L’Evangile et le secret de la confession

« On considère qu’il y a trois secrets qui sont plus sacrés que les autres : secret de la confession, secret médical et secret professionnel de l’avocat ». Ces trois secrets ont été reconnus par la Cour de cassation depuis 1891 et  confirmès en 1977.

Selon le droit canonique, propre à l’Eglise catholique et qui donc n’a pas de valeur légale en France, le « secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière et pour quelle que cause que ce soit ». Mais dans le paragraphe suivant, on peut lire ceci : « L’utilisation de connaissances acquises en confession qui portent préjudice au pénitent est absolument défendue au confesseur… ». Nous retenons cette dernière mention.

La loi française punit la non-dénonciation aux autorités judiciaires de certains crimes et délits. L’article 434-3 du Code pénal dispose que le fait de ne pas informer les autorités, tant que les infractions n’ont pas cessé, est puni de trois ans d’emprisonnement « pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles » envers des personnes vulnérables – des mineurs (la peine est aggravée à cinq ans pour les moins de 15 ans) et des personnes incapables de se protéger en raison de leur âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse.

À l’inverse, l’article 226-13 du code pénal punit clairement la violation du secret professionnel : « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire », est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. De même, la révélation d’une information soumise à un secret n’est pas punie si elle concerne des privations ou des sévices, y compris des atteintes ou mutilations sexuelles, infligées à un mineur ou à une personne vulnérable hors d’état de se protéger.

Une législation contradictoire

Sans jurisprudence claire de la part des juges, il y a contradiction entre l’article de loi qui oblige à dénonciation dans certains cas de crimes et d’autres articles qui peuvent punir la violation du secret professionnel. « La législation actuelle, qui articule l’exercice du secret de la confession et l’obligation de signalement des violences commises à l’égard des enfants qui doit s’imposer à tous les adultes, est floue ; son interprétation prête à débat. » (Maître Boudot)

Un prêtre qui voudrait révéler des infractions d’atteintes sexuelles sur mineur entendues lors d’une confession a la possibilité de le faire et n’encourt alors aucune poursuite. Mais cette faculté n’est pas une obligation, car l’article qui punit la non-dénonciation de crimes et délits exclut très clairement les personnes astreintes au secret. Une circulaire du ministère de la justice de 2004 explique en ce sens que l’absence de dénonciation de cas d’agressions sexuelles envers un mineur de moins de 15 ans ou une personne vulnérable ne « saurait être sanctionnée pénalement » et qu’elle « ne peut être analysée que comme une simple faculté, laissée à la discrétion du débiteur du secret, et non comme une obligation ».

Une nouvelle situation avec le rapport Sauvé

Les prises de conscience actuelles sur les violences faites aux enfants obligent à préciser la législation actuelle. De même, les révélations des nombreux abus dans les familles montrent clairement que la société, du fait entre autres du cloisonnement des différents services administratifs, ne sait pas entendre et protéger les enfants. Le travail remarquable de la commission Sauvé aide l’Église, mais aussi toute la société. C’est en ce sens que Jean Marc Sauvé a été récemment entendu à l’Assemblée nationale.

Pour nous aider dans l’Église, il faut d’abord se tourner vers l’Evangile. « Qu’est-ce qui est le plus important : respecter la loi du sabbat ou sauver une vie ? ». On ne peut qu’être frappé de voir comment Jésus protège les victimes, en particulier les enfants : « Et quiconque reçoit en mon nom un petit enfant comme celui-ci, me reçoit moi-même. Mais, si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât au fond de la mer ». (Lc 18)

On peut et on doit éclairer, dans la prise de conscience actuelle, nos réflexions par la Parole et l’attitude constante de Jésus. On peut défendre l’inviolabilité du secret de confession et sauver une vie.

Si un mineur vient vers moi en situation de confesseur pour se confier d’une agression subie, je lui fais comprendre tout de suite qu’on continue l’échange, s’il le veut, en sortant du cadre sacramentel. Ce mineur a confiance en moi et je lui explique que je ne vais pas trahir sa confiance, mais qu’il a besoin d’être aidé, qu’il n’est pas coupable et qu’il n’a donc pas besoin du pardon. Accepte-t-il de continuer à en parler pour être aidé et orienté vers les personnes compétentes ? Voilà l’urgence et mon devoir de sauver une vie. Je peux m’appuyer sur le droit canon qui m’invite à utiliser des connaissances, qui non seulement ne portent pas préjudice au pénitent, mais sauvent une victime, en plus mineure.

De même, si une personne vient me dire dans le cadre d’une confession qu’il a agressé sexuellement une autre personne, a fortiori un enfant, j’arrête la confession et j’invite l’agresseur à aller se dénoncer à la justice. Cela ne m’est jamais arrivé mais si cela m’arrive, je n’ai aucun état d’âme à ne pas donner l’absolution. Certains disent qu’on ne donne pas l’absolution sous condition. Je dis que l’absolution n’est pas liée seulement à l’aveu mais à la réparation.

« La vérité vous rendra libres » dit Jésus. Le secret de confession ne peut servir à enfermer dans le péché ou maintenir dans la mort, comme l’ont fait nombre d’abuseurs. Dans la confession, le Fils nous libère pour que nous soyons vraiment libres. (Jn 8, 36)

Baudoin, prêtre.

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