HAGIOGRAPHIE … entre Histoire et Légendes

Hagiographie, ce mot peut nous paraître barbare ; il recouvre pourtant tout un monde situé entre «  histoire et légendes ». Il vient du grec « hagios » qui signifie saint et « graphein », écrire. C’est en fait une branche de l’histoire religieuse qui traite de la vie et du culte des saints. Les textes hagiographiques étaient lus lors des offices des moines ou en public ; c’était une prédication destinée à l’édification des chrétiens. Philippe Walter dans son ouvrage sur la mythologie chrétienne (1992) parle même de « machine à christianiser ». Du reste on emploie souvent le mot « legenda » dont la traduction est : « qui doit être lu »  mais on risque alors de lui enlever toute véracité, de le réduire quelque peu.

Les textes hagiographiques recouvrent trois genres littéraires : « les vita », traitent de la vie du saint, les plus anciennes sont dites vita prima, « les miracula » évoquent les miracles, souvent des guérisons opérées sur la tombe du saint et « les passio » rapportent la manière dont il a été martyrisé ; tous mettent en évidence la sainteté du personnage. Ce n’est en aucun cas une démarche historique, mais un récit destiné à « édifier » qui, pour ce faire, n’hésite pas à recourir au merveilleux, souvent emprunté à des récits antérieurs à la christianisation. N’oublions pas que l’annonce de l’évangile est destinée à un peuple païen riche de toute une mythologie et de rites ancestraux auxquelles les évangélisateurs vont donner une autre signification. Prenons par exemple Halloween : chez les Celtes, la fête du 1er novembre portait le nom de Samain et cette nuit-là (du 1er au 2) les êtres de « l’autre monde » pouvaient rendre visite aux vivants ! Le folklore breton fourmille de détails macabres sur cette période. En 998, Odilon, quatrième abbé de Cluny, institua le 2 novembre, la commémoration des morts ou jour des trépassés.

L’hagiographie est en fait un genre littéraire qui se développe au cours du premier millénaire, mêlant histoire et légendes, dans un but d’évangélisation où le merveilleux tient une grande place ; et comme les saints sont réputés pour leurs miracles, les textes foisonnent de faits extraordinaires ; leur côté « apologétique » oblige l’historien à la prudence.

Ce genre littéraire, apparu dès le début du christianisme, se développe surtout à partir du IVe siècle. Ecrit en langue grecque pour les anciens récits, comme la vie de saint-Antoine par Athanase d’Alexandrie ou celle des Pères du désert qui eut une grande influence mais aussi en latin ; citons la vie de Perpétue et Félicité et celle de saint Martin par Sulpice-Sévère. Très vite on arriva à rassembler les vies des saints : « livre de la Gloire des martyrs, ou à la Gloire des confesseurs » de Grégoire de Tours au VIe siècle. Le plus célèbre ouvrage est certainement « la Légende dorée » de Jacques de Voragine au XIIIe siècle.

Ces écrits ne furent guère contestés avant le XVIe siècle où la montée du protestantisme qui refuse le culte des saints, leur porta un coup pouvant leur être fatal. Mais au XVIIIe siècle, un groupe de jésuites ayant à leur tête Jean Bolland, commence une publication de la vie des saints : « Santa sanctorum ». L’énorme travail de ceux qu’on nomme les Bollandistes,  soixante-huit volumes, est le point de départ de la critique historique des textes hagiographiques modernes qui, aujourd’hui, sont davantage soucieux de vérité historique et de profondeur spirituelle. Ils insistent sur l’audace missionnaire plus que sur le merveilleux. Cela n’a pas empêché l’Eglise de retomber dans une certaine méfiance au XXe siècle, détrônant un certain nombre des élus du calendrier ! Puis elle a soumis à une étude approfondie les vies des saints qu’elle honore dans son « sanctoral ». Notre secteur en a profité puisque saint Gaucher et saint Nicaise, après de sérieuses études, ont pris place dans celui de notre diocèse.

Non, l’Eglise n’est pas naïve, mais toujours soucieuse de donner à ses enfants des modèles.

Ghislaine Denisot

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