Rendez aux Gaulois ce qui appartient aux Gaulois
On dit souvent que l’histoire contemporaine a été écrite au XIXe siècle pour sublimer le roman national, écrite par des hommes, jamais par des femmes. Que celle-ci a été modifiée par l’Eglise sans preuves archéologiques à des fins d’endoctrinement tels les écrits de Grégoire de Tours (1) et que l’histoire aujourd’hui est déformée pour le goût du sensationnel. Mais n’en déplaise à certains de nos historiens qui sont encore et toujours les sublimateurs(2) de l’époque gréco-romaine, le Gaulois apparaît moderne à la lumière des livres anciens chrétiens, des publications féministes et des découvertes récentes.
Prenons cela, sous le prisme de l’habillement
Le Gaulois porte un pantalon long ou court (les braies), des chaussures (des broques en cuir ou tissu), une chemise de lin et en hiver s’ajoute un manteau (une cape avec capuche). La Gauloise porte une jupe longue, un bustier et une saie (manteau carré ou rectangulaire, assez vaste pour protéger des intempéries) de couleur vive. Elle porte des chaussettes et des bottines aux pieds. Une ceinture en tissu très longue orne sa taille. Elle prend soin de ses cheveux en les lavant souvent et en les blanchissant avec du lait de chaux et se fait des coiffures sophistiquées. Les Gaulois ont inventé le savon. Pour le fabriquer, ils chauffaient le saindoux qu’ils mélangeaient à la cendre. Les vêtements sont en laine et très peu de fourrure a été retrouvée dans les tombes.
Les Romains et Romaines portent des tuniques en laine ou lin plutôt fines et bien tissées, de couleur blanchâtre. Le jaune obtenu à partir du safran était cher et réservé aux mariés et vestales (3). Le pourpre est réservé à l’empereur. Les toges sont unisexes et sans distinction de rang mais à partir du Ve siècle, elles sont mal vues si portées par une femme car associées à la prostitution. Ils portent des sandales ou des bottes en cuir. Les chaussures sont un marqueur social et les semelles peuvent être quelquefois en or ou en argent. Les femmes pour se maquiller (ce fut d’abord réservé aux prostituées), se blanchissaient le visage avec de la craie ou de l’arsenic et du plomb en guise de fard.
Sous le prisme du repas
Les Gaulois mangent à table, ils font des banquets et des repas de famille ; ils mangent du pain, beaucoup de légumes mijotés avec de la viande surtout issue de l’élevage (bœufs, porcs et volailles) et des salaisons. Les textes grecs indiquent que les Gaulois ne consommaient pas seulement le vin de la méditerranée, ils buvaient surtout de la bière et de l’hydromel. Poseidonios (4) mentionne une bière à base de blé et de miel nommée Corma et Pline (5) la cervoise à base d’orge, peu alcoolisée.
Le peuple romain lui, se nourrit essentiellement de céréales, utiles à la fabrication de bouillie agrémentée d’herbes aromatiques, d’huile d’olive, de fromage de chèvre et de légumes. Il boit du vin fort en alcool propice à s’enivrer. Le grignotage est de rigueur pour toutes les classes sociales. On mange allongé dans le triclinium (une salle à manger où trois divans sont installés). Cette position et ces tenues légères sont propices à l’adultère, à l’impudicité… L’alcool délie les langues et brise les cœurs.
Sous l’angle religieux
Les druides ne mettaient pas leur doctrine par écrit de peur qu’on ne la profanât. Outre les très nombreuses divinités locales qui pourraient aujourd’hui s’apparenter aux saints, ils plaçaient au-dessus de toute cette ribambelle de figures différemment honorées, un esprit souverain qui était appelé Thor ou Hésus (6). Ils croyaient à l’immortalité de l’âme et à la métempsychose (7). Ils étaient persuadés de l’existence d’une autre vie après la mort, notamment la notion de paradis atteint, si ici-bas, leur comportement était exemplaire. Cette religion se dissimulera un temps sous les traits des dieux romains puis rapidement embrassera la doctrine christique plus compatible avec la philosophie druidique. Les Gaulois étaient en admiration devant la nature et cela jusqu’à la vénération des arbres et notamment du chêne enrichi de sa plante parasite le gui qui, coupé avec la serpe d’or, détermine le début de l’année (4 ou 5 janvier) : « Au gui l’an neuf » disaient-ils.
