Cette année 2020 est une année bissextile

Et ce mois de février 2020 aura donc 29 jours. Cette particularité (ajouter un jour entier à une année) n’est pas une nouveauté mais … en regardant de plus près et en remontant le temps, nous pouvons découvrir quelques curiosités.

Tout d’abord, pourquoi ce mot barbare pour une simple année de 366 jours ?

Pas si barbare que cela puisque nous l’avons hérité, comme beaucoup d’autres de la langue latine. En effet, depuis la fondation de Rome (date importante s’il en est), les latins ont un calendrier qui comporte douze mois lunaires ; l’année commence en mars, aux calandes (Martius, Aprilis, Maius, Iunius, Quintilis, Sextilis, September, October, November, December, Januarius, Februarius) et dure 355 jours. Enfin, tous les deux ans, un mois supplémentaire (Mercedonius) souvent oublié pour des causes stratégiques… (Remarquez que Quintilis (5) correspond au 5ème mois, Sextilis (6) au 6ème mois et ainsi de suite jusqu’au 10ème : December). Conscient de la difficulté de ce système, Jules César va se décider à réformer ce calendrier et lors de son séjour en Egypte auprès de Cléopâtre, demande à un astronome d’Alexandrie (Sosigène) de le concevoir.

Les Egyptiens sont les premiers à avoir mis au point un calendrier solaire et ont calculé avec précision qu’une année solaire dure 365 jours et un quart. Sosigène propose donc un calendrier avec des mois d’une durée semblable aux nôtres et Februariu, mois de 28 jours, aura un jour de plus tous les quatre ans. César décide aussi que l’année commencera le 1er Januarius.

Jules César impose ce calendrier (appelé julien) en 46 avant J-C, mais … il faut le recaler afin de rétablir l’usage qui veut que les équinoxes aient lieu les 25 mars et 25 septembre. Alors, on va devoir ajouter trois mois à l’année 46 avant J-C qui comptera alors 445 jours et qui sera appelée « année de confusion ». L’année 45 avant J-C, quant à elle, sera la première année à suivre ce nouveau calendrier.

Maintenant que nous sommes « calés » sur le soleil, nous allons pouvoir nous approcher du sens du mot bissextile. Tout d’abord, il faut savoir que les mois du calendrier julien ne sont pas divisés en semaines, mais en périodes inégales appelées « avant les nones », « avant les ides » et « avant les calendes » et les Romains font un comptage à reculons à partir du jour des nones ou du jour des ides ou du jour des calendes du mois suivant. Ils plaçaient aussi le jour supplémentaire de février en doublant (bis) le sixième jour (sextili) avant les calendes, d’où jour bissextili. Simple ! Non ? Jules César changera aussi le nom de Quintilis en Julius (juillet) en son honneur, il était de la famille des Iulii.

De même, en 8 av. J.-C., le mois Sextilis est nommé Augustus (août) en l’honneur de l’empereur Auguste. Ce dernier en profita, par souci d’égalité avec César, pour que ce mois compte lui aussi 31 jours.

Sainte Thérèse d’Avila est morte dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582… (et certainement d’autres avec elle !)

Au XIVème siècle, un calcul plus savant de la rotation de la terre autour du soleil (365 jours, 5 heures, 48 minutes et 45 secondes au lieu des 365 jours et 6 heures, base du calendrier julien) montre que le retard est de 11 minutes et 14 secondes chaque année et donc un jour tous les 128 ans.

Il faut donc recaler le calendrier julien et le pape Grégoire XIII fait supprimer dix jours de l’année en cours, entre le 5 et le 15 octobre 1582. Cependant, tous les pays ne suppriment pas ces jours en même temps : la France entre le 9 et le 20 décembre 1582, le Luxembourg entre le 14 et le 25 décembre, la Belgique entre le 21 décembre et le 1er janvier 1583 … et cela va durer jusqu’en 1589 !

De plus, Grégoire XIII change la règle des années bissextiles : les années séculaires (changement de siècle) ne seront plus bissextiles, sauf si elles sont divisibles par 400 ! Il y a donc eu un 29 février 2000 ! Mais les orthodoxes et les protestants vont refuser en bloc cette réforme (schisme et guerre de religion sont encore bien présents dans les esprits) et cela jusqu’en 1752-53 pour la Suède et la Grande-Bretagne et 1918 pour la Russie orthodoxe.

L’astronome Johannes Kepler (protestant lui-même, mais convaincu de la réforme) aura ce bon mot : « Les protestants aiment mieux être en désaccord avec le soleil qu’être d’accord avec le pape ».

Shakespeare et Cervantès sont morts le 23 avril 1616… mais pas le même jour !

En effet, du fait du refus des protestants d’adopter le nouveau calendrier grégorien, le monde dit « chrétien » se retrouve coupé en deux. D’un côté, ceux qui ont adopté le nouveau calendrier grégorien ; de l’autre, ceux qui ont préféré garder l’ancien calendrier julien. Cervantès et Shakespeare sont morts chacun d’un côté de cette frontière temporelle : Cervantès (à Madrid) le 23 avril 1616 du nouveau calendrier grégorien, Shakespeare (à Stratford-upon-Avon) le 23 avril 1616 du calendrier julien, soit à dix jours d’intervalle (3 mai 1616 dans le calendrier grégorien).

Cette date, le 23 avril, est célébrée chaque année par l’UNESCO qui en a fait la « Journée Mondiale du livre et du droit d’auteur »

Il y aurait beaucoup d’autres choses à évoquer en ce qui concerne la mesure du temps :

  • les fuseaux horaires et l’heure de Greenwich,
  • le calendrier républicain et le calendrier universel,
  • heure d’été ? heure d’hiver ?,

ce sera peut-être pour une autre fois.

Un conseil de lecture : « Le 30 février et autres curiosités de la mesure du temps » par Olivier Marchon.

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