MURIEL COMBES,professeur des écoles

Notre journal ayant choisi comme thème l’orthographe et l’écriture pour son numéro d’avril, nous avons rencontré Murielle Combes, professeur des écoles à Juziers. Notons d’emblée qu’il ne s’agissait pas initialement du projet de réforme de l’orthographe, mais bien entendu, vous y trouverez quelques références.

 

Merci Murielle de recevoir les Echos de Meulan pour un entretien sur l’orthographe et la calligraphie, un de vos domaines comme professeur de CP. Pouvez-vous tout d’abord vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis née aux Mureaux, aînée d’une famille de trois filles, de parents commerçants. Pour des raisons professionnell
es, ma famille s’installe dans le Val de Marne, plus exactement au Plessis-Trévise où je passe ma jeunesse. J’entre directement au CP et d’emblée j’adore l’école, je n’en ai que de bons souvenirs ; découvrir, apprendre a toujours été un plaisir. Je faisais aussi beaucoup de sport et lisais énormément. A 17 ans, je passe un Bac scientifique et présente l’année suivante le concours d’entrée à l’Ecole Normale des Instituteurs à l’Académie de Créteil.

Commence alors votre carrière dans l’enseignement. Pouvez-vous en évoquer le parcours ?

Je passe le concours à 18 ans et ma carrière débute à l’Ecole Normale de Bonneuil-sur-Marne. En ce temps-là l’enseignement se faisait en alternance selon le rythme de quatre semaines de stage en classe primaire et quatre à l’Ecole normale. A 21 ans, j’ai mon diplôme d’institutrice ; c’est une vocation que ce métier auquel je me consacre avec enthousiasme et bonheur. J’enseignerai dans tous les niveaux du primaire, de la petite section de maternelle au CM2. J’habite toujours dans le Val de Marne lorsqu’à 22 ans, j’épouse Pascal Combes, un Meulanais. Je demande mon changement, tout de suite accordé, pour les Yvelines. Naîtront alors mes deux fils, Nicolas en 1987 et Benoît en 1990. Ma première affectation yvelinoise sera Meulan, puis Vaux-sur-Seine et toujours à ma requête, Juziers où j’arrive à la rentrée 1990. J’y enseigne donc depuis vingt-six ans ; le temps passe vite et depuis quelques années, dans ma classe de CP, j’ai parfois les enfants de mes anciens élèves.

Quelle place tiennent l’orthographe et l’écriture dans votre enseignement ?

La calligraphie prend une part importante dans les apprentissages du CP, même si cette compétence est déjà travaillée dès la maternelle. Au CP on apprend à maîtriser son geste afin de pouvoir écrire entre des lignes qui deviendront de plus en plus serrées au fil de l’année. C’est une des raisons pour laquelle la tenue du crayon est très importante. On ne peut écrire bien et vite que si l’on tient correctement son outil. Et une mauvaise habitude prise très jeune ne se corrige que très difficilement, voire jamais.

Il nous faut être très vigilants pendant les exercices d’écriture et accompagner les enfants dans leurs gestes afin de leur montrer comment se servir de l’outil et comment former les lettres. Une lettre se trace en suivant un sens très précis et les lettres s’accrochent entre elles d’une manière très rigoureuse aussi. Lorsque cet apprentissage est bien mené, l’enfant réussira plus aisément et plus rapidement à écrire. Le but sera alors atteint.

En ce qui concerne l’apprentissage de l’orthographe, il est intimement lié à celui de la lecture et de l’expression écrite. L’objectif premier étant de faire entrer l’enfant dans le monde de l’écrit sans qu’il connaisse l’échec et surtout lui donner le goût de lire. Au fil des années, j’ai pu mettre au point « ma » méthode de lecture en m’appuyant sur des méthodes existantes et en m’inspirant des recherches menées par les spécialistes du sujet.

Aujourd’hui, l’expérience a montré que plus un enfant écrit des textes au CP, plus vite il maîtrisera la syntaxe de la langue écrite et plus vite il apprendra à lire en donnant du sens à ce qu’il lit. Et bien sûr on écrit sans fautes : l’enfant n’écrit pas un mot qu’il ne connaît pas, il cherche dans les supports de la classe (affiches, cahier de références…) ou bien il demande à la maîtresse. Il faut que l’enfant prenne conscience que l’on n’écrit pas un mot n’importe comment et l’enseignant doit ainsi le mettre en situation de recherche perpétuelle active et efficace. Ainsi les dictées, les exercices d’entraînement, l’expression écrite auront du sens si l’enseignant s’appuie dessus pour obliger son élève à chercher la bonne réponse dans toutes les situations.

