La Sainte Tunique, un témoin unique de la Passion
La Sainte Tunique d’Argenteuil, vénérée comme le vêtement porté par le Christ de la Sainte Cène au pied de la Croix et conservée à Argenteuil, a été exposée de manière exceptionnelle à la vénération des fidèles du 18 avril au 11 mai. Cette ostension de la Tunique du Christ a été un événement marquant tant par le nombre de fidèles (205 000) venus la vénérer que par les fruits spirituels attendus de la rencontre de cette foule avec une des reliques les plus sacrées de la chrétienté. Quelle meilleure manière de méditer le mystère de la Croix et de l’amour livré jusqu’au bout par amour pour les pécheurs ! C’est le témoin charnel de la Passion : la pièce de laine tâchée du sang humain, est parvenue jusqu’à nous, conservée et transmise pendant près de deux mille ans. La tradition chrétienne y reconnaît le vêtement que portait le Christ, mentionné dans l’Evangile, comme le vêtement tiré au sort par les soldats romains après la crucifixion.
Encore objet de débats et de controverses, différents examens scientifiques plaident pour qu’elle ait été portée par un homme soumis à de grandes souffrances, en Palestine, au 1er siècle de notre ère. De nombreuses attestations d’authenticité ont été apportées par les études scientifiques au fil du temps, dont l’analyse des pollens provenant du Proche Orient, du tissage (fabriqué sur un métier à tisser, c’est un vêtement réalisé d’une seule pièce, sans couture) et du groupe sanguin AB, groupe sanguin très rare, pratiquement inexistant dans la population de l’Europe médiévale, mais très répandu au Proche-Orient, notamment en Judée et Galilée. La présence de ce groupe sanguin se retrouve aussi sur les trois grandes reliques de la Passion connues : la Tunique d’Argenteuil, le Linceul de Turin et le Suaire d’Oviedo (linge spécifique entourant la tête du défunt dans une sépulture juive antique). La probabilité d’observer ce groupe sanguin sur les trois linges s’établit à une chance sur huit mille.
Selon la reconstitution que l’on peut faire des dernières heures de la vie du Christ, il portait déjà cette tunique la veille de sa mort, lorsqu’il célébra la fête juive de la Pâque avec ses disciples, un repas au cours duquel il institua le sacrement de l’Eucharistie, c’est-à-dire la première messe de l’histoire. Jésus-Christ traverse ensuite les épreuves de sa Passion : durant la nuit, il prie rempli d’angoisse au Jardin des Oliviers, conscient que ses dernières heures sont venues. Il est ensuite arrêté après avoir été trahi par Judas, l’un des disciples ; il est jugé pour blasphème par les autorités religieuses juives et livré au matin au gouverneur romain Ponce Pilate pour être mis à mort. Après avoir été flagellé et humilié, il revêt à nouveau sa tunique et en milieu de journée, porte sa croix jusqu’au Calvaire, où on le déshabille avant de le crucifier.
L’Évangile selon saint Jean évoque ce vêtement dans son chapitre 19, aux versets 23 et 24 : « Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura ». Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements ; ils ont tiré au sort ma tunique. Voilà ce que firent les soldats. »
Bien sûr, nous pouvons nous rappeler les paroles prononcées par Jésus après sa résurrection : « Parce que tu as vu, tu as cru ; heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20, 29).
Certes la foi chrétienne n’est pas la claire vision ; cependant la vénération silencieuse de cette relique du chemin de croix peut soutenir notre recherche de communion avec Celui qui nous aime jusqu’au bout.
Eric Le Scanff