Victor Hugo et les misérables

« Ce siècle avait deux ans… » C’est ainsi qu’un des géants de la littérature française, Victor-Marie Hugo, évoque sa naissance à Besançon le 26 février 1802, il y a cent dix ans. Il est le troisième fils de Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet, l’un républicain convaincu, capitaine de l’armée française, l’autre royaliste, non moins convaincue. Très chétif on ne donne pas cher de la vie du petit Victor :

«…Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois,
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix
Si débile qu’il fut, ainsi qu’une chimère
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau ».

Il vivra pourtant quatre-vingt trois ans ! Comme ses frères, Abel et Eugène, il est amené à de nombreux déplacements en raison de la carrière de son père mais aussi des turbulences du couple Hugo : ils sont en Corse en 1804, en Italie en 1807 puis c’est le retour à Paris, au couvent des Feuillantines tandis que le général Hugo est à Madrid auprès de Joseph Bonaparte. Ses enfants le rejoignent en 1811 et dès l’année suivante c’est de nouveau Paris ; Victor passe du collège des Nobles de Madrid au lycée Louis-le-Grand. Très jeune il écrit des poèmes et remporte des prix littéraires. La mort de sa mère en 1821 le marque profondément et c’est dans la famille Foucher qu’il se réfugie car il est amoureux de la jeune Adèle qu’il épouse le 12 octobre 1822, en l’église Saint Sulpice. Elle lui donnera cinq enfants : Léopold II mort à quelques mois, Léopoldine décédée tragiquement, Charles, François-Victor et Adèle dont le parrain est Sainte-Beuve.

Si Victor Hugo a glorifié la famille, surtout la mère et l’enfant et ses joies de père puis de grand père, il n’a pas toujours été sans reproche vis à vis de la sienne ! Sa vocation d’écrivain se dessine très tôt voulant être : « Chateaubriand ou rien ». Tout d’abord poète classique et monarchiste, il défendra par la suite le principe de la liberté dans l’art qui déclencha en 1830 à la Comédie française, la fameuse « bataille d’Hernani », entre classiques et romantiques. Chef de file du Romantisme, il s’engage dans une intense activité d’écriture et publie odes, poèmes lyriques, épopées, pièces de théâtre et romans tout en menant de front sa vie de famille partagée avec sa maîtresse Juliette Drouet, à laquelle il resta lié durant cinquante ans. Le drame de la noyade de sa fille Léopoldine à Villequier, en 1843, mais aussi l’échec des « Burgraves » la même année, l’éloignent un temps de la littérature au profit de la politique.

Orléaniste sous Louis-Philippe, il est député au lendemain de la révolution de 1848 et favorable à Louis Napoléon mais devient, après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, le féroce opposant de celui qu’il n’appelle plus que « Napoléon le Petit » (les Châtiments 1853). Il est exilé à Jersey puis Guernesey où il compose un recueil lyrique : les Contemplations, une épopée : « la Légende des siècles » mais aussi les Misérables. Il revient d’exil en 1870, bouleversé par la Commune de Paris et écrit « l’Année terrible ». Mais c’est auprès de ses petits enfants qu’il trouve les paisibles joies qu’il évoque dans « L’Art d’être grand père ».

En hommage au républicain et à l’écrivain, académicien depuis 1841, Victor Hugo, décédé en 1885, aura des obsèques nationales. Son corps est exposé sous l’Arc de triomphe ; plus de deux millions de personnes suivent « le corbillard des pauvres » qu’il a choisi et qui le conduit tout droit au Panthéon. Outre le foisonnement de ses écrits, Victor Hugo nous a laissé quelques trois mille dessins de toutes techniques.

A l’occasion du cent cinquantième anniversaire des Misérables, penchons-nous un moment sur ce roman fleuve que peu de gens ont lu en entier, mais que tout le monde connaît grâce aux nombreuses adaptations cinématographiques, aux comédies musicales, pièces de théâtre et chansons qui s’en inspirent. L’ancien bagnard Valjean, le policier Javert, Fantine et surtout sa fille Cosette, sans oublier les sinistres Thénardier et plus encore  Gavroche, font partie de notre mémoire collective. Tout le monde connaît le « Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau » que chante le jeune héros de Victor Hugo avant de mourir sur les barricades de la Commune de Paris. Ce thème avait déjà inspiré un autre romantique, le peintre Eugène Delacroix dans une œuvre magistrale de 1831, conservée au musée du Louvre : «  La Liberté guidant le peuple ». La liberté est symbolisée ici par une femme brandissant le drapeau tricolore, accompagnée d’un enfant pistolets en mains, ancêtre du Gavroche de Hugo. Ce nom, par antonomase (1) est passé dans le langage courant synonyme de gamin de Paris facétieux et effronté.

Donnons à Victor Hugo le mot de la fin, dans cet hommage qu’il a rendu à sa mère et que tant d’enfants ont récité pour fêter leur maman :

« O l’amour d’une mère ! Amour que nul n’oublie !
Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie !
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier ».
Antonomase : substitution d’un nom propre à un nom commun

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