En France, Il y a deux ans au temps de Louis XVIII

A l’heure où nous nous apprêtons à voter, il est bon de faire un retour en arrière car l’histoire et ses rebondissements sont un précieux maître à penser. Projetons-nous deux cents ans en arrière. La France, après avoir connu la Révolution puis le Consulat et l’Empire, est dirigée par Louis XVIII, frère de Louis XVI, qui a échappé à la guillotine en s’exilant en Allemagne puis en Russie et enfin en Angleterre (1807). Revenu deux fois sur le trône, en 1814 puis après les Cent jours en 1815, il règnera jusqu’à sa mort (1824). Son embonpoint, resté célèbre, cache son intelligence pragmatique. Bien que très attaché aux privilèges de la royauté, il sait qu’il est impossible de revenir au temps de l’absolutisme et la charte qu’il a souhaitée, celle du 4 juin 1814, instaure le mot « constitutionnel » ; c’est un grand pas en avant, mais Louis XVIII devra sans cesse faire face aux ultraroyalistes qui avaient à leur tête le comte d’Artois, son propre frère, le futur Charles X. Ainsi, la « liberté de la presse », revendication révolutionnaire rétablie par cette charte, est restreinte dès 1817 par l’instauration de la censure, certes moins restrictive que celle de l’Empire, mais qui contrôle imprimeries et librairies. Roger Collard, du parti modéré, soutient que la presse représente un principe nécessaire au bon fonctionnement de la politique.
La loi électorale du 8 février 1817 stipule que sont électeurs les hommes âgés de plus de trente ans et qui payent un cens (impôt) supérieur à trois cents francs. Pour être éligible, il faut avoir au minimum 40 ans et régler un cens de mille francs, c’est ce qui est appelé « suffrage censitaire » qui fut établi en France en 1791 et remplacé en 1848 par le suffrage universel. Il n’y eut en 1817 que quatre-vingt mille électeurs et les ultras seront battus.
Pour ce qui est des rapports avec l’Eglise, la religion catholique est reconnue comme celle de la « majorité des Français » et à ce titre protégée par l’état. Depuis le Concordat de 1801, on compte quatre-vingts évêchés correspondant aux chefs-lieux administratifs. On rouvre grands et petits séminaires fermés à la Révolution et des ordres nouveaux se développent comme les Dames du Sacré Cœur fondation, en 1800, de Madeleine Sophie Barat, pour l’instruction des jeunes filles.
Une ordonnance royale de 1817 interdit la traite des noirs et abolit l’esclavage.
En cette année 1817, un poème du jeune Victor Hugo, « Trois lustres à peine » présenté au concours annuel de l’Académie française, lui vaut une mention d’encouragement ! Sa très grande jeunesse (15 ans) le prive du prix.
Cette année est celle d’un procès célèbre : celui d’Hugues Duroy de Chaumarey, capitaine de la frégate la Méduse échouée sur les bancs d’Argun au large de la Mauritanie, le 2 juillet 1816 ; il avait abandonné son équipage et cent quarante-sept passagers sur un radeau ; ce drame fut immortalisé par Géricault d’après le récit des quinze survivants. Les chaloupes pas assez nombreuses, avaient servi aux plus fortunés et … au capitaine ! Il passe au conseil de guerre en mars 1817 et risque la peine de mort mais, bien que reconnu coupable d’avoir échoué et abandonné sa frégate ainsi que le radeau, il sera seulement rayé de la marine, privé de ses décorations, chevalier des ordres royaux de la Légion d’honneur et de Saint Louis, et condamné à trois ans d’emprisonnement. Le tableau de Géricault au musée du Louvre, plein de réalisme, conserve la mémoire de cet atroce fait divers.
Autre forme de drame est la crise alimentaire qui fait suite à la mauvaise récolte de 1816 due à trop de précipitations et à des difficultés d’ensemencement à cause de la présence des troupes d’occupation. Le prix du pain flambe, la famine sévit tandis que des bandes de pillards font régner la terreur. En découle une crise industrielle, particulièrement dans le textile et le bâtiment. Le 8 juin, un mouvement populaire éclate près de Lyon qu’on appellera « le complot de Lyon » ; il sera sévèrement réprimé : vingt-huit condamnations à mort et trente-quatre déportations ou travaux forcés.
Cette année 1817, nous le voyons, ne fut pas un long fleuve tranquille ; après les bouleversements de la Révolution, les espoirs et les déceptions de l’Empire, il fallait de nouvelles donnes pour la France et comme toujours, chacun avait son avis sur la manière de s’y prendre. Louis XVIII et son gouvernement avaient « du pain sur la planche »… et de pain justement, on en manquait !

Ghislaine Denisot

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