Valérie Le Roux, enseignante coordinatrice du dispositif ULIS à l’école Mercier-Saint Paul

Madame Le Roux, tout d’abord merci de nous recevoir sur le temps des vacances scolaires. Avant de commencer cet entretien, nous avons une pensée pour Jean-Emmanuel Maigret qui se bat contre la maladie et nous lui souhaitons un bon rétablissement.

Toute la communauté éducative se joint à moi pour souhaiter à Jean-Emmanuel qu’il retrouve la santé et nos prières l’accompagnent.

Nous sommes venus à votre rencontre pour que vous nous parliez d’ULIS, c’est-à-dire l’Unité Localisée d’Inclusion Scolaire que vous avez mise en place avec monsieur Maigret en septembre 2016. Nous évoquerons également les évolutions de l’école, en particulier les aménagements importants, effectués dans le cadre de l’accessibilité des handicapés, mais auparavant pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je partirais de mon enfance pour me présenter car elle a eu une influence sur mon parcours.

Je suis originaire de Bretagne, scolarisée à Rennes, où j’ai côtoyé la différence très tôt car mon père était électricien en hôpital psychiatrique et mes parents disposaient d’un logement de fonction au sein de l’hôpital. Jusqu’à l’âge de sept ans, avec mon frère, de 18 mois mon aîné, nous étions ponctuellement en contact avec des enfants différents. A l’école toute proche, beaucoup d’élèves étaient des enfants du personnel hospitalier. Déjà à cette époque, je vivais mal l’attitude des autres enfants à l’égard des enfants handicapés. En ce qui me concerne, j’allais naturellement vers eux avec beaucoup d’empathie. J’ai un parcours chaotique jusqu’en seconde

par manque de confiance en moi. Comme je réussis assez bien en maths, je m’oriente en 1ère G2 comptabilité et je poursuis à l’IUT de Rennes en gestion des entreprises et administration après une admission sur dossier. J’obtiens le DECF avec une dernière année en logistique. Je rentre dans la vie professionnelle en 1994 dans les services départementaux de La Poste. J’avais rencontré mon conjoint Hervé au lycée et comme il est affecté professionnellement au centre Citroën d’Aulnay-sous-Bois, fin 1994, je le rejoins en juillet 1995 en travaillant dans les services de la direction départementale de la poste de la Seine Saint-Denis à Bobigny. La naissance de mes enfants, Aziliz en 1998 et Galliz en 2001, va me faire changer d’orientation et, en 2002 et 2003, je me prépare au concours des professeurs des écoles que j’obtiens en 2005, ayant auparavant enseigné en petite section à Livry-Gargan (93) et Noisy-Le-Sec (93) en CM2.

Vous voilà dans l’enseignement mais qu’est ce qui vous oriente vers les établissements catholiques d’enseignement ?

VL : Durant la préparation de mon concours je fais la connaissance de Christian Picard, diacre et directeur de l’ISFEC Sainte Geneviève qui a eu une grande influence sur mon parcours spirituel. Mes enfants sont scolarisés à l’école Notre dame à Livry-Gargan et je rejoins l’équipe d’éveil à la foi. En 2006 je suis enseignante à Livry-Gargan en petite section et après la naissance en 2007 de Jaouen, je reprends, à la rentrée 2007, les CM2, jusqu’en juin 2013, car Hervé, suite à la fermeture d’Aulnay-sous-Bois, est de nouveau muté, cette fois à Poissy. Nous nous installons à Vaux-sur-Seine où je suis contactée par madame Bauduin, alors directrice de l’école,  pour un poste d’enseignante en CM2.

Vous enseignez désormais à l’école Mercier Saint Paul, comment et quand est mis en place le dispositif ULIS ?

Après avoir été enseignante des CM2 durant trois ans,  des échanges avec madame Lucile Gibon sur la prise en charge des enfants handicapés, j’ai des discussions avec Jean-Emmanuel Maigret dès 2014. Il en ressort l’idée de créer une ULIS. Je m’engage donc, en 2015, dans une formation spécialisée avec handicap (option D) pour obtenir le CAPPEI (Certificat d’aptitude pédagogique aux pratiques de l’éducation inclusive). Et c’est donc en septembre 2016 que nous ouvrons cette unité.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Auparavant il s’agissait d’une CLIS (Classe pour l’inclusion scolaire) ; des unités au sein des écoles dédiées aux élèves handicapés. Des « classes à part » qui ne satisfaisaient qu’en partie au principe d’inclusion. Depuis le 1er septembre 2015, elles ont été remplacées par des ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire). Ainsi, les élèves porteurs de handicap sont scolarisés dans des petites unités comprenant au maximum douze élèves, encadrés par des enseignants spécialisés, mais, pour certains enseignements, ils sont inclus en une classe « ordinaire » avec un accompagnement spécialisé en fonction de leurs besoins. L’unité localisée n’intervient donc qu’en soutien, permettant, le plus souvent, la scolarisation avec les autres élèves. Ainsi la priorité est donnée au « regroupement ». Cette mesure répond mieux aux préconisations de la loi handicap de 2005 qui précise « que le parcours de formation des élèves en situation de handicap doit se dérouler prioritairement en milieu scolaire ordinaire ».

