Dieynaba Sakho et Eric Fallot de l’association « Toit à Moi »

Nous avions rencontré Eric qui tenait un stand pour l’association Toit à Moi au forum des associations à Triel en septembre dernier. Nous avons voulu en savoir plus sur cette nouvelle association trielloise et nous sommes rendus à Poissy dans ses locaux pour le rencontrer avec la responsable de l’antenne Yvelines, Dieynaba Sakho.

Bonjour Dieynaba et Eric et merci de nous recevoir. Tout d’abord, pouvez-vous présenter votre association à nos lecteurs ?

L’association « Toit à Moi » a pour sous-titre « s’indigner et agir ». C’est une association nationale née de l’expérience d’un de ses fondateurs, Denis Castin. C’est en donnant une pièce à un sans-abri, à Nantes, en 2007, qu’il eut l’idée d’agir de manière plus efficace : « et si, à plusieurs, on pouvait loger ces personnes démunies ? ». La même année, avec un ami, Gwenaël Morvan, ils ont créé l’association dont l’objectif initial était de collecter des fonds pour acheter et loger des personnes en grande précarité et de trouver des bénévoles pour les accompagner. Le siège de l’association est à Nantes. C’est là que le premier appartement a été acheté en 2008 et c’est, aujourd’hui, en Loire-Atlantique, que nous avons le plus de personnes accompagnées. L’équipe du siège compte une trentaine de salariés qui gèrent la communication, l’accompagnement social, la comptabilité, les ressources humaines, le support aux antennes locales et aussi la recherche de mécènes… Aujourd’hui, nous avons 16 délégations régionales dans toute la France, dans de grandes villes mais aussi en milieu rural, 155 personnes aidées, 60 appartements, 2160 donateurs et 173 bénévoles. La délégation Yvelines est une toute jeune délégation puisqu’elle n’a que 2 ans.

Justement, comment est-elle née ?

Dieynaba : l’antenne des Yvelines est née à l’initiative de Thomas Fiorani, bénévole fondateur, qui a souhaité agir auprès des personnes sans-abris. Il a contacté le siège et a réuni des bénévoles autour de lui. Le projet s’est concrétisé au bout de deux ans avec l’achat de deux appartements et mon embauche en avril 2022 en tant que responsable de l’action de l’antenne Yvelines. Le projet était initialement prévu autour de Cergy et finalement des opportunités immobilières nous ont menés à Triel. C’est une ville agréable, desservie par le train, à dix minutes de la gare RER de Poissy, les personnes que nous accompagnons s’y sentent bien. Nous venons d’y acquérir un troisième appartement et une famille l’a intégré avant Noël.

Et en parallèle, vous avez trouvé un local à Poissy ?

Exactement. Poissy est la grande ville la plus proche de Triel, où se trouvent les services sociaux et associations avec lesquels nous travaillons; c’est aussi une ville bien desservie par les transports publics, d’accès facile pour les bénévoles de l’association qui accompagnent les personnes que nous logeons. Ce lieu nous permet de partager des moments privilégiés, d’organiser des réunions, de rencontrer des partenaires. Auparavant nous étions accueillis au CCAS de Triel ainsi qu’au centre social Espoir à Chanteloup-les-Vignes.

Du coup, quel est votre rôle dans cette antenne ?

Dieynaba : je suis responsable de l’antenne Yvelines de l’association depuis presque deux ans. Ma mission principale est d’accompagner les personnes que nous accueillons à travers toutes les sphères de la vie quotidienne (administratif, santé, logement…) avec l’aide des partenaires locaux. L’accompagnement est très différent d’une personne à l’autre car nous nous adaptons aux besoins de la personne. Il s’agit d’un accompagnement soutenu où les bénévoles jouent un rôle important. En effet, ils aident les personnes à créer du lien social, à sortir de chez elles, à pratiquer des activités. En dehors de la mission d’accompagnement j’anime l’antenne, je développe le réseau partenarial avec l’aide des bénévoles.

Eric : étant au départ donateur de l’association et habitant Conflans, j’ai rejoint l’équipe de bénévoles quand l’antenne a été créée ; j’en suis devenu petit à petit « l’agent immobilier » en charge de la recherche d’appartements, type studio ou T2, à acheter dans la région car ma disponibilité de retraité me permet d’être très réactif face aux annonces qui paraissent.

Combien de bénévoles participent à vos actions et quelles sont-elles ?

