Impressions de Guyane

Quel est le département français où vous rencontrez à la fois les plus hautes technologies, la forêt primaire, des chercheurs d’or, des descendants de bagnards, une des plus vieilles ethnies du monde, une communauté asiatique ? C’est la Guyane, département d’outre-mer, situé de l’autre côté de l’atlantique, au nord de l’Amérique du Sud.

Nous rentrons d’un séjour d’une quinzaine de jours dans ce pays et vous livrons quelques impressions.

Côté hautes technologies, c’est en effet en Guyane que se trouve la base de lancement de la fusée Ariane 5, conçue et en partie produite à Airbus D&S aux Mureaux pour lancer de gros satellites, de Soyouz, le lanceur russe pour les satellites moyens, mais aussi de Vega, petit lanceur européen, pour les petits satellites. Avec la position équatoriale de la Guyane, ces lanceurs bénéficient d’un effet de fronde grâce à la vitesse de rotation fournie par la terre. Pour réaliser les opérations d’assemblage, de fabrication de propergol, d’intégration du satellite avec le lanceur et de lancement, le Centre Spatial Guyanais (CSG) situé à Kourou occupe un terrain hyper sécurisé plus grand que le Territoire de Belfort. Il y a environ un lancement par mois et toute une organisation prévue pour pouvoir y assister : nous avons eu cette chance, en pleine nuit : émotion garantie ! Nous ne nous attendions pas à voir comme en plein jour au moment du décollage et à pouvoir suivre la fusée jusqu’à ce qu’elle devienne un point lumineux à 500 km de là …

Côté nature, on ne peut rêver panorama plus complet :

        La bande côtière avec les eaux boueuses des alluvions de l’Amazone, riche en poissons tous plus goûteux les uns que les autres aux noms pittoresques : mérou, acoupa, loubine, jamégouté délicieux cuit dans le lait de manioc façon amérindienne … Mais, il faut bien l’avouer, la côte est peu propice aux baignades …

        Les marais, les zones humides côtières ou pripris, les polders, comme celui de la réserve naturelle des marais de Kaw ; la biodiversité très riche ravit les naturalistes, botanistes, ornithologues … Et que dire de la promenade en pirogue de nuit, au milieu de milliers de lucioles, pour observer les caïmans !

        La forêt qui recouvre 95% du territoire avec des centaines de bois d’espèces différentes, primaire d’abord puis secondaire lorsqu’elle a été déboisée, avec plein d’animaux et de bruits associés : oiseaux aux cris stridents, tous proches mais invisibles, serpents (nous n’en n’avons pas croisé), insectes, grenouilles, tortues, lézards, araignées, papillons dont le magnifique Morpho bleu, paresseux nonchalants sur la cime des bois-canons (arbres de la forêt secondaire) …

        les fleuves, chargés d’alluvions eux aussi, Maroni au Nord qui marque la frontière avec le Surinam, Oyapock au sud, pour celle avec le Brésil, le Kourou, la Mana …. Le moyen de circulation est la pirogue qui permet de s’enfoncer dans les terres.

Côté populations, c’est une mosaïque de communautés différentes :

        les amérindiens, résidant majoritairement dans la forêt amazonienne où l’accès est d’ailleurs en grande partie interdit pour les protéger,

        les créoles : métis des anciens esclaves libérés, antillais, en particulier venus après l’irruption de la montagne Pelée en Martinique, haïtiens, réfugiés après le tremblement de terre,

        les métros (français de métropole) travaillant dans les administrations, le CSG, et les amoureux de nature et d’aventures,

        les surinamiens et brésiliens voisins,

        les chinois qui tiennent les petits commerces,

        les Hmongs, accueillis par la France en 1977 après avoir fui le Laos : ils ont défriché, cultivé les terres qui leur ont été allouées et fournissent la Guyane en légumes et fruits délicieux : ananas, ramboutans, bananes, … ; leurs enfants font de brillantes études en métropole. Qui leur succédera ?

        les descendants des bagnards : après l’abolition de l’esclavage en 1848, la main-d’œuvre manque ; qu’à cela ne tienne, pour construire villes et infrastructures, on enverra dans des bagnes cauchemardesques entre 1854 et 1953, les délinquants, petits et grands, prisonniers politiques comme Dreyfus : un bagnard sur deux est mort de maladie ou de mauvais traitement… Suite aux articles d’Albret Londres puis aux analogies de condition avec les camps de concentration, les bagnes sont finalement fermés en 1953.


Côté histoire, depuis sa découverte en 1499, celle de la Guyane croise toutes les grandes étapes de l’histoire récente : miette laissée à la France après le partage du monde entre Espagne et Portugal au 17ème siècle, esclavage et abolition de l’esclavage au 18ème siècle, essai de colonisation en envoyant les opposants politiques et religieux de la nouvelle république à la fin du 18ème, fièvre de l’or à partir du milieu du 19ème qui vide les exploitations agricoles pour des activités plus lucratives, affaire Dreyfus à la fin du 19ème, création du CS au milieu du 20ème, ….

Alors, bien sûr, il faut quand même parler météo et tourisme. Oui, en Guyane, il fait chaud et humide et il pleut, mais… la pluie est chaude ! Côté tourisme, l’offre est assez limitée mais à défaut d’hôtels 5 étoiles, on dort très bien dans un hamac suspendu sous un carbet (abri ouvert).

Alors si vous aimez les voyages authentiques, si vous aimez les gens, les animaux, la nature, si vous n’avez pas peur des araignées ni d’être mouillé, et que vous vous protégez bien des moustiques, si vous aimez le rhum guyanais, oui, allez en Guyane !

Véronique Schweblin

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