Soirée bioéthique du lundi 16 septembre aux Bernardins (Paris)

Vous avez probablement entendu parler du débat, puis de la loi sur la bioéthique. Nous voudrions vous donner quelques éléments de réflexions extraits des quatre interventions du lundi 16 septembre dernier à la soirée de présentation des positions de la Conférence des Evêques de France (CEF).

Extraits de l’intervention de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, président de la CEF.

« Nous sommes inquiets, c’est pourquoi nous parlons ce soir. Nous sommes inquiets pour notre société française et, plus globalement, pour les sociétés occidentales…

… Permettez-moi de le dire avec force : nous entendons, nous comprenons la souffrance de celles et de ceux qui ne peuvent avoir d’enfants par leur union avec une personne de l’autre sexe qui a décidé de les aimer. Nous entendons et nous comprenons la souffrance des femmes homosexuelles qui aspirent à avoir un enfant. Car, assurément, avoir un enfant est la manière la plus sûre d’être tiré hors de soi, d’être tiré vers un amour inconditionnel et de pouvoir espérer être aimé ainsi en retour.

C’est précisément un drame pour notre société que de ne pouvoir encourager les hommes et les femmes à s’aimer l’un l’autre en se décentrant chacun de lui-même ou d’elle-même.

Mais la beauté de l’amour d’un parent pour son ou ses enfants ne suffit absolument pas à justifier que l’on livre la procréation à la manipulation médicale et la filiation aux bricolages que l’habileté des montages juridiques sophistiqués fait imaginer.

Nous ne disons pas que les enfants ainsi conçus seront fatalement malheureux : l’être humain a une formidable capacité à s’ouvrir des chemins de bonheur tout autant qu’il est capable de se plaindre. Mais nous disons que nos sociétés se trompent collectivement lorsqu’elles prétendent résoudre les souffrances des uns et des autres par des techniques médicales et juridiques et lorsqu’elles transforment la médecine faite pour soigner et guérir si possible, en réponse aux demandes et aux frustrations. Nous nous inquiétons lorsque nous constatons que nous ne savons plus faire face aux limites et aux douleurs de la condition humaine qu’en constituant sans cesse des droits nouveaux à exiger. »

 

Extraits de l’intervention de Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe bioéthique au sein de la CEF.

« Prenons-nous le bon virage en laissant se développer un eugénisme libéral qui imprègne les mentalités et qui semble justifié puisque les techniques le permettent ? … Prenons-nous le bon virage quand un choix politique non discuté oblige à des changements incertains et précipités sur la filiation humaine ? La révolution dans le droit de la filiation proclamé par la garde des Sceaux est-elle le bon virage à prendre pour le monde de demain quand ce droit établirait qu’il n’est plus vrai que la femme qui accouche soit la mère, quand celle-ci au sein d’un couple a un enfant grâce à la technique d’aide médicale à la procréation (AMP) avec tiers-donneur ? »

Il a conclu, en invoquant l’Esprit saint, « celui que nous appelons dans notre foi chrétienne le père des pauvres ». « Nous sommes des pauvres devant toutes ces problématiques de bioéthique. […] Tous ensemble nous pouvons dire : “Viens, Esprit Saint, père des pauvres, conseilleur merveilleux, donne-nous la sagesse” ».

Extraits de l’intervention de Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, médecin.

« …La nouvelle loi ouvre la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires qui donc ne présentent pas de problèmes médicaux d’infertilité. La cause évoquée par le législateur est la discrimination. Cet argument politique n’est pas tenable juridiquement comme l’a relevé le Conseil d’état le 28 septembre 2018, il y a un an : « Les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes du même sexe ». En outre, à deux reprises, le Conseil Européen des Droits de l’Homme a refusé de condamner la France en affirmant qu’il n’y avait pas de discrimination dans ce cas.

Nous sommes bien devant un changement de paradigme pour lequel la médecine soignante devient une « prestation » au service des volontés individuelles. La médecine se met en dépendance du marché de la procréation où priment les intérêts financiers et la volonté toute-puissante des adultes. L’enfant désiré y est réduit à l’état de produit. »

Extraits de l’intervention de Gaelle et Bertrand Lionel-Marie, tous deux avocats et responsables nationaux du secteur bioéthique des Associations Familiales Catholiques (AFC) qui, eux-mêmes, n’ont pas pu avoir d’enfants.

Première observation : le faux argument de l’égalité

L’argument central de ceux qui défendent l’ouverture de la « PMA à toutes » est celui de l’égalité. Cet argument est infondé en droit pour la bonne raison que les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe, de sorte qu’une différence de traitement (en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit) n’est pas contraire au principe d’égalité(1) (par exemple, CE, n°421899, 28.09.2018, décision du Conseil constitutionnel n° 2013-669 du 17 mai 2013(2)).

Deuxième observation : L’intérêt supérieur de l’enfant nous oblige

La Convention internationale des droits de l’enfant (du 20 novembre 1989, ratifiée par la France en 1990) stipule en son article 3 que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (…) l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Cette convention s’est vue reconnaître un effet direct par le Conseil d’état en 1997 et par la Cour de cassation en 2005, elle a donc une valeur supra-législative. En d’autres termes, elle est supérieure à la loi.

Cette notion d’intérêt supérieur de l’enfant, qui n’est pas bien définie en droit, vise à protéger l’enfant qui est, par essence, fragile et vulnérable en faisant prévaloir son intérêt sur celui des adultes.

L’article 7§1 de la CIDE(1) stipule, en outre, que tout enfant « dans la mesure du possible, a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».

Il résulte, donc, d’une lecture combinée des articles 3 et 7 §1 de la CIDE qu’il est de l’intérêt d’un enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux, donc de connaître son père et d’être élevé par lui.

… L’heure est, donc, grave. Le modèle bioéthique français est en train de sombrer, corps et âme.

… Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour.

Dieu nous demandera : qu’as- tu fais de ton frère, du plus petit et du plus fragile d’entre les miens, du petit d’homme ?

Ainsi chacun est interpelé et doit en conscience s’interroger sur son comportement, quelles que soient les lois en vigueur ou à venir.

 

(1) CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant : ONU 20/11/1989)