A Mercier Saint Paul combien d’élèves accueillez-vous dans l’ULIS et comment cela se passe-t-il ?

Une ULIS a une capacité d’accueil de douze élèves et nous en accueillons actuellement 10, dont des enfants autistes. Notre objectif principal est de faire en sorte que l’enfant se sente bien. Concrètement, nous mettons en place des adaptations qui vont les aider dans les apprentissages à dessein du projet de la classe. Cela permet que l’enfant ne soit pas en décalage entre le temps ULIS et le temps de la classe. L’enseignant spécialisé intervient dans la classe sur un projet qui a été co-élaboré avec l’enseignant. Ce projet est également co-animé et co-évalué. Sur le temps ULIS nous travaillons avec l’enfant de la façon la plus adaptée à son handicap.

Etes-vous satisfaite de cette évolution entre la classe spécialisée (CLIS) et vers ULIS ?

Oui tout à fait, il est très important de maintenir l’enfant le plus possible dans sa classe, le dispositif ULIS n’étant là que pour l’accompagner et le faire progresser dans sa capacité d’intégration et d’apprentissage.  Bien sûr nous sommes confrontés à la diversité des handicaps mais c’est à nous d’adapter la méthode à chaque enfant.

Depuis début 2019, avec l’absence de Jean-Emmanuel Maigret, l’organisation a dû évoluer ?

Oui, effectivement Jean-Emmanuel Maigret est tombé malade fin 2018 et les tutelles m’ont demandé d’assurer son remplacement dès la rentrée de janvier 2019.

Ne pouvant plus assurer l’activité ULIS, une enseignante, Camille Dijoux, m’a remplacée pour en assurer l’encadrement depuis la rentrée 2019.

C’est une période particulièrement difficile, d’abord sur le plan personnel, car mon père décède en mars 2018 et en 2019 mes deux tantes et mon oncle. Sur le plan professionnel, toute la communauté éducative a été très affectée par l’absence et les problèmes de santé de Jean-Emmanuel Maigret. Etant honorée de la confiance que l’on me faisait et dans le souci d’assurer la continuité, j’ai accepté ma nouvelle mission.

On peut effectivement imaginer la difficulté de cette période. Avant d’évoquer votre nouvelle mission, pouvez-vous nous parler de l’adaptation des locaux à l’accès handicapés ?

Oui l’évolution des normes en matière d’accessibilité aux handicapés a nécessité un déménagement complet du collège dans de nouveaux locaux. Pour ce qui concerne l’école une étude avait identifié la possibilité d’adapter les locaux. C’est ce qui a été fait ces derniers mois avec l’installation d’un ascenseur dans le bâtiment principal, d’un autre au niveau des maternelles.  Par ailleurs cela a permis également d’agrandir le restaurant scolaire, d’effectuer des rénovations de toilettes, de certains sols et de peintures.

Ces travaux non seulement nous mettent aux nouvelles normes mais rendent l’usage des locaux plus agréable.

Pour finir, pouvez-vous nous parler de votre mission ?

Tout d’abord assurer la continuité de la mission engagée par Jean-Emanuel Maigret avec l’accueil de tous dans l’annonce de l’évangile. Cette année le projet d’Etablissement, au collège et à l’école est de développer l’enfant citoyen, sur les bases de l’éducation intégrale préconisée par le pape François : développer toute la personne et le citoyen de demain.

Cette année nous mettons en place des partenariats avec l’association ELA qui lutte contre la Leucodystrophie. Nous participons aux deux actions : la dicté d’Ela et mets tes baskets pour vaincre la maladie. Un autre partenariat se met en place avec l’Ehpad Chatelain Guillet à Meulan, pour proposer des relations intergénérationnelles.

Depuis votre arrivée à Mercier Saint Paul, votre mission a beaucoup évolué dans des domaines que vous n’aviez probablement pas prévus ; nous vous remercions de votre accueil et du temps consacré. Il nous semblait important, pour nos lecteurs de leur faire découvrir l’évolution de la prise en charge des enfants handicapés à l’école et, au travers de vos nouvelles responsabilités, la mise en place de l’éducation « intégrale » qui prépare l’enfant citoyen de demain.  Nous vous remercions pour votre engagement au service des enfants et vous laissons le soin de conclure.

En effet je n’aurais jamais imaginé ce parcours qui correspond à la fois à mon empathie avec les enfants différents et à mon souci de vivre des choses intenses en groupe, cela me rappelle que durant mon enfance je serais bien entrée à la « Marine ». Je ne suis pas sur un bateau mais j’ai le sentiment d’accomplir ma mission avec le souci d’emmener tout le monde vers le bien-être. Personnellement ce parcours m’a fait cheminer sur le plan de la foi et je rends grâce de pouvoir allier ma foi avec mon travail avec le soutien de Bruno Ropartz, de la direction diocésaine, des Sœurs de Saint Paul de Chartres, en particulier Sœur Thérèse Elisabeth et Sœur Marie-Sophie, et du père Eric Duverdier nouveau curé de Meulan-Triel, prêtre référent pour l’école.

                                          Propos recueillis par Yves Maretheu

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