Courants poétiques

Lors du comité de rédaction réfléchissant au contenu de ce numéro des Echos sur la poésie, il me fut attribué de faire un retour sur les différents courants de la poésie française. Devant mon clavier, je me suis revu préparant mon bac de français, énumérant les formes poétiques : du romantisme au surréalisme en passant par le parnasse, le symbolisme, l’esprit nouveau, la poésie engagée, … relisant les poètes associés à ces différents courants : Lamartine, Hugo, Musset, Hérédia, Verlaine, Rimbaud, Nerval, Aragon, … me remémorant aussi les multiples formes poétiques : le sonnet, l’ode, la ballade et la chanson (au Moyen-âge), les vers libres, les poèmes en prose, …

Alors, n’étant pas professeur de français et ne souhaitant pas vous ennuyer avec un cours théorique, je vous propose ci-dessous quelques vers associés au thème de l’Amour, de l’Humour, des Animaux, du Bonheur.

Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,

Et la mer est amère, et l’amour est amer,

L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,

Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

Pierre de Marbeuf (1620)

 

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime

Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Paul Verlaine (1866)

 

Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu,

Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,

Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec

Il vient, tenant dans ses mains – sales, sales, sales,

Un marteau lourd, un grand clou – pointu, pointu, pointu,

J’ai composé cette histoire – simple, simple, simple,

Pour mettre en fureur les gens – graves, graves, graves,

Et amuser les enfants – petits, petits, petits.

Charles Cros (1872)

 

Chez un tailleur de pierre

où je l’ai rencontré

il faisait prendre ses mesures

pour la postérité.

Jacques Prévert (1946)

 

 

En faisant la roue, cet oiseau,

Dont le pennage traîne à terre,

Apparaît encore plus beau,

Mais se découvre le derrière.

Guillaume Apollinaire (1911)

 

 

La biche brame au clair de lune

Et pleure à se fondre les yeux :

Son petit faon délicieux

A disparu dans la nuit brune.

Mais aucune réponse, aucune,

A ses longs appels anxieux !

Et le cou tendu vers les cieux,

Folle d’amour et de rancune,

La biche brame au clair de lune.

Maurice Rollinat (1883)

 

Autrefois le Rat de ville

Invita le Rat des champs,

D’une façon fort civile,

A des reliefs d’ortolans.

 

Sur un tapis de Turquie

Le couvert se trouva mis :

Je laisse à penser la vie

Que firent ces deux amis…

Jean de La Fontaine (1668)

 

Les amoureux fervents et les savants austères

Aiment également, dans leur mûre saison,

Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,

Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes

Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,

Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin.

Charles Baudelaire (1857)

 

Un pauvre petit grillon

Caché dans l’herbe fleurie

Regardait un papillon

Voltigeant dans la prairie ;

L’insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;

L’azur, le pourpre et l’or éclataient sur ses ailes ;

Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.

Combien je vais aimer ma retraite profonde !

Pour vivre heureux, vivons caché.

Jean-Pierre Claris de Florian (1792)

 

 

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.

 

Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !

Paul Fort (1917)

 

 

Enfant, pourquoi pleurer, puisque sur ton passage

On écarte toujours les ronces du chemin ?

 

Tout paraît s’attrister sitôt que l’enfant pleure,

Et tout paraît heureux lorsque l’enfant sourit.

Comme un rayon joyeux ton rire doit éclore,

Et l’oiseau doit chanter sous l’ombre des berceaux,

Car le bon Dieu là-haut écoute dès l’aurore

Le rire des enfants et le chant des oiseaux.

Guy de Maupassant (1880)

 

 

Bruno Gonin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *