La vie sans la mort n’est pas une vie

« La vie définie comme le contraire de la mort n’est pas une vie » Mahmoud Darwich.

Quatre mille ans avant Jésus Christ, en Egypte, on se pose la question de savoir comment bien vivre sur terre pour vivre heureux au delà de la mort ? Toutes les inscriptions sur les restes des temples et des colonnes, avec la fameuse « clé de la vie » que portent à leur main nombre de pharaons et de personnages, en témoignent. Cette clé ressemble à une croix surmontée d’un cercle.

Cette façon d’envisager la vie à partir de l’autre côté de la mort est source de joie et de paix. Ce n’est que dans la conscience permanente de la fugacité et de la fragilité que nous vivons la vie comme don unique et que nous comprenons où se trouve le vrai bonheur. Un homme, voyant la mort arriver, demande avec insistance l’euthanasie. Au bout de quatre rencontres, il laisse tomber ces mots: « il faut que la maladie me tombe dessus pour que je comprenne l’essentiel » !

Pourquoi sommes-nous si loin de cette sagesse ? Ce questionnement proprement spirituel semble si absent aujourd’hui ? Nous avons développé une conception tellement égoïste du bonheur. Beauté physique, santé, réussite bling bling voyante, consommation qui ignore la sobriété, épanouissement personnel à tout prix, sont les premiers critères d’une vie heureuse. Je repense à la seule réponse d’une femme mariée depuis dix ans, quatre enfants, qui annonce son divorce inattendu pour ses parents : « mon épanouissement personnel » ! Que répondre ? Quelles limites quand on peut acquérir une triple maîtrise bouleversante sur la procréation, sur l’hérédité, sur le système nerveux ?

La vie et la mort sont sacrées

Il faut réaffirmer le caractère sacré de la vie et de la mort. Au moment de célébrer le cinquantenaire de mai 68, un slogan emblématique de cette révolution a été proclamé comme nouvelle règle de notre société : « il est interdit d’interdire ». Et les intellectuels surenchérissaient en disant que tout est permis. Quelle folie d’annuler tout commandement au nom du seul principe de plaisir ! D’autant plus que trente ans plus tôt, le monde découvrait avec l’horreur des camps nazis que le piétinement de tout commandement conduisait à la disparition du sacré de la vie… et de la mort. Comment ne pas penser alors à Dostoïevski qui, effrayé par le nihilisme naissant, avertissait : « Si Dieu n’est pas, tout est permis ». Sans commandement, il n’y a plus de sacré. Et sans sacré, c’est le chaos de la loi du plus fort : les enfants dans le sein de leur mère, les enfants et les femmes victimes des guerres ou des changements climatiques, les personnes âgées, les migrants… etc. sont et seront les victimes d’un monde qui vit toutes sortes de dérégulations, climatiques, éthiques, financières. Ces victimes sont les nombreuses élues du Royaume de Dieu.

La vie pleine, c’est l’amour don

« J’entre dans la vie » (Sainte Thérèse de Lisieux). Elle avait dit: « l’amour c’est tout donner et se donner soi-même ». En ce temps de Pâques, nous regardons le visage du Christ. Il est le seul vrai visage de Dieu. Le regarder détruit tous nos imaginaires de toute puissance de Dieu ou de disparition de Dieu. Il témoigne que le seul commandement de l’amour, amour vécu comme don de soi et non comme recherche du seul épanouissement personnel, est la mesure pour savoir comment bien vivre sur terre pour vivre heureux après la mort. Il témoigne sur la croix de la liberté sans limite que Dieu nous laisse, pour le meilleur et pour le pire. Il témoigne du mystère du mal qui peut tuer l’âme. Les plus suppliciés et les plus humiliés des nuits de notre monde peuvent se reconnaître en lui et trouver un soutien. Sans péché, innocent, il témoigne que la mort vécue dans l’amour et par amour est porte de la vie. Il témoigne que la vie éternelle, c’est l’absolu de l’amour.