PATRICIA ALBONETTI, présidente de l Association Meulanaise d’Alphabétisation (AMA)

Pour ce numéro des « Echos » qui a pour thème le bénévolat, quelle association plus engagée que l’AMA, pouvions-nous vous présenter ? Quand on sait l’importance qu’ont l’écriture et la lecture dans l’autonomie des personnes et le développement de l’être humain, nous sommes très heureux de donner aujourd’hui la parole à ceux et celles qui donnent (beaucoup) de leur temps pour faire un monde un peu meilleur…

 

Bonjour Madame Albonetti, avant tout, merci de recevoir « Les Echos ». Nos lecteurs ne connaissent peut-être pas très bien votre association, pouvez-vous la leur présenter, s’il vous plaît ?

Depuis plus de quinze ans, la mairie met généreusement à notre disposition les locaux nécessaires à la dispense de nos cours d’alphabétisation ; en 2014, nous avons officialisé notre travail par la création de l’association AMA, ce qui a permis de nous faire connaître et d’obtenir une subvention pour pallier nos frais de fonctionnement.

A quelles personnes ces séances d’alphabétisation sont-elles destinées ?

Les personnes de toutes nationalités désirant s’insérer socialement et qui ne parlent pas ou mal notre langue sont concernées, en donnant la priorité aux Meulanais. Nous avons des élèves, c’est ainsi que nous les appelons, qui viennent d’Europe ou d’autres continents, qu’ils soient tibétains, érythréens ou syriens, ils ont tous un même objectif : apprendre à parler, lire et écrire le français et c’est ce à quoi nous nous attachons. Pour beaucoup, la nécessité de cette formation est motivée par la possibilité d’accéder au monde du travail ; pour d’autres, c’est le besoin de pouvoir suivre la scolarité de leurs enfants et surtout de communiquer pour sortir de l’isolement qu’est la barrière de la langue.

Pour votre part, aviez-vous des dispositions particulières pour ce genre d’enseignement, peut-être êtes-vous enseignante vous-même ?

Pas du tout, je suis retraitée et lorsque j’étais en activité je dirigeais un groupe d’une vingtaine de personnes au sein d’une grande compagnie d’assurances, AXA, pour ne pas la nommer. Lorsque j’ai cessé de travailler, j’ai eu envie de donner un sens à ce temps libre qui s’offrait tout à coup à moi. Cette activité dans l’alphabétisation m’est apparue comme une évidence, j’y trouve beaucoup de satisfaction à me rendre utile en aidant ceux qui en ont besoin. Pour en revenir à votre suggestion concernant les anciennes institutrices, il y en a deux dans notre association, mais ce n’est pas un passage obligé ; les résultats que nous obtenons prouvent que l’on peut être efficace sans être passé par l’enseignement.

Quels moyens utilisez-vous pour cet apprentissage, est-ce que vous disposez de manuels, de kits ? Existe-t-il un programme d’enseignement ?

Nous établissons un programme d’enseignement adapté au niveau de chacun. Pour ce faire, nous récupérions des livres auprès des écoles et trouvions des documents sur Internet pour nous aider. L’octroi d’une subvention nous permet désormais d’acheter des livres de lecture, d’exercices pour nos adhérents et des manuels de formation permettant de dispenser des cours de qualité.

Nous travaillons également sur des actions concrètes liées aux actes de la vie courante : savoir se présenter, effectuer une démarche administrative, remplir un document, répondre à un courrier reçu, comprendre une facture, formuler une question, etc. A partir de ces exemples, nous animons des mises en situation dans lesquelles les élèves doivent dialoguer entre eux, en français, afin de développer leur vocabulaire et les faire progresser. Pour ces exercices, nous disposons de documents trouvés la plupart du temps sur Internet, que nous dupliquons, ils nous servent de bases pour le travail dans les ateliers. Nous avons aussi des échanges avec les associations comparables à la nôtre dans les villes du secteur, surtout Les Mureaux et Verneuil pour notre part.

En ce qui concerne le fait d’avoir un programme, nous en avons bien sûr un, mais il peut être modifié en fonction de l’avancement des élèves dans les ateliers, il faut savoir être souple et s’adapter !

Comment sont constitués ces ateliers ?

Nous formons des groupes homogènes de six personnes en fonction du niveau de chacun. Nous considérons qu’il y a quatre niveaux d’apprentissage :

le premier pour les personnes nouvellement arrivées en France (ou qui sont là depuis un certain temps mais n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre notre langue), elles ne parlent pas du tout ou très peu le français et ont presque tout à apprendre.

le second concerne des personnes qui parlent et comprennent un peu le français mais qui rencontrent de grandes difficultés pour s’exprimer et écrire.

les deux derniers groupes sont constitués de personnes qui ont acquis les bases et avec qui nous développerons certaines matières comme la conjugaison, la grammaire et le vocabulaire.

En général, les élèves restent un an dans chacun des groupes, mais si certains d’eux progressent plus vite, il est toujours possible de les passer dans le groupe de niveau supérieur en cours d’année.

Certains d’entre eux, leur formation terminée, passent l’examen qui va leur permettre d’obtenir la nationalité française ; en effet l’obtention de la naturalisation exige du demandeur une bonne connaissance de notre langue et des droits et devoirs que la nationalité française donne. Ils sont très fiers, et évidemment nous avec eux, lorsqu’ils satisfont à ce type d’entretien.

Votre action bénévole doit être très exigeante et prenante, à quel rythme réunissez-vous les groupes ?

Les cours ont lieu deux fois par semaine, le mardi et le jeudi entre 13 h 45 et 15 h 45, les horaires ont été calculés en fonction de la présence des enfants à l’école.

Il n’y a pas de séances d’alphabétisation pendant les vacances scolaires, mais, afin de ne pas perdre les acquis obtenus, des exercices sont donnés et nous les corrigeons ensemble à leur retour.

Nous utilisons les salles situées à la Maison des Associations dans le quartier de Meulan Paradis, elles sont fonctionnelles et surtout bien situées, car à proximité des écoles.

Combien de personnes sont impliquées dans votre association ?

Nous sommes actuellement sept bénévoles, qui viennent une ou deux fois par semaine donner les cours, c’est un nombre raisonnable qui permet d’encadrer dans de bonnes conditions les trente-deux adhérents que nous suivons. Il faut dire que, comme pour les enseignants, nous avons un gros travail de préparation, et nous l’avons déjà précisé, il est difficile d’anticiper sur le long terme ; nous essayons de nous adapter en fonction du rythme d’assimilation et des besoins de nos élèves, il nous faut donc nous remettre en question régulièrement et préparer les leçons au coup par coup.

Vous devez trouver beaucoup de satisfaction à aider ainsi des personnes à mieux s’intégrer ?

Effectivement, c’est à la fois passionnant et enrichissant, j’ai vraiment le sentiment d’être utile et de rendre service, d’autant plus que les élèves ne font pas qu’étudier le français durant nos séances, ils apprennent à mieux se connaître et souvent des liens d’amitiés se créent entre eux, quel bonheur aussi pour nous lorsqu’ils arrivent à prendre de l’assurance à lire et à s’exprimer dans notre langue !

Merci beaucoup Madame Albonetti pour ce chaleureux témoignage, votre association participe vraiment au bien-vivre ensemble indispensable dans notre cité, un grand bravo à toute votre équipe !

 

(Propos recueillis par Jannick Denouël)

 

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