Auguste PERRET, promoteur du béton armé

Auguste Perret fut souvent malaimé comme cela arrive aux novateurs.

Né le 12 février 1874 à Ixelles près de Bruxelles où son père, trop impliqué dans la Commune de Paris, s’était exilé, la famille regagne la France en 1880. Auguste se forme dans l’entreprise familiale et entre à l’Ecole des Beaux-Arts mais la quitte avant l’obtention de son diplôme car il a « le béton en tête » ; il dira : « mon béton est plus beau que la pierre, je le travaille, je le cisèle, j’en fais une matière qui dépasse en beauté les revêtements les plus précieux ».

Auguste a pourtant des attaches avec la pierre car son grand père était carrier et son père tailleur de pierre. Il va s’associer avec ses frères : Gustave, architecte et Claude, entrepreneur en maçonnerie ; on parlera souvent des œuvres des frères Perret. Dans leur atelier dit « Agence d’architectes et entreprise de travaux publics Perret frères », passeront de célèbres architectes comme Le Corbusier(¹) qui, finalement, critiquera l’œuvre d’Auguste.

Il fut l’un des premiers à utiliser la technique du béton armé, à en saisir l’intérêt ; c’est un matériau économique et robuste que l’on pensait indestructible ; en fait, il n’en est rien, témoin l’église Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus à Elisabethville, œuvre de Paul Tournon (1928), qui pose de sérieux problèmes de restauration au point qu’il a été envisagé de la démolir et même un de ses chefs-d’œuvre : Notre Dame du Raincy, en grand danger. Est-ce la rapidité du travail initial qui est en cause ?

L’emploi du béton crée en quelque sorte un nouvel ordre architectural qui tenta de s’implanter durant un demi-siècle. Perret travaille d’abord pour des particuliers : un immeuble rue Franklin et un garage rue de Ponthieu, puis se fait connaître et reconnaître sa technique du béton avec un de ses chefs-d’œuvre : le théâtre des Champs Elysées (1912). Il avait été appelé comme entrepreneur par l’architecte Henry Van de Velde mais il le supplanta grâce à une proposition jugée très pertinente. Les hauts reliefs de la façade sont l’œuvre de Bourdelle(²) et le décor du plafond de Maurice Denis(³).

Notre-Dame de la Consolation au Raincy 1912 est le premier édifice religieux en béton qui eut l’aval du clergé. C’est un vrai tournant dans l’architecture religieuse avec l’emploi exclusif du ciment armé.Le plan est celui d’une halle rectangulaire dont les murs sont totalement ajourés laissant passer la lumière à travers des vitraux, d’où son surnom de « sainte chapelle du béton » ; ils sont dûs à Marguerite Huré d’après les cartons de Maurice Denis ; n’oublions pas le haut clocher.

Après 1925, arrivent des commandes publiques : Mobilier national, musée des Travaux publics aujourd’hui Conseil économique et social. A partir de 1939, il remporte de grands chantiers nationaux comme l’usine d’aluminium d’Issoire et dès 1945, la reconstruction du Havre où il imprime son style et sa technique novatrice qui facilite un travail rapide et peu onéreux, ce qu’il fallait après les destructions de la guerre. A Amiens, de 1942 à 1951, succombant à la facilité que permet le béton, ce n’est plus un simple clocher qu’il élève mais une tour qui porte son nom ; haute de cent quatre mètres avec ses vingt-six étages, elle fut très controversée et inemployée durant de nombreuses années. Aujourd’hui, rehaussée d’un lanternon de verre, elle ressemble à un phare et abrite des appartements. La gare est aussi l’œuvre de Perret.

Auguste Perret meurt à Paris le 25 février 1954. Il a marqué l’histoire de l’architecture et son art, souvent contesté, fit des adeptes jusqu’au Japon. Si les constructions en béton ne sont pas aussi indestructibles qu’il le pensait, sans doute parce qu’elles ont été réalisées trop rapidement, elles témoignent d’un renouveau incontestable de l’architecture et de son adaptation aux besoins de son temps.

 

1. Charles Edouard Jeanneret dit Le Corbusier, (1887-1965), architecte, urbaniste, théoricien et peintre. Il fréquenta les ateliers Perret. Parmi ses œuvres, la villa Savoye à Poissy en 1929.

2. Antoine Bourdelle sculpteur (1861-1929) ; son atelier (16 rue A. Bourdelle) est aujourd’hui un musée.

3. Maurice Denis : peintre et écrivain (1870-1943), théoricien du mouvement « Nabi » et fondateur des Ateliers d’art sacré. Sa demeure « le Prieuré » à Saint-Germain-en-Laye est aujourd’hui musée.

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