Mgr Henri Teissier, une vie au service de l’Algérie et de son Eglise

Au moment où la France et l’Algérie cherchent dans une grande difficulté à rapprocher leurs mémoires, un homme vient de mourir ; il a dédié sa vie à témoigner d’une fraternité possible, même dans les pires des circonstances : Mgr Henri Teissier, 91 ans, évêque émérite d’Alger est décédé d’un AVC à Lyon le mardi 1er décembre, jour de la fête du bienheureux Charles de Foucauld.

Pour lui, l’enjeu ne se situait pas d’abord sur le terrain des relations entre deux nations mais sur celui de l’amitié entre catholiques et musulmans. Évêque d’Oran pendant neuf ans, il fut, de 1988 à 2008, archevêque d’Alger où veille sur une hauteur une célèbre basilique qui porte au chœur cette inscription bouleversante : « Notre-Dame d’Afrique, priez pour nous et pour les musulmans ».

Prêtre du diocèse d’Alger, Henri Teissier fit le choix de rester au lendemain de l’indépendance au côté du cardinal Léon-Étienne Duval. Comme lui, il a pris la nationalité algérienne et vécu le dépouillement de voir partir la plupart des fidèles. Pasteur d’un très petit troupeau, il en a mobilisé les forces au service de la société algérienne, témoignant avec humilité de la puissance de l’Evangile ; il aimait à répéter : « Le Royaume ne se construit pas seulement là où l’on « fait des baptisés » mais là où l’on travaille pour l’humanité ». Cette alliance, il n’y a jamais manqué, même lorsqu’une effroyable guerre civile a ensanglanté le pays de 1991 à 2002.

Artisan de la béatification des martyrs d’Algérie

A dix-neuf reprises, l’archevêque d’Alger devra faire face à l’assassinat de religieuses et de religieux, parmi lesquels ses amis moines de Tibhirine et son successeur comme évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie. Avec une immense force de caractère, cet homme a résisté à la peur et à la tentation de l’abandon. S’il a conduit le procès de béatification de ces dix-neuf martyrs, il a toujours voulu associer leur mémoire à celle de plus de cent cinquante mille victimes dont cent quatorze imams assassinés pour avoir refusé de justifier la violence. Le jour où les blessures franco-algériennes seront apaisées, on le devra à des hommes comme Henri Teissier.

Une messe de funérailles eut lieu à la cathédrale Saint-Jean de Lyon, samedi 5 décembre ; l’ambassadeur d’Algérie à Paris, Mohamed Antar Daoud, y fit mémoire de Mgr Teissier : « L’Algérie perd l’un de ses dignes fils, le pleure et partage pleinement la douleur de sa famille et de tous ceux qui comptaient pour lui et l’appréciaient, lui, l’inlassable berger de la foi catholique chrétienne, épris d’humanité et pour qui les hommes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils proviennent, étaient d’égale valeur ».

La célébration des obsèques s’est déroulée à Alger le mardi 8 décembre, fête de l’lmmaculée Conception ; en raison des contraintes sanitaires, elle fut retransmise sur les réseaux sociaux et diffusée par des haut-parleurs sur le parvis qui domine la baie d’Alger. Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, s’adressa à Mgr Teissier en ces termes : « Comme le bienheureux Charles de Foucaud, tu voulais devenir frère universel ; tu es notre frère à tous ».

Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, rappela le courage de Mgr Teissier :

« La mort d’Henri Teissier marque un passage. Il reste pour moi un modèle. S’il était d’une intelligence, d’une mémoire et d’une culture impressionnantes, ces qualités s’accordaient à une profonde humanité, une qualité de présence, de relation et d’humour… Je garde l’image d’un pasteur, marqué par la violence des années noires. Très souvent, quand il effleurait cette blessure lors d’une homélie ou d’une intervention, il s’arrêtait, les larmes coulaient, et il reprenait doucement son propos. A sa suite, nous savons qu’il y a et qu’il y aura une Église pour l’Algérie ».

« Son corps comme sa vie appartiennent à la terre et au peuple algériens », a déclaré l’évêque d’Oran.

C’est dans l’intimité que Mgr Teissier a été inhumé dans la chapelle Sainte-Monique de la basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger. Il repose désormais à côté du cardinal Léon-Etienne Duval, enterré en juin 1996.

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