La Pentecôte : le don de l’Esprit Saint
La fête de la Pentecôte trouve ses origines dans la fête juive de Chavouot qui est célébrée, elle aussi, cinquante jours après la Pâque juive (Pessah). Lors de cette fête, les Juifs commémorent le don de la Torah à Moïse (Ex 19, 19), marquant ainsi l’Alliance entre Dieu et son peuple. L’événement de la Pentecôte survient dix jours après l’Ascension du Christ, après que Jésus a promis à ses disciples qu’ils vont recevoir une force : « le Saint Esprit viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8).
Ce cinquantième jour après Pâques, les Apôtres, Marie et quelques proches entendent un bruit « pareil à celui d’un violent coup de vent » qui remplit la maison ; c’est un premier signe. Le deuxième signe ne se fait pas attendre : « une sorte de feu qui se partage en langues et se pose sur chacun d’eux ». Et voici le troisième prodige : remplis de l’Esprit Saint signifié par le vent et le feu, « ils se mirent à parler en d’autres langues ». La foule qui festoie est stupéfaite « parce que chacun d’eux les entend parler sa propre langue ». À tel point que certains les croient « pleins de vin doux ! » (Ac 2, 1-14) Les apôtres, ayant reçu la force de l’Esprit, ont alors le courage de sortir de la salle du Cénacle où ils étaient craintivement enfermés.
Ainsi, le jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint remplit les disciples d’une force intérieure nouvelle. Ces hommes qui, il y a seulement quelques semaines, se terraient toutes portes closes, les voici debout, témoignant publiquement devant tout Jérusalem que Jésus est ressuscité. Leurs peurs ont disparu, balayées par le Souffle de Dieu. Ainsi l’Esprit Saint qui nous est donné vient au creux de nos fragilités, pour nous libérer de la peur d’être faibles et vulnérables.
Nous sommes souvent enfermés dans ces peurs : peur de l’autre, de la différence, de l’échec, peur d’être critiqué, peur de notre propre faiblesse. Nous manquons de confiance en nous et nous nous laissons parfois envahir par la tristesse et la dépression ou bien nous cherchons à prouver avec agressivité que nous avons raison. Nous voulons réussir et être reconnus. Souvent, nous avons une image négative de nous-mêmes et nous cachons notre pauvreté, de crainte qu’elle ne soit révélée au grand jour. Jésus nous promet le « Paraclet », cet Esprit Saint appelé aussi le consolateur, le défenseur. Il ne nous donne pas l’Esprit parce que nous sommes bien formés théologiquement et spirituellement, forts et capables d’assumer des responsabilités, ou parce que nous sommes naturellement sympathiques, prêts à répondre aux besoins des autres. Non, le Souffle de Dieu nous est donné parce qu’il y a un décalage entre ce que nous sommes capables d’être et de faire par nous-mêmes et ce que nous sommes appelés à être, à faire et à vivre. L’Esprit vient dans notre manque, dans notre fragilité, dans notre faiblesse, en écho à notre prière. Rappelons-nous la réponse de Jésus à l’angoisse de Paul : « Ma grâce te suffit. Ma force se déploie dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
Lorsque nous sommes forts et capables, nous tendons à nous suffire à nous-mêmes. Nous risquons d’écraser les autres par notre suffisance ou de nous en protéger. La force isole. La faiblesse, au contraire, est source d’unité. Si nous reconnaissons que, par nous-mêmes, nous ne pouvons pas faire face, alors nous demandons de l’aide. Et l’autre peut nous tendre la main. Voyez Jésus entrant en relation avec la Samaritaine (cf. Jean 4, 5-15). Il est fatigué, il a soif. Il a besoin d’elle : « Donne-moi à boire ». Un dialogue se noue. La douceur, l’humilité, la vulnérabilité de Jésus permettent à cette femme de reprendre confiance.
Face à celui qui est différent, nous pouvons voir tout ce qui nous sépare, ou reconnaître d’abord ce qui nous unit : cette humanité commune que nous partageons. Nous sommes appelés à marcher ensemble et à grandir dans l’amour les uns avec les autres, les uns par les autres.
À cause de nos blessures intérieures, de nos angoisses et de nos préjugés, il y a toujours des gens pour qui nous avons une sympathie ou une antipathie particulière. Pour accueillir chacun dans sa différence, avec ses richesses et ses difficultés, nous avons besoin du don de l’Esprit Saint. Alors, à travers notre accueil, notre amour doux et humble, l’unité grandit. Nous nous aimons, non pas d’un amour « naturel », « spontané », mais d’un amour qui est don de Dieu, car « celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jn 4).
A la Pentecôte, des jeunes et des adultes de plus en plus nombreux chaque année seront confirmés, c’est-à-dire rendus plus fermes dans la foi et chargés d’une belle mission : vivre du Christ pour tous. Qu’avec eux nous accueillions ce don de l’Esprit Saint avec grande joie, pour que l’Eglise puisse trouver des chemins nouveaux et que l’Evangile soit proposé à tous ; que chacun puisse l’entendre et le recevoir dans sa propre langue, sa propre culture, sa propre vie ; qu’aucun enfant, jeune ou adulte ne se sente exclu de cette Bonne Nouvelle parce que nous n’aurons pas su lui parler au cœur, le rejoindre dans ses aspirations les plus profondes.
Eric Le Scanff