Les droits de la conscience

C’est le 17 février dernier que la Paroisse de Triel-sur-Seine avec les AFC (Associations Familiales Catholiques) nous invitaient à une conférence de François-Xavier Bellamy, jeune professeur agrégé de philosophie, écrivain et maire adjoint à Versailles, sur le thème : Les droits de la conscience.

En voici les principaux extraits.

 

L’objectif de cette conférence est d’essayer de répondre à cette interrogation : pourquoi nous, chrétiens , sommes-nous de plus en plus souvent conduits à nous opposer à l’esprit du monde ? Au nom de quoi nous opposons-nous ? Cela mérite de méditer ensemble sur la question de la conscience.

1. Le contexte contemporain

Nous sommes finalement piégés par l’esprit du temps qui nous empêche de parler de la conscience et nous sommes tentés de nous opposer au nom de nos valeurs. On peut citer les questions de la PMA, de la bioéthique, du mariage, de la famille. Cette position me paraît profondément fausse et dangereuse parce que le terme « valeur » est parfaitement adapté au relativisme contemporain. Les valeurs sont relatives à un groupe. Par exemple la photo de la maison où j’ai passé toute mon enfance me touche, mais pour vous cela ne vous évoque rien. Même les valeurs marchandes fluctuent ! Donc parler de nos valeurs, c’est ajouter du crédit au relativisme contemporain : il n’y a ni vérité, ni morale universelle. C’est le climat dans lequel nous baignons. Le relativisme nous empêche de parler de la conscience.

2 . Le nœud de la communication

Au IVe siècle grec, le premier principe d’Aristote est la définition de la Vérité, c’est le principe de non contradiction : il ne peut pas y avoir deux énoncés contradictoires et vrais, en même temps. Aristote dit, « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Cela exclut l’idée que chacun ait sa vérité. A ce moment de mon exposé, un élève me répondra toujours : « d’accord pour la porte Monsieur, mais pour Dieu ? ou le Bien, ou la Morale ?

– Alors, si quelqu’un m’annonce Dieu existe et qu’un autre dise Dieu n’existe pas, cela implique forcément que l’un des deux a raison et l’autre a tort. »

3. La clarification de la pensée

Avec le nazisme, le XXe siècle a fait la découverte atroce, abominable et pourtant féconde de la conscience qui est rentrée dans l’histoire du droit au procès de Nuremberg. En 1945 un certain nombre de dignitaires nazis sont emprisonnés. Un tribunal pénal international est réuni pour les juger. Mais Hitler a été élu démocratiquement et le nazisme a légalement imprégné les rouages de l’état. Ce qui fait que les accusés n’ont jamais été hors-la-loi. Ils étaient juridiquement non coupables.

Pour les condamner, il a fallu s’appuyer sur quelque chose qui précède le droit. On a trouvé deux postulats :

  • Il existe des actes qui sont toujours mauvais et d’autres bons, c’est une loi qui n’est pas écrite, appelée dans la tradition philosophique la Loi Naturelle. Les juristes ont ainsi édicté le concept des droits de l’Homme…
  • Tout homme connaît par nature, l’existence de cette loi naturelle qui nous oblige à respecter la dignité inaliénable de l’être humain. Ceux qui ont organisé les camps de concentration le savaient. C’est pourquoi ils ont été jugés coupables.

Cette capacité intérieure que nous avons de discerner le bien du mal, ou le juste de l’injuste, c’est notre conscience. Les communautés ont le droit de défendre leurs valeurs, mais les individus ont le devoir de laisser parler leur conscience.

4. Les grands témoins

… Depuis vingt-quatre siècles toute la tradition philosophique tourne autour de la conscience.

… Aristote et Epictète diront que l’esprit humain est configuré pour le Vrai.

…Dans notre rapport à la Vérité, dit Aristote, il y a comme une espèce de divination, donnée par notre conscience : point de rencontre entre la nature divine et la nature humaine. La nature divine crée le Vrai. Et si nous rencontrons la Vérité, nous rencontrons par notre pensée quelque chose de la nature divine. Beaucoup de philosophes non religieux ont vu dans la « conscience », le signe de la nature singulière de l’Homme qui reconnaît comme un dieu, ce qui est vrai et ce qui est faux.

Par la conscience dira Cicéron, l’univers devient la patrie commune des dieux et des hommes.

Le vrai mal pour Kant c’est de mettre sa conscience en suspens. Quand on cède à la tentation, on ne pense pas l’acte que l’on fait…Pour faire un acte immoral, on arrête sa conscience… Ce qui est vrai d’un individu, est vrai également d’une société. Dans la dérive contemporaine, c’est toute la Société qui s’abstient de penser ce qu’elle fait.

 

5. Trois conséquences à en tirer

        Cultiver sa conscience :

Pour servir le bien des hommes, notre Conscience ne doit pas être réduite au silence. Mais il y a le paradoxe de la conscience. Quoiqu’elle appartienne à tous les hommes (on l’appelle le bon sens) la flamme de la conscience (la voie divine disait Rousseau) doit être cultivée ! Le travail de l’intelligence est indispensable pour développer le côté culturel de la conscience (cum scientia). Il faut connaître pour garder notre conscience vivante.

        La responsabilité personnelle

L’autorité n’est pas là pour nous décharger de notre liberté et notre responsabilité. Chacun d’entre nous est responsable des actes qu’il pose. Notre conscience est en jeu y compris dans les questions qui engagent la cité tout entière.

        Renouer avec notre prochain

La plupart des gens recherchent le Bien, mais certains ont la conscience qui s’égare dans la recherche du Bien… Engager la conversation sur le terrain de l’accusation, c’est interdire la discussion. Il vaut mieux partir du postulat qu’au fond du cœur de tous les hommes, il y a la recherche du Bien. La conversation s’engage d’une façon différente quand on se met ensemble pour chercher le Bien. La conscience est aussi le meilleur point de départ pour engager ou reconstruire un dialogue.

 

Nous sommes repartis très impressionnés par la clarté des propos tenus pendant plus d’une heure et demie, sans note, avec beaucoup de simplicité et d’humour. L’éclairage apporté pour recentrer nos efforts sur la culture de notre conscience nous semble visionnaire dans ce monde anesthésié par le relativisme.

 

                Yves Maretheu

(Remerciements à Dominique  Durochin qui a transcrit le texte)

 

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