Eglise et écologie (1ere partie)

Depuis longtemps des chrétiens ont réalisé qu’on ne peut pas séparer l’homme et la création. Des notions tels que les droits d’usage et de « domination » de la création ont souvent justifié d’une posture despotique vis-à-vis d’elle : or la création a une valeur avant même l’apparition de l’homme, elle « vaut » en dehors de lui. L’honneur de l’être humain, créé après elle, est d’être l’excellent jardinier d’un magnifique jardin. « Nous sommes encore trop nombreux à nous comporter en maîtres de la création », rappelait le pape François le 1er septembre 2019, lors de l’ouverture de la « saison de la création ». L’homme, gardien de la création, doit veiller sur elle, en prendre soin, parce que toutes les créatures sont égales en dignité.

 « Dieu est tellement humble qu’il a caché sa sagesse dans toute la création. La moindre plante, le moindre animal, le moindre être nous dit quelque chose de Dieu, et est animé par une force de Dieu. Dans la création, il y a une certaine présence de l’Esprit » écrivait Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179) dans « le livre des œuvres divines. » « Si l’homme est petit par la taille, il est grand par les énergies de son âme : cette place lui donne la responsabilité de gardien de l’univers ».

En 1971, suivant la tradition de la doctrine sociale de l’Eglise (1870), Paul VI écrivait dans son encyclique Populorum progessio : « Il faut que chaque peuple, que chaque personne prenne sa part de responsabilité, pour préparer les conditions d’une juste paix, pour accueillir avec respect les autres nations et les autres races, pour mettre en œuvre les mesures décisives d’un développement intégral et solidaire pour aménager l’environnement dont dépend notre avenir à tous. »

Si l’intérêt pour les questions environnementales, via notamment le thème de la défense de la création est allé croissant depuis la proclamation de saint François d’Assise comme patron des écologistes par Jean-Paul II en 1979, le souci écologique de la terre s’est imposé de manière explicite à partir de l’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI (29 juin 2009) qui fut le premier à parler d’écologie intégrale.

Laudato si’, des suites à suivre !

Il y a six ans, le pape François a apporté une contribution majeure à la réflexion sur l’avenir de l’humanité. L’encyclique Laudato si’ est avant tout une encyclique sociale qui prend en compte l’écologie. Il s’agit d’être attentif autant à la terre qu’à la clameur des pauvres ; or, parmi les pauvres, il y a la planète. « Laudato si’ sur la sauvegarde de la maison commune » publiée le 18 juin 2015, à quelques mois de la COP21, était destinée à un public bien plus large que les seuls catholiques. Elle fut saluée par François Hollande, Barack Obama et d’autres personnalités politiques mondiales. Aujourd’hui, la crise sanitaire et ses développements économiques, sociaux et politiques placent une fois de plus la transition écologique au cœur des préoccupations : ainsi les questions environnementales et sociales constituèrent le gros des propositions publiées mercredi 13 mai 2020 par soixante-six parlementaires à l’initiative de l’appel du collectif « Le jour d’après ».

Mais où en sont les chrétiens quant à la « conversion écologique »

à laquelle le pape appelle ?

De multiples initiatives de laïcs et de communautés font fleurir des projets d’écologie environnementale ou sociale : l’écologie intégrale du pape François tient ensemble ces dimensions et elle incite des chrétiens de sensibilités différentes à s’y retrouver. Citoyens parmi d’autres, ils sont sensibles, autant que la population dans son ensemble, à la thématique de l’écologie (72 % des personnes interrogées les 28 et 29 août 2020 déclaraient s’intéresser « davantage aux enjeux d’écologie et avoir modifié leur comportement en ce sens », selon un sondage Harris Interactive).

Une nouvelle pastorale

L’encyclique a suscité une nouvelle pastorale qui a rejoint les croyants dans leurs communautés et produit des effets. Depuis 2015, l’économiste Elena Lasida en est la cheville ouvrière : les évêques lui ont confié la mission d’accompagner la réception de l’encyclique. L’enseignante à l’Institut catholique de Paris, spécialiste du développement durable, co-anime « Église verte », action dont elle souligne la dimension œcuménique : « Le projet est porté institutionnellement par la Conférence des évêques de France (CEF), la Fédération protestante de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France ».

Ainsi donc en France, presque cinq cents communautés des trois Eglises chrétiennes – catholique, protestante et orthodoxe – ont déjà adhéré à la démarche et mis en place des initiatives diverses en faveur à la fois de la justice climatique et de la justice sociale. Elles ont rempli « l’écodiagnostic » – un questionnaire permettant d’analyser leurs pratiques au regard de l’écologie – pour ensuite les améliorer.

Le mois prochain, nous évoquerons l’appel du pape François et des initiatives qui en ont découlé

Eric Le Scanff

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