Laurent Grumbach, photographe

Qui d’autre aurions nous pu rencontrer pour ce numéro dont le thème est « l’image » que Laurent Grumbach, un photographe épiscomontois pour le moins étonnant qui se définit comme « créateur de mouvement » ?

Bonjour Laurent, merci d’accorder un peu de votre temps à nos lecteurs. Quelle surprise ! La première fois que j’ai vu vos photos, je n’avais jamais rien vu de pareil ; comment êtes-vous venu à cette pratique ?

C’est vrai que c’est original, mais j’ai toujours aimé faire les choses d’une façon différente. Une des premières photos que j’ai prises, avec un appareil photo offert par mon père, lui-même photographe amateur, a été une antenne de télévision installée sur un toit avec un fond de ciel d’un bleu profond, un cliché que mon père n’a pas épargné, mais j’avais déjà ce besoin de « différence », de nouveauté. Par la suite, comme beaucoup, j’ai ramené des photos de mes voyages, toujours en essayant de me démarquer de ce qui se faisait habituellement. J’ai d’abord fait beaucoup de paysages ; c’est par ce genre de clichés que presque tous les photographes débutent, puis des groupes, des ambiances, en particulier sur les marchés dans les différents pays que j’ai traversés. Très vite, je me suis intéressé à la photographie de mouvement. Il existe plusieurs techniques pour le mettre en évidence et à force de tâtonnement, je suis arrivé à ce que j’appelle « motion sculpture », une expression difficile à traduire, mais qui, je pense, exprime bien ce que je ressens et ce que je veux représenter.

Avant d’aller plus loin, revenons un peu en arrière ; vous venez de parler de voyages, il semble que vous en ayez effectué de nombreux.

Effectivement mon métier, je travaille dans le domaine de l’audio-visuel, m’offre la chance d’en faire fréquemment et je profite de ceux-ci pour exercer ce qui est ma passion, la photographie. De manière générale, j’aime voyager et rencontrer des gens, découvrir des paysages, des atmosphères différentes.

Quelle formation avez-vous suivie ? Etiez-vous préparé à devenir photographe ?

Non pas du tout ; j’ai fait une école d’ingénieur en électronique, d’ailleurs les compétences acquises durant mes études me sont aujourd’hui très utiles, je les mets régulièrement au service de ma passion. Elles me permettent de la faire évoluer et c’est en grande partie grâce à ces connaissances que je peux réaliser ces photos en mouvement qui doivent une grande part à la technique et à l’éclairage. J’ai longuement travaillé ce procédé ; il est maintenant (à peu près…) au point et comme je vous l’ai précisé, je l’ai labellisé sous le nom de « motion sculpture ».

C’est vraiment un genre de photos que l’on remarque dans une exposition. Lorsque je suis allé à Triel à l’invitation du CLIC, vous étiez vraiment le seul à présenter ce style.

Oui, nous ne sommes pas très nombreux dans ce genre ; je dois dire que l’idée m’est venue en découvrant les travaux d’un physiologiste génial, du genre touche à tout, qui a vécu au 19ème siècle, Etienne-Jules Marey. Il a longuement étudié les phases de la locomotion terrestre, marche, course, etc. et les a enregistrées ; c’est ce travail étonnant qui est vraiment à l’origine de mes photos. Longtemps après, il est toujours intéressant de revisiter ses clichés avec une technique contemporaine.

A quel domaine de la photographie la « motion sculpture » se prête-t-elle le mieux ?

C’est sans conteste ceux dans lesquels il y a beaucoup de mouvement ; je pense à deux d’entre eux en particulier, la danse et le sport ; c’est vraiment dans ces deux disciplines que cette technique s’exprime le mieux. Mais j’en investigue également d’autres et depuis peu, je me suis lancé dans le lancer de dés par exemple ; on n’y pense pas mais le résultat est pour le moins surprenant. Dernièrement, à l’occasion d’une exposition dont le thème était la vitesse ( !), j’ai eu l’idée de photographier des escargots ; ça paraît absurde, non ? En tous les cas, le résultat est original et mes clichés suscitent un réel intérêt dans les expositions…

Vous parliez tout à l’heure de technique ; sans trahir vos petits secrets, pouvez-vous nous expliquer comment vous arrivez à un tel résultat ?

