Xavier Renoul, chef de service, responsable du Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) de Mézy et Catherine Robion, une des intervenantes en français

Nous vous proposons ce mois-ci d’aller au Centre d’Hébergement d’Urgence de Mézy et nous remercions Xavier Renoul, chef de service, d’avoir accepté de nous recevoir pour nous parler de la mission du centre et Catherine Robion pour évoquer l’activité historique du centre que sont les cours de français.

 Bonjour Xavier Renoul et Catherine Robion, tout d’abord pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Xavier Renoul (XR) : Je travaille dans le monde associatif, dans le domaine social, depuis vingt-cinq ans et je suis particulièrement attaché à la lutte contre les exclusions. Je suis chef de service et responsable de ce centre depuis septembre 2016.

 Catherine Robion (CR) : je suis une des intervenantes en français depuis janvier 2017. J’ai une expérience de treize années de formation d’adultes et d’enfants. Professionnellement, j’étais formatrice sur les logiciels de spectrocolorimètre (mesure de couleurs) servant à reproduire exactement les mêmes couleurs en confection, en peinture, en cosmétique etc. et j’ai grand plaisir à me mettre au service des hébergés, bénévolement.

Avant de revenir sur les activités, je vous propose de présenter l’association Aurore et plus spécifiquement le centre de Mézy. 

XR : A l’origine, cette association a été créée en 1871, dans le 15ème arrondissement de Paris, pour répondre à un appel de l’Etat, pour accueillir les orphelins de la Commune(1). Reconnue d’utilité publique depuis 1875, cette association est depuis toujours tournée vers l’accueil des personnes plutôt adultes et en difficulté. En 2017, il y a en France 240 services dont certains sont de courte durée, 1 946 salariés et 1 050 bénévoles. Ces services accueillent 37 000 personnes en Ile-de-France. Les valeurs principales : la solidarité et la laïcité(2).

A Mézy, le centre a été ouvert en septembre 2015 à la demande de la préfecture pour héberger et accompagner des demandeurs d’asile. Ce centre dispose de cent dix places et reçoit environ deux cent vingt personnes par an.

D’où viennent ces personnes et qui sont-elles ?

XR : Elles viennent de la Porte de la Chapelle à Paris où elles squattent dans la rue ou sont abritées dans un gymnase. Après un premier hébergement dans un centre accueil d’évaluation sociale (CAES), elles sont orientées selon leur statut administratif. Elles n’ont pas encore le statut de demandeur d’asile (personnes qui ont déposé un dossier à l’OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides pour obtenir le droit d’asile et à l’OFII : Office Français de l’Immigration et de l’Intégration pour l’hébergement) ou réfugié (nécessite l’obtention d’un document qui atteste qu’elles ont le droit de travailler et de séjourner en France).
A Mézy, nous hébergeons des hommes en majorité Soudanais (Darfour) et Afghans (Hazaras et Pachtounes). Ils sont hébergés et accompagnés pour une durée variable qui dépend de leur statut et de l’avancement administratif de leur demande. Il faut bien comprendre que la demande d’asile prend du temps et que la loi interdit aux demandeurs de travailler.

Durant leur présence à Mézy, d’une durée variable, que pouvez-vous leur apporter ?

XR : En priorité, c’est un hébergement et un accompagnement. Deux travailleurs sociaux sont là pour les accueillir, faire accéder aux droits sociaux et fluidifier les démarches sociales des hébergés. L’équipe comprend également quatre agents hôteliers de nuit et huit de jour.

Nous les initions également à un début d’insertion sociale grâce à des partenariats avec des associations locales : participation comme coureur et bénévole au Choco-trail d’Hardricourt et à la Trail du vieux lavoir à Morainvilliers. Le Lions-Club, la base de loisirs de Verneuil, les chevaux des préaux à Ecquevilly, le CLLAJ aux Mureaux permettent leur insertion, l’identification les compétences de chacun afin de les amener à la citoyenneté de façon pratique. Nous avons reçu au départ l’aide du Secours Catholique.

Et pour ce qui concerne les cours de français ?

