Le coin du poète

Vénus rousse

 

C’était un beau jardin

Où dansait la nature,

Mais des esprits chagrins

Ont supprimé la verdure.

Érigé un palais des sports

Sur ces grands arbres morts.

 

Dans ce temple d’effort,

Ce lieu de réconfort,

Une jeune fille rousse,

Que rien ici ne pousse.

Echoit, sans fausse note,

Parmi la foule, elle dénote.

 

Elle se faufile sans grâce,

Elle se faufile sans bruit.

Se cachant de guerre lasse

Elle transpire d’ennui.

Dans ses yeux verts j’ai cru voir

Deux larmes de désespoir.

 

Presque invisible sur sa chaise

Elle attend ses professeurs

Ils l’encouragent, la mettent à l’aise

L’entourent, fiers souteneurs !

Ce n’est pourtant qu’une enfant

Elle qui n’a pas encore seize ans.

 

Elle expose avec candeur

Un bustier très prometteur.

Elle se lève, elle est immense.

Sa pâleur, sa chevelure intense,

Attisent de vieilles suspicions,

Réveillent de sombres intentions

 

Pourtant la jeune fille rousse

Qui, peu fière, se trémousse,

Jamais ne soutient le regard.

Elle est timide à ces égards.

Elle prend toujours de la distance

Pour ses amis de circonstance.

 

Sur ses touches de rousseur

Un virtuose de la douceur

Pourrait écrire sa vie en rose

Chanter en vers, chanter en prose

Rédiger une fine partition

Pour susciter son affection.

 

Sa démarche chaloupée

Son déhanché trop prononcé

Un justaucorps mal ajusté

Font découvrir de fins souliers

Scintiller deux tiges métalliques

Elle est jolie et c’est tragique.

 

Moi qui n’avais plus d’émotion

Moi le sportif sans prétention

Sans tressaillir de détresse

J’ai ressenti de la tendresse

Un sentiment de compassion

Pour ses sordides amputations.

Daniel Weugue

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