Le rétable d’Issenheim a cinq cents ans

Ce magnifique et monumental polyptyque (1), aujourd’hui au musée d’Unterlinden à Colmar, fut réalisé entre 1512 et 1516 pour la commanderie des Antonins d’Issenheim, à la demande de Guy de Guers, supérieur de l’Ordre. Il fut réalisé par Nicolas de Haguenau pour la partie sculptée et Matthias Grünewald pour les panneaux peints.

Cette œuvre de grande dimension (3,30 m de haut et 5,90 m de large) est constituée de plusieurs panneaux peints s’articulant autour d’une caisse centrale dans laquelle prennent place des sculptures. Les volets pouvaient êtres ouverts pour illustrer les différentes périodes liturgiques durant le culte, lors des fêtes correspondantes. Il possède au total trois faces illustrées représentant la vie du Christ et celle de Saint Antoine l’Ermite (231-356).

L’ordre des Antonins, fondé vers 1070 à Saint-Antoine-en-Viennois, petit village du Dauphiné, est un ordre mendiant qui a pour vocation de soigner et d’assister les malades. A cette époque, le seigle était une des bases de l’alimentation ; on ignorait alors qu’un champignon attaquait l’ergot de seigle provoquant chez les malades qui en étaient atteints des douleurs terribles entraînant, par le rétrécissement des vaisseaux sanguins, une nécrose et la gangrène des membres ; on parlait du « mal des ardents » ou « feu de saint Antoine ». L’ordre des Antonins prenait en charge les malades victimes de ce véritable fléau, leur servant du pain de bonne qualité et préparant le saint-vinage, un breuvage à base de vin dans lequel avaient macéré des plantes et des reliques de saint Antoine. Ils intervenaient également lors des épidémies de peste.

Le monastère d’Issenheim était situé sur une ancienne voie romaine menant des pays germaniques vers les lieux de pèlerinages traditionnels du Moyen-âge : Rome, Saint-Jacques de Compostelle. Les pèlerins et voyageurs étaient nombreux, enrichissant le monastère qui fit réaliser plusieurs œuvres d’art, dont le retable, principalement destiné à son hôpital. En effet, les moines espéraient que saint Antoine intercèderait en faveur des malades ou tout au moins que ceux-ci trouveraient réconfort et consolation par la contemplation de scènes religieuses.

Puis vinrent le temps des pérégrinations : lors de la Révolution, en 1793, le retable est démonté et entreposé à Colmar au musée national (ancien collège royal des Jésuites) puis transféré au musée d’Unterlinden en 1853. Durant la Première Guerre mondiale, il est placé dans la salle blindée d’une banque privée et après un passage par Munich pour restauration, reprend sa place au musée en 1919.

En 1939, à la déclaration de la guerre, il est caché au château de Lafarge près de Limoges, puis dans celui de Hautefort en Périgord. Suite à la capitulation française, il est transporté au château du Haut-Koenigbourg où les Américains le découvrent en 1944.

En 1945, il retrouve son emplacement actuel dans la chapelle du musée d’Unterlinden dont il est la pièce maîtresse et qui lui doit sa renommée internationale.

  1. (1)œuvre peinte ou sculptée sur plusieurs panneaux dont les volets extérieurs se referment sur ceux de l’intérieur.

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