’amour des autres et le public le lui rendait bien. Preuve en est des deux cent cinq millions de spectateurs qui se sont bousculés dans les salles obscures entre 1945 et 1970 et du succès toujours confirmé de la rediffusion de ses films à la télévision.
Sa modestie lui a fait dire un jour au cours d’une interview : « On se souviendra toujours des écrivains, des peintres, des compositeurs… mais nous les artistes, quand on est passé, on est passé… ».
Et pourtant depuis quarante-sept ans, personne ne vous a oublié. Merci Monsieur Bourvil.

Geneviève et Odile