Nous sommes des âmes

Début novembre, nos pensées nous conduisent auprès des proches qui sont morts. Avec sans doute la même question pour chacun : que reste-t-il après la mort ?

Il faut accepter de ne pas savoir. Il faut garder une part d’étonnement, d’émerveillement, de confiance. Cette part, c’est l’âme, l’âme en tout être humain. L’esprit, avec ses réparties, ses connaissances et ses réflexions, meurt avec le corps. L’âme, c’est tout ce que la mort ne pourra nous prendre. Qu’est-ce qui ne mourra pas ? L’amour don de soi bien sûr, le refus de toute injustice, le courage de vivre en espérant contre toute espérance. Tout ce que nous avons fait de beau, de juste, de gratuit… viendra nous entourer au moment de notre mort. « Ce sont nos anges », dit Marie Noël (1) dans un de ses poèmes, « nos habitants de cœur qui sauveront notre âme en danger sur une route sans lumière ». C’est bien le chemin indiqué par Jésus pour aller vers le Père: « aimez-vous les uns les autres », tous les autres, pas seulement quand on a le temps, pas seulement ceux qui nous plaisent, mais même nos ennemis. Nos meilleurs amis au moment de mourir seront les ennemis qui auront reçu notre pardon !

Mais la mort reste la mort, dans sa lente et humiliante descente vers la dépendance et la « défiguration ». Dans cette épreuve, nous sommes habités du sentiment d’être de trop, d’être une charge pour les nôtres, pour la société. Je comprends la tentation, quand nous ne pouvons plus rien maîtriser, de demander la mort. La bonne mort, sens du mot « euthanasie » en grec, serait alors de choisir de partir avant de perdre toute dignité.

Avec le drame du Covid, nous avons vécu le traumatisme d’être « zippés » dans des sacs sans parole, sans prière, sans main serrée. Nous sommes morts surtout du manque de tendresse et d’une présence humanisante. Au lieu d’une loi pour une aide active à mourir, ne faut-il pas privilégier l’aide active à vivre ? Non pas s’acharner sur le corps qui doit mourir, mais se concentrer sur l’écoute, le dialogue avec la personne qui, sentant la mort approcher, a besoin d’une autre perfusion, celle de la tendresse et de la prière. C’est plus exigeant qu’une injection d’une minute. Comme dans la nature et dans nos vies, nous ne pourrons jamais oublier que mort et vie cohabitent et que le moment de la défiguration peut devenir un moment de transfiguration.

Nous sommes des âmes. La bonne mort, c’est une présence aimante et priante quand il faut tout quitter pour entrer dans le mystère d’une autre Vie.

Frère Baudoin, prêtre

(1) Marie Noël, poétesse française (1883 – 1967)

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