Notre-Dame de Paris

La construction de Notre Dame de Paris aurait duré cent sept ans. De là l’expression : « J’espère qu’il n’y en a pas pour 107 ans ». Car aujourd’hui, temps du tout de suite et de l’immédiateté, c’est plutôt dans ce sens que l’expression est utilisée. Il faudra reconstruire la cathédrale d’ici cinq ans. On fera semble-t-il à l’identique, du moins pour ce qui se voit de l’extérieur. Les techniques et technologies modernes permettront d’aller vite et bien, sans s’attarder à ce qui sera caché à nos regards d’en bas.

Le temps long au contraire permettait de soigner tous les détails. Que de gargouilles cachées ! Que de sculptures et de ciselages dans les méandres d’une visite prolongée ! Que de charpentes prodigieuses ! L’envers était aussi beau et soigné que la façade ! Et c’est bien là un signe d’un travail de Dieu et pour Dieu.

Car Dieu prend le temps, le temps de toute une vie… Que de conversions derrière un pilier ! Que de larmes et de supplications à genoux et entendues par Dieu ! Que de joies exprimées secrètement dans les cœurs ! Que de consolations dans un pardon qui délivre de la culpabilité ! Toute cette action de la grâce de Dieu était et reste cachée. Une transformation éternelle, car le feu de l’amour de Dieu qui agit dans le secret des cœurs ne détruit pas mais fait revivre et renaître. Le prêtre que je suis découvre cela tous les jours, pendant que certains attendent une preuve évidente en s’attachant au paraître et au « tout de suite ».

En quelques minutes, une œuvre multiséculaire et lieu de tant d’évènements de notre histoire peut disparaître, brûlée accidentellement. Jésus annoncera, à ceux qui contemplent le beau temple de Jérusalem, sa destruction quarante ans plus tard, lui aussi brûlé mais intentionnellement par les Romains de Titus en 70. « Tandis que Jésus sortait du temple, un de ses disciples lui dit : Maître, regarde ! Quelles belles pierres, quelle belle construction ! Jésus lui répondit : tu vois ces grandes constructions ? Il ne restera pas ici une seule pierre posée sur une autre ; tout sera renversé. ». (Marc XIII).

J’ai participé à l’émotion collective de ce lundi soir 15 avril, mais ni pleuré ni mal dormi. Ce sont plutôt les évènements successifs de cet hiver, révélations diverses et émissions sur les crimes de certains couverts par l’institution ecclésiale qui m’ont fait pleurer et passer des nuits blanches. « Tout ce qui est caché sera rendu visible et tout ce qui est secret sera mis en pleine lumière » (Marc IV, 22). Que la lumière de cet incendie nous invite, à commencer par les chrétiens et les responsables, à plus d’amour de la vérité : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière ». (Jésus dans Saint Jean chapitre 3).

L’élan collectif de tout un pays autour de la cathédrale est un beau signe de la foi qui animait nos ancêtres prêts à tous les sacrifices pour bâtir la maison où Dieu parle aux âmes plus ou moins errantes…. car nous sommes tous plus ou moins chercheurs de sens. Que la lumière de cet incendie nous amène à une autre Lumière, celle de l’Amour qui fait le bien. « Les hommes aiment mieux l’obscurité que la lumière, parce qu’ils agissent mal » dit Jésus. « On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité ! La vraie tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière » Platon.

 

Baudouin, prêtre.