La terre et le ciel

Le jeu de la marelle est connu et apprécié de beaucoup d’enfants. Il s’avère très utile pour développer leur motricité, leur adresse et leur sens de l’équilibre. On dit parfois qu’il adopte le plan d’une église. En tout cas il relie la terre et le ciel, ce qui n’est pas rien, pour un simple jeu. Pourrait-il nous inspirer d’utiles réflexions sur l’existence ?

L’allégorie

La terre et le ciel : c’est notre cadre de vie. Au sens physique. Mais la langue française a d’utiles ambiguïtés. Le même mot y désigne le ciel physique (en anglais : sky) et le ciel métaphysique (en anglais : heaven). D’où cette manière allégorique de rattacher à la terre ce qui est en bas (nos réalités quotidiennes et les nécessités et pulsions qui les accompagnent) et au ciel ce qui est en haut et contribue à notre épanouissement, à notre bonheur, à notre progression spirituelle. Peintres et poètes, maîtres en allégorie, ont dépeint l’enfer en bas, dans les ténébreuses anfractuosités de la terre où règnent le souffre et le feu et le ciel, au sens du paradis, en haut, cohabitant avec les nuages. S’il y a une vérité dans l’allégorie, c’est de nous éveiller aux principes sous-jacents à l’existence. La marelle ne fait pas exception.

La réalité a deux faces

La marelle n’est pas qu’un jeu. Sa structure savamment articulée en dix cases est très inspirante et n’a pas été choisie au hasard. N’en retenons qu’un aspect, à savoir que la terre et le ciel (au sens métaphysique) sont deux réalités liées qui ne peuvent être vues l’une sans l’autre. Elles sont à la fois distinctes et complémentaires avec une connotation d’opposition. Nous y retrouvons les caractéristiques de la dualité, principe inhérent à tout ce qui existe. Toute réflexion sur l’existence met en lumière les deux polarités qui s’opposent et se complètent dans la dualité. Peut-on par exemple méditer sur l’Être, nécessairement immuable parce que parfait, sans entrer dans des considérations sur le Devenir, c’est-à-dire ce qui change, en vue d’une plus grande perfection ? Peut-on parler du corps, réalité matérielle (l’animus des philosophes : ce qui est animé) sans parler de l’âme, réalité spirituelle (l’anima : ce qui anime) unis pour manifester la vie ? Peut-on vraiment séparer l’aspect émotionnel de la psyché humaine de son aspect mental, plus orienté vers le langage et la rationalité ?

Le dedans et le dehors

Parmi toutes ces réalités à double face, n’y a-t-il pas aussi le dedans et le dehors ? C’est une clé de compréhension de la nature et de la constitution de l’être humain.

La science occidentale, par exemple, s’est développée autour de la capacité de l’homme à observer les phénomènes de la nature. Il s’agit en l’occurrence du dehors de cette nature, de ce qu’elle laisse apparaître à l’œil de l’observateur ou éventuellement à l’appareil sophistiqué (microscope par exemple) capable de relayer la faiblesse structurelle de l’œil humain. Dans cette approche scientifique traditionnelle, l’observateur apparaît comme un écran sur lequel se projette l’image d’un objet sans véritable lien avec lui.

Mais la science a aussi découvert et prouvé, au cours des dernières décennies, une vérité étonnante et encore peu connue du public : les objets de notre environnement (ce qui est matériel) ne prennent leur consistance matérielle que lorsqu’ils sont en interaction avec nous(1). Autrement dit, la matière a non seulement un dehors, observable, mais aussi un dedans (lié intimement à nos processus de conscience) qui la rend observable. L’observateur n’est pas un simple écran : il est acteur de la matérialité.

Appliquons à notre personne cette règle du dehors et du dedans. Nous avons une réalité matérielle : notre corps. C’est le dehors, auquel nous attachons une grande importance puisqu’il donne notre aspect humain et notre capacité à interagir avec le monde qui nous entoure. Mais qu’est-ce qui en constitue le dedans, c’est-à-dire cette conscience que nous en avons et qui (scientifiquement) lui donne sa consistance matérielle ?

Ce dedans aurait-il moins d’importance que le dehors ?

 Note 1 – Selon la physique actuelle, énergie (sous forme d’ondes) et matière (sous forme de grains) sont les deux faces d’une même réalité. L’acte d’observation fait émerger la forme granulaire (corpusculaire).

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