Subvenir aux besoins de notre planète en 2050

Suite aux articles publiés en novembre 2020 dans le journal La Croix, nous avions abordé le mois dernier les bouleversements de la population mondiale. Ce mois-ci, nous nous posons la question : sera-t-il possible de subvenir aux besoins de neuf à dix milliards d’êtres humains en 2050, alors que le rapport de l’ONU de juillet 2019 indiquait qu’après une décennie de progrès dans la réduction de la faim, cette dernière avait lentement augmenté au cours des années précédentes ? Et c’était avant la pandémie !

En 2018, un groupe international d’experts sur la biodiversité qui émane du Programme des Nations unies pour l’environnement, a établi, en parallèle du rapport de l’ONU, un état des lieux très critique à l’échelle de la planète. Selon ses experts, un tiers des sols serait « moyennement à fortement dégradé, donc inutilisable pour l’agriculture » et « près de 60 % en mauvais état ». « Si nous n’agissons pas, plus de 90 % des sols pourraient se dégrader d’ici à 2050  », alerte, de son côté, la FAO, organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Comment trouver des solutions ?

L’Institut mondial des ressources en partenariat avec la Banque mondiale, l’ONU environnement, le Programme des Nations Unies pour le développement et les agences de recherche agricole français CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) se sont penchés sur la question et ont produit un rapport « Creating a sustainable food future » publié le 17 juillet 2019 par le World Resources Institute (WRI) qui met en évidence trois lacunes :

  • un « écart alimentaire » entre ce qui a été produit en 2010 et les aliments qui seront nécessaires en 2050 ;
  • un « écart de terre » entre la superficie mondiale des terres agricoles en 2010 et l’expansion agricole prévue d’ici 2050 ;
  • un « écart d’atténuation des gaz à effet de serre » entre les émissions attendues de l’agriculture en 2050 et le niveau nécessaire pour respecter l’Accord de Paris.

Les solutions existent

Pour combler ces lacunes, le rapport propose des solutions selon cinq axes :

  • réduire la croissance de la demande en réduisant les pertes et les déchets alimentaires, en mangeant des régimes plus sains, … ;
  • augmenter la production alimentaire sans élargir la superficie des terres agricoles grâce à des gains de rendement tant pour les cultures que pour le bétail ;
  • protéger et restaurer les écosystèmes naturels en réduisant la déforestation, en restaurant les tourbières et en reliant les gains de rendement à la conservation des écosystèmes ;
  • accroître l’approvisionnement en poisson en améliorant les systèmes aquacoles et en gérant mieux les pêcheries sauvages ;
  • réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production agricole grâce à des technologies et des méthodes agricoles novatrices.

Ces conclusions s’appuient sur un modèle, conçu par le CIRAD en partenariat avec l’INRA, qui simule les changements des usages des terres et les disponibilités alimentaires pour quatorze régions du monde. Il mesure comment chaque élément de réponse peut contribuer à accroître la disponibilité des aliments, tout en évitant la déforestation et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Des cadres politiques, des innovations, des mesures incitatives

Pour déployer ces solutions à grande échelle, le rapport identifie aussi des cadres politiques, des innovations et des mesures incitatives. De la gestion des pêches sauvages à la quantité de bœuf à manger (cf. notre article de novembre 2020 sur le lundi vert), il donne aux décideurs, aux entreprises et aux chercheurs une feuille de route complète sur la façon de créer un système alimentaire durable.

Au niveau de l’agronomie, par exemple, cela signifie stopper la déforestation, bannir la monoculture, interdire le labour profond, réduire l’usage des pesticides pour, au contraire, valoriser l’agriculture de conservation des sols, développer l’agroforesterie, encourager les intercultures de légumineuses…

« Des millions d’agriculteurs, d’entreprises, de consommateurs et tous les gouvernements de la planète devront apporter des changements pour relever le défi alimentaire mondial. À tous les niveaux, le système alimentaire doit être lié aux stratégies climatiques ainsi qu’aux protections des écosystèmes et à la prospérité économique », a déclaré Andrew Steer, PDG du WRI. « Bien que l’ampleur du défi soit plus grande qu’on ne le pense souvent, les solutions que nous avons identifiées ont un plus grand potentiel que beaucoup ne le réalisent. Il y a lieu d’espérer que nous pourrons parvenir à un avenir alimentaire durable. »

Des solutions existent donc, saurons-nous les mettre en œuvre ?

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