Il faut bien sûr un appareil photo, mais pas nécessairement un super appareil. Au cours d’une de mes séances pour laquelle j’avais réglé les lumières, des personnes ont utilisé leur portable et la qualité s’est révélée être très acceptable. Il faut quand même avoir la possibilité de régler le temps de pose, c’est essentiel, car ces clichés nécessitent un temps d’ouverture de l’objectif relativement long ; pour les escargots par exemple, il était de 80 secondes. La photo va se faire dans une pièce noire et le secret, s’il y en a un, réside surtout dans les éclairages ; leur réglage demande une grande précision et il faut souvent plusieurs prises pour obtenir le résultat qui va apporter satisfaction ; c’est après plusieurs essais que je choisis le cliché que je vais garder. C’est une technique qui demande une longue préparation ; on ne peut pas prendre la photo « sur le vif », même pour les sportifs auxquels je demande souvent de répéter leur mouvement.

Cependant il n’y a aucun trucage, lorsque la photo a été prise on peut jouer un peu sur certains ajustements comme la clarté ou la lumière, faire jouer des filtres, mais c’est tout.

Est-ce que vous faites partie d’une association, d’un club photo ?

Actuellement non, j’ai été membre d’un club pendant plus d’un an mais je n’y ai pas trouvé le niveau d’échange et de partage que je cherchais. Pour l’instant, je n’ai pas envisagé de renouveler l’expérience, même si les contacts que j’ai eus avec le CLIC de Triel, dont les membres ont eu la gentillesse de m’inviter à leur dernière exposition en septembre, ont été positifs.

Justement à propos de ces expositions, est-ce que vous en avez fait beaucoup ?

Depuis que j’ai mis au point cette nouvelle technique, il y a à peu près six ans, j’ai participé à seize expositions, en région parisienne, en province et même à l’étranger, en Allemagne. Il faut quand même tenir compte des deux dernières années qui malheureusement n’ont pas permis d’exposer.

J’aime beaucoup ces moments ; ils sont privilégiés pour le photographe, ils créent un contact à la fois avec le public et les collègues qui vivent la même passion ; ce sont des rencontres qui apportent des échanges riches.

Les tirages que vous proposez lors de ces expositions sont splendides, est-ce que vous les réalisez vous-mêmes ?

Non, c’est un travail très spécifique et délicat, c’est l’affaire d’un spécialiste. Je travaille la plupart du temps avec le même prestataire qui me livre toujours un résultat de qualité. Lors des expositions, les photos sont aussi présentées sur un fond qui donne de la profondeur aux images mais jamais dans un cadre.

Pratiquez-vous exclusivement la photo en mouvement ?

Lors de mes voyages, à Cuba et au Viêt-Nam en particulier, j’ai bien sûr fait de la photo de paysages mais je me suis aussi exercé au portrait, un domaine que je pratiquais peu et qui m’a beaucoup intéressé. Dans ces deux pays, la rencontre avec les « gens » a été formidable ; même sans parler la langue de leur pays, j’ai vécu des échanges inoubliables, quelquefois les gestes et le langage corporel font mieux que les paroles. J’ai vraiment été conquis par la gentillesse de toutes ces personnes, leur sincérité et surtout la beauté de leurs sourires !

Nous arrivons maintenant au terme de cette interview. Pouvez-vous nous parler de vos projets ?

C’est pour moi difficile d’évoquer des projets ; j’ai beaucoup de mal à rester longtemps dans un domaine particulier et suis constamment à la recherche de nouvelles expériences. Quelles seront mes prochaines évolutions ? Je ne sais pas trop, il y a tant de domaines à investiguer dans la photographie et surtout dans le mouvement.

Ce qui est certain, c’est que je désire vraiment continuer à exposer et aussi bien sûr à améliorer et faire évoluer le procédé « motion sculpture » !

Merci Laurent pour toutes ces explications à propos d’un art qui a maintenant toute sa place dans les salons et musées. Je ne peux qu’encourager les lecteurs à visiter votre site www.grumbach-photography.fr. Ils pourront y découvrir vos photos ; elles parlent beaucoup mieux qu’un long article et pourquoi pas rendez-vous à Meulan pour une prochaine exposition ?

Propos recueillis par Jannick Denouël

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