(CR) : C’est une activité importante du centre : les cours de français sont de une à deux heures à la fois, selon les disponibilités des intervenants bénévoles. Ceux-ci, prenant tous sur leur temps personnel, fixent eux-mêmes le jour et l’heure de leur intervention auprès des hébergés. Les cours sont dispensés dans une salle dédiée et sont animés par plus d’une dizaine de bénévoles ayant des profils et une expérience personnelle et professionnelle très divers : esthéticienne, diététicienne, infirmière, orthophoniste, cadre d’industrie et professeur en primaire et lycée. Ils sont également maman, papa, mamie ou papi. Nous organisons une réunion mensuelle pour accompagner les formateurs. Grâce aux intervenants présents et futurs, nous assurons des cours de français tous les jours, cela permet à certains hébergés de passer un premier diplôme officiel en France, le DILF (Diplôme Initial de la Langue Française).

Cela ne doit pas être évident de se lancer ?

(CR) : Je ne vous cache pas qu’en ce qui me concerne, malgré mon expérience de formatrice, j’étais angoissée par l’idée de rencontrer des migrants que je percevais comme une marée humaine. Le centre m’a fait découvrir qu’ils étaient avant tout des « personnes » (voir témoignage en page 7). Finalement, c’est un engagement très gratifiant en particulier grâce aux relations humaines riches en échanges et parce que nous participons, à notre niveau, à leur insertion dans la société française.

La question que tout le monde se pose, c’est : après leur séjour à Mézy, où vont-ils ?

XR : Les demandeurs d’asile sont orientés en CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) répartis en province, dans toute la France. Certains obtiennent le statut de réfugié (voir ci-dessus) avant le CADA. Ils doivent trouver du travail sur le territoire de Mézy et alentours. Pour cela, nous travaillons principalement avec La Gerbe, l’ACR à Conflans et aux Mureaux (jardins maraîchers), dans le domaine du bâtiment pour le second œuvre et l’association Espaces.

Il nous faut déjà conclure. Avez-vous un ou plusieurs messages particuliers à passer à nos lecteurs ?

(CR) : Je voudrais leur dire que s’ils peuvent consacrer un peu de temps au centre, ils seront accueillis à bras ouverts. Ils seront accompagnés et soutenus et pourront être formés suivant leur demande.

XR : En ce qui me concerne, pour conclure, je voudrais passer trois messages :

Tout d’abord je rejoins Catherine pour lancer un appel à tout intervenant bénévole dans deux domaines : le français et le soutien juridique(2).

Je lance également un appel aux dons de vêtements pour homme et de linge de maison (serviettes, draps, couvertures, torchons)(2).

Enfin je lance une invitation à tous, au DINER DES NATIONS qui aura lieu, le jeudi 11 octobre, au centre, 17, Rue Berthe Morisot à Mézy à 19 h 30, chacun pouvant venir en visiteur pour goûter, ou pour faire découvrir ses propres plats nationaux(3).

Comme vous avez pu le constater, nous sommes un centre ouvert en lien avec des partenaires locaux. Cette ouverture se fait également à travers l’engagement citoyen local et le développement du réseau de bénévoles. Un grand merci à tous les intervenants pour leur engagement et à tous ceux qui voudront bien nous rejoindre.

Merci beaucoup Xavier Renoul et Catherine Robion pour le temps que vous nous avez consacré et pour toutes ces explications. Elles permettront sûrement d’avoir un autre regard sur l’hébergement d’urgence et sur la vision que nous avons vis-à-vis des hébergés. Vous avez beaucoup insisté au cours de notre entretien sur le fait que les hébergés ont pour la plupart des compétences et la culture du travail ; ils ne demandent qu’à repartir dans la vie active après les épreuves qu’ils ont traversées.

 (Propos recueillis par Yves Maretheu)

  • Période insurrectionnelle de l’histoire de Paris : 18 mars 1871 – 28 mai 1871
  • Pour tous contacts : Tel 01 85 79 00 03 mail : chumezy@aurore.asso.fr
  • Merci de vous inscrire par mail ou téléphone (voir ci-dessus)