L’énigme du trésor de Giso-Ritum (1ère partie)
Dans ce territoire de légendes, de mystères, de secrets, deux affluents chétifs rejoignent en boucle molle une noble rivière. Alanguie, elle s’étale sans profondeur et coupe en deux cette sombre région. De grands marais s’épanchent alentours sur de larges bandes de terre humide propice aux tourbières. De fins filets de gaz s’échappent, certains soirs de pleine lune, allumant de mystérieux feux follets bleutés. On dit que l’on peut rencontrer Blaiseau l’ardent, un homme sans tête qui habite les dolmens. Là-bas, à quelques lieues, dans sa capitale historique, la grande histoire a produit son lot d’enchantement et de malheurs. Les druides sont entrés dans la clandestinité quand les prédicateurs chrétiens sont arrivés, les premiers convertis se sont fait bien discrets à l’arrivée des Francs saliens puis, reprenant des couleurs, ont de nouveau fait profil bas à l’arrivée des Vikings. Vers l’an mil, apaisés, les chrétiens ont pu bâtir leurs églises, souvent sur les vestiges des temples païens. Des érudits ont aussi érigé dans la campagne des croix pattées, mi-chrétiennes, mi-païennes qui indiquent les quatre points cardinaux aux solstices.
C’est dans cette bourgade aujourd’hui si tranquille, à l’ombre de l’église, d’un château en ruine et d’une sinistre léproserie que notre homme, voit le jour en 1904. Après ses études primaires, enfant studieux et mystique, il est persuadé qu’il a des dons de sourcier et de magnétiseur ; il se découvre une vocation pour la prêtrise. Après plusieurs années d’études religieuses durant lesquelles il apprend le latin et reçoit les ordres mineurs dont l’exorcistat, pour l’amour d’une femme, il rompt ses vœux, se marie et aura deux enfants.
Pendant ses études, ayant pu consulter un vieux grimoire écrit en 1640 par un curé relatant l’histoire locale, il acquiert la conviction qu’un trésor est enterré dans les souterrains entre l’église et le château. Ayant travaillé chez les brocanteurs en consultant de nombreux ouvrages et en fréquentant les archives de sa contrée, il comprend qu’il y a des tunnels secrets qui relient le château de la ville à ceux d’une autre forteresse. En froid calculateur, sans s’aliéner aucune sympathie avec la municipalité et le clergé, il arrive à s’y faire embaucher comme gardien, guide et jardinier.
Pendant quelques années, il se fait oublier mais demande les autorisations nécessaires pour faire des fouilles dans ce lieu classé. C’est seulement début 1944, alors que le domaine est occupé par l’armée allemande et que les visites sont suspendues, qu’il commence à creuser. Nuit après nuit, muni seulement d’une pelle, pioche, baladeuse, panier d’osier et d’un vieux treuil, il creuse clandestinement dans un puits rebouché. Son trou a maintenant la hauteur d’une tour de six étages et là, il trouve une excavation latérale ; il s’y faufile mais elle s’écroule sur lui. Pris au piège, une jambe brisée, il réussit à sortir et à remonter cm par cm, agrippé à sa corde à nœuds.
A peine rétabli, il se remet à la tâche. C’est à 15 m de la margelle du puits qu’il creuse avec un ami d’enfance. En juin, il est à moins 16 m. Il vient de trouver une petite salle souterraine d’environ 4 m sur 4 ; elle est vide et ne mène nulle part. Son ami l’abandonne. Il entreprend alors de creuser une sape horizontale qui part de son nouveau trou et se dirige vers le puits où il a failli trouver la mort. C’est un effrayant boyau de 50 cm qu’il ne peut creuser qu’à plat, en raclant seau à seau la terre qu’il doit ensuite évacuer à reculons et hisser 16 m plus haut. Il doit éparpiller discrètement cette terre en surface autour du donjon (50 tonnes). La sape horizontale atteint 9 m de long.
Nous sommes maintenant en mars 1946 mais la sape ne mène à rien. Il décide donc de creuser verticalement pour descendre plus bas. Il travaille maintenant torse nu et par manque d’oxygène, il doit fréquemment remonter pour respirer. Le boyau trop étroit ne peut être creusé qu’à main nue en s’aidant d’une barre à mine. Il atteint la cote de moins 21 m et là un beau soir : « Ma barre à mine heurte de la pierre taillée, j’arrive à desceller plusieurs grosses pierres et par le trou, je passe ma main, ma tête et en éclairant ce que j’ai vu, je ne l’oublierai jamais. Je suis dans une chapelle romane en pierre de Louveciennes, longue de 30 m, large de 9 m et haute d’environ 4,5 m à la clef de voûte. Tout de suite à ma gauche, par le trou par lequel je suis passé, il y a l’autel en pierre lui aussi, ainsi que son tabernacle. A ma droite, tout le reste du bâtiment ; sur les murs à mi- hauteur, soutenues par des corbeaux de pierre, les statues du Christ et des douze apôtres, grandeur nature. Le long des murs, posés sur le sol, des sarcophages de pierre de 2 m de long et de 60 cm de large, il y en a dix-neuf. Dans la nef, trente coffres de métal précieux rangés par colonnes de dix ; ce sont plutôt d’armoires couchées qu’il faudrait parler, chacune mesure 2,5 m de long 1,8 m de haut, 1,6 m de large ».
(La suite de l’énigme… le mois prochain).
D Weugue