Les Gaulois et les Romains ont une approche très différente du polythéisme. Le Romain est notamment adorateur de statues gigantesques et construit à sa gloire des temples monumentaux. Les Gaulois, qui ne semblaient ni radicalisés ni déçus par leurs élites sacerdotales (druides et eubages (8)), ont pu intégrer sans violence les évolutions religieuses proposées par les chrétiens.
Sous l’angle de la politique
Le gouvernement gaulois était fédératif ; les petits états indépendants se réunissaient une fois par an pour élire un magistrat suprême pour la police intérieure et un général pour les conduire à la guerre. Les états portaient le nom de république régis ou par le peuple ou par un certain nombre de citoyens ; d’autres avaient des princes ou des rois. Deux personnes de la même famille ne pouvaient siéger dans les grandes réunions ensemble, les femmes y étaient admises et donnaient leurs avis.
Les druides formés après vingt ans d’apprentissage pluridisciplinaire étaient investis du pouvoir judiciaire ; ils jugeaient les procès entre particuliers et les contestations entre les cités. Ils tenaient une assemblée annuelle à Chartres. Les druides n’étaient pas étrangers aux affaires d’état ; ils assistaient aux conseils de guerre et vivaient en bonne intelligence aussi avec les puissants. Les druidesses élevaient les filles. Les filles choisissaient librement leurs maris et les fruits de la communauté restaient en totalité au conjoint survivant.
Tite-Live (9) rapporte qu’à l’époque de la première expédition des Gaulois en Italie (-599 avant J.C.), la ville de Marseille a été fondée par des habitants de Phocée (10), cela ayant pu se faire sans guerre. Les Gaulois arrivent au pied des Alpes. Ils rencontrent ces étrangers venus de si loin à la recherche d’une nouvelle patrie et se portent, par sympathie, à les aider dans leur établissement aux pays des Saliens (11).
La société romaine était esclavagiste, elle s’accaparait sans vergogne le fruit du travail des autres afin d’enrichir la caste des patriciens (12). Cette élite exploitait les peuples conquis, elle n’avait de république que le nom. Je rappellerais seulement l’apostrophe du célèbre prêtre marseillais, Salvien (13) : « Le seul vœu que forment tous les Romains, c’est de n’être jamais forcés de retomber sous la domination romaine ». Méfiez-vous de la louve romaine, telle une gerbe de feu incessamment refleurie, tel le phénix ou l’hydre (14) à neuf têtes, elle renait régulièrement de ses cendres.
Daniel Weugue
Bibliographie : Les Gaulois de Régine Pernoud, livre de 1960 (historienne paléographe)
Histoire de France de Louis Pierre Anquetil (chanoine membre de la classe d’histoire et de littérature ancienne de l’Institut de la Légion d’Honneur) livre de 1750.
(1) Grégoire de Tours : évêque de Tours historien du haut Moyen-Age né en 538 et mort en 594.
(2) Sublimateur : faire passer de l’état solide à l’état gazeux donc d’une réalité tangible à un sentiment d’évanescence qui induit un déni de réalité.
(3) Vestale : prêtresse astreinte à la chasteté.
(4) Poseidonios : philosophe grec représentant de l’esprit hellénistique (né en -135 et mort en -51 av. J.C.).
(5) Pline l’ancien : auteur romain, historien né en 23, mort en 79.
(6) Hésus ou Esus est le dieu gaulois qui incarne le temps éternel dans lequel la renaissance de la spiritualité permet l’immortalité. Le pilier des Nautes représentant Aesus fut retrouvé sous la cathédrale Notre-Dame.
(7) Métempsychose : doctrine selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps (humains ou animaux).
(8) Eubages : devins, classe intermédiaire entre les druides et les bardes (poètes).
(9) Tite-Live : historien de la Rome antique né en 59 av J.C.
(10) Phocée : une ancienne citée grecque.
(11) Saliens : peuple de souche celto-ligure qui occupait l’arrière-pays d’Antibes et la majeure partie de la basse Provence.
(12) Patricien : personne qui appartenait de par sa naissance à la classe supérieure des citoyens romains.
(13) Salvien : auteur latin chrétien du Ve siècle mort à Marseille vers 470.
(14) Hydre : animal fabuleux en forme de serpent d’eau mais qui se renouvelle constamment.