De saint Pierre à saint Michel, l’église de Juziers raconte sa longue et tumultueuse histoire

A l’heure où s’achève la dernière tranche de la restauration extérieure de l’église de Juziers, donnons-lui la parole pour évoquer dix siècles de sa vie.

« Je suis une très vieille dame, c’est en effet par suite d’une donation en 978, de la princesse Letgarde de Vermandois de ses terres de Juziers à la florissante abbaye bénédictine de Chartres, que s’inscrit toute mon histoire avec ses heures de gloire et ses heures sombres ! Pouvait-elle se douter, ma bienfaitrice, de la destinée qui attendait ce petit coin de France déjà voué au culte chrétien, grâce à une modeste église de pèlerinage, sous le vocable de saint Pierre, qui attirait moult pèlerins. Après avoir construit un prieuré pour les moines envoyés de Chartres afin de gérer les terres et d’assurer la prière selon la charte de donation de Letgarde, voici venu le temps d’édifier une église, digne de l’abbaye mère, tant pour les moines que pour les habitants.

En effet ma vocation est double : prieurale mais aussi paroissiale. C’est au milieu du XIème siècle que je vis le jour ; de cette période « romane » subsistent la nef, les bas-côtés et le transept, tous à l’origine couverts en bois. Pour agrandir l’espace et me mettre au goût du jour, au milieu du XIIème siècle, on va m’enrichir d’un superbe chœur gothique à quatre niveaux qui fait l’admiration de tous mes visiteurs ; on en profite pour remplacer le plafond en bois du transept par des croisées d’ogive et élever une tour lanterne à la croisée du transept, certes du plus bel effet mais fragile. Les problèmes d’entretien sont récurrents, c’est à qui de l’abbé de Chartres, mon propriétaire, ou de l’évêque de Rouen, pour la paroisse, prendra en charge les réparations indispensables !

Je n’oublierai jamais cette nuit du 10 septembre 1753 où elle s’est « esbaudie » entraînant dans sa chute trois travées de la nef et une bonne partie du transept sud. On fit diligence pour réparer cette énorme blessure ; on éleva un lourd clocher sur mon flanc sud, modifiant l’équilibre de mon plan mais garant de solidité. Et puis ce fut la Révolution qui me mit à mal, entraînant saccages et vols d’objets liturgiques. Grâce au Concordat, je suis enfin rendue au culte en 1802, mais dans quel état ! Ma chance est l’arrivée à Juziers de Jules Baroche, ministre de Napoléon III ; il me voue un véritable culte et obtiendra de l’empereur des subsides conséquents. Dès 1850, je suis classée monument historique et les travaux commencent ; ils vont s’étager de 1852 à 1856 sous la houlette de Garrez puis de Godeboeuf et comportent principalement les toitures, les gouttières et descentes d’eau pluviales, la création d’un fossé d’assainissement le long du mur nord. La charpente est elle aussi restaurée et on met en place des tirants métalliques pour pallier la poussée de mes voutes. Ces restaurations sont spectaculaires mais que dire de la façade ouest entièrement reconstruite ; une grande baie remplace même le triplet initial.

A partir de 1855, c’est le tour de l’intérieur de recevoir des soins attentifs avec la reprise de maçonneries en pierre blanche, des voûtes en plâtre et même de la charpente à la croisée du transept ; on reprend mon sol en carreaux de terre cuite de Picardie et je vois mettre en place des éléments de boiseries (lambris), banquettes et bancs d’œuvre. Ce seront enfin les nouveaux vitraux, œuvre de Mena et Luçon. Pour mener à bien de telles restaurations, si l’Etat prit une large part, je n’oublie pas les généreux donateurs et le travail manuel d’un grand nombre de Juziérois sollicité pour des tâches précises comme le déblaiement de la tour centrale en 1753. J’aurais encore tant de choses à raconter principalement la dernière tranche de restauration extérieure qui vient de s’achever (je la réserve à un autre numéro). Et maintenant je vous invite à m’admirer surtout de nuit car je suis encore plus belle sous mon nouvel éclairage ».

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