Nous avons une douzaine de bénévoles dans notre antenne des Yvelines dont six habitant à proximité et pouvant intervenir régulièrement à l’accompagnement, la rénovation des appartements, …

Comment sont choisies les personnes qui habitent les logements que vous achetez ?

Dieynaba : je lance des consultations auprès de nos partenaires (secteur d’action social, CCAS, associations caritatives du secteur, Service Intégré d’Accueil et d’Orientation des Yvelines, …). Je travaille en binôme avec ma collègue de Rouen pour présélectionner trois à quatre dossiers de personnes sans hébergement selon un certain nombre de critères. Nous nous retrouvons ensuite pour la sélection finale avec une personne du siège, un bénévole et une tierce personne dont l’avis extérieur est souvent très pertinent. Parmi les critères, celui de l’accompagnement est très important pour nous : nous identifions une personne qui en a besoin et qui a envie d’être accompagnée. Celle-ci signe un contrat de location (contrat d’occupation précaire), devient locataire et peut ouvrir des droits à l’aide au logement de la CAF. Nous définissons aussi des objectifs qui sont revus régulièrement. L’accompagnement dure le temps qu’il faudra pour permettre à la personne de gagner en autonomie et de voler de ses propres ailes.

Qu’entendez-vous plus précisément par accompagnement ?

Il est primordial pour nous. Les bénévoles interviennent en complément des travailleurs sociaux. Ils accompagnent les personnes à l’insertion ou la réinsertion dans la société en partenariat bien sûr avec les services locaux, à travers l’élaboration et la concrétisation de leur nouveau projet de vie, leur permettant de s’ouvrir sur le monde, de se socialiser… Cela peut concerner différents aspects : projet professionnel, activités de loisir, soutien à la prise en charge médicale, aides administratives mais aussi ateliers culinaires, … Chez « Toit à moi », nos antennes sont à taille humaine – en moyenne six logements par antenne – où la relation bénévoles/personne logée est très importante. Mais cela va plus loin : nous tissons des liens familiaux en proposant des sorties comme une balade pour ramasser des châtaignes dans les bois de l’Hautil, des soirées jeux, un match de rugby, une sortie sur la côte d’Opale avec d’autres antennes, …

Apportez-vous un soutien ou une formation aux bénévoles ?

Nous avons la possibilité de mettre en place des séances d’ « analyse de la pratique » avec un psychologue permettant de prendre du recul sur les situations pour mieux comprendre les personnes et leurs éventuels troubles, addictions et surtout d’avoir conscience de ses propres limites et représentations.

On a parlé personnes hébergées et bénévoles, mais qu’en est-il du volet financier ? Quelles sont vos sources de revenu ?

Nous avons des dons des particuliers qui servent aux achats de logement : cent personnes donnant mensuellement 20 € pendant cinq ans nous permettent d’acheter un appartement. Nous avons aussi des dons de mécènes, fondations et entreprises qui couvrent le budget d’accompagnement. Le mécénat en nature nous permet aussi de rénover des appartements par exemple avec des dons de radiateurs, fenêtres, meubles de cuisine, matelas. La liste est disponible sur notre site internet.

Avez-vous des messages à faire passer à nos lecteurs ?

Nous recherchons bien sûr des bénévoles – il nous faudrait un « deuxième Eric » pour la partie travaux et entretien des logements mais aussi des donateurs et des mécènes. Alors n’hésitez pas à nous rejoindre ! Nous sommes toujours à la recherche de dons de particuliers et d’entreprises afin de poursuivre et développer notre action.

Merci pour votre accueil sympathique et bravo pour votre action dans votre antenne à taille humaine comme vous aimez à le dire. Nos lecteurs pourront consulter votre site Internet , très bien fait qui contient une foule d’informations complémentaires …

Propos recueillis par Véronique Schweblin

 

Notre journal en profite pour évoquer la belle personne de Jean-Marie Delabre, ancien résistant et Meulanais. Il avait une conscience aigüe des difficultés des personnes ne pouvant pas être logées dans les circuits classiques car trop démunies. Avec un ami, il achetait des appartements pour leur louer à un prix très abordable. Malheureusement après son décès en 2016, cette initiative discrète n’a pas pu perdurer. En lien avec le Secours Catholique, il avait aussi créé à Meulan une association d’aide à l’insertion professionnelle, Tremplin Plus. Il aurait sûrement été très intéressé par l’association « Toit à moi » !

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