L’apprentissage de l’orthographe, c’est amener l’enfant à réfléchir pour ne plus avoir à réfléchir et acquérir ainsi des réflexes : je connais les mots outils, je connais la syntaxe des phrases de références, je sais mettre la ponctuation et les majuscules, je me constitue un capital mot qui s’enrichira au fil des années. En grandissant, ces références deviendront des règles de grammaire et de conjugaison et le dictionnaire sera à portée de main. Mais tous ces outils ne seront profitables que si l’enfant est encouragé et habitué à les utiliser. Bien sûr, cela demande à l’enseignant une grande implication et un regard aiguisé et bienveillant sur chacun de ses élèves car ceux-ci ne vont pas progresser à la même vitesse et n’auront pas les mêmes besoins. La pédagogie différenciée est de mise et le droit à l’erreur aussi. On ne stigmatise pas : on apprend dans un climat de confiance.

Une réforme de l’orthographe est prévue, comment intégrer ces modifications à votre enseignement ?

Cette réforme est en marche depuis 1990 ; on parle maintenant de sa mise en pratique. Elle a pour but de faciliter ce qui ne coule pas de source, les incohérences. Elle parle de remplacer le « ph » par un « f »; l’accent circonflexe disparaît sur « i » et « u »mais demeure s’il apporte une distinction de sens, exemple : jeûne. Le doublement du « l » et du « t » (pour les verbes) est supprimé sauf exception. Quant au trait d’union, il s’impose pour les nombres composés : vingt-et-un mais on soude certains mots comme weekend, portemonnaie …

Il va se poser le problème des manuels scolaires, des dictionnaires, de tous les livres que nous avons dans nos classes et nous n’aurons pas le budget pour les remplacer par des ouvrages contenant les nouvelles règles, ainsi que tous les livres de la maison et des bibliothèques. Comment les enfants feront-ils pour acquérir l’image exacte d’un mot lorsqu’ils le rencontreront écrit de diverses façons ? Je me pose la question. La langue française est une langue vivante, c’est un fait, et on peut ainsi lui ajouter des mots ou expressions. Mais modifier l’orthographe était-il bien nécessaire ? Simplifions-nous réellement le sujet ?

Existe-t-il de vrais dysorthographiques ?

Celui qui en souffre est souvent à la base un dyslexique. C’est un problème qu’il faut prendre en compte le plus tôt possible, dès que la suspicion d’un trouble apparaît et avoir recours à un orthophoniste. Depuis quelques années, les enseignants sont plus attentifs. Nous savons maintenant qu’un élève peut faire illusion, c’est-à-dire avoir de très bons résultats scolaires et pourtant souffrir d’une belle dyslexie.

Car c’est une souffrance, l’enfant va lire et comprendre ce qu’il lit mais cela lui demandera des efforts intenses et de ce fait, il sera plus lent que les autres ; sa lecture à haute voix ne sera pas fluide, des mots seront remplacés par d’autres et l’orthographe sera souvent catastrophique. Au moindre doute, il vaut mieux aller faire un test de dépistage chez un orthophoniste parce que pris très tôt, ce dysfonctionnement se rééduque très bien.

Quels conseils donneriez-vous aux parents ?

Bien veiller dès le plus jeune âge, lorsque l’enfant prend un crayon, à ce qu’il le tienne correctement, avec le geste de la pince.

Et surtout lui montrer que vous êtes là pour lui, pour l’encourager, l’aider, le valoriser et le faire progresser dans ses apprentissages et lui montrer aussi qu’il y a un cadre et des valeurs à respecter. L’école ne fait pas tout, la famille joue un rôle très important dans l’épanouissement et la réussite des enfants.

 

Merci beaucoup, Murielle pour cet éclairage sur l’orthographe et la calligraphie, bases de tout enseignement. Ce que vous transmettez à vos jeunes élèves avec votre enthousiasme, est un bagage pour toute leur vie en même temps qu’un enracinement dans la culture de leur pays.

 

 

(Propos recueillis par Ghislaine Denisot)


 

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