L’église Saint-Martin de Triel

L’église Saint-Martin de Triel est accrochée à un promontoire qui lui permet de dominer le paysage et d’offrir sa silhouette à la vue du promeneur, surpris par les décrochements de ses toitures. Triel est située à la limite du Vexin normand et du Vexin français, réuni au domaine royal en 1109 par Louis VI le Gros. Triel dépendait à la fois, en terme de juridiction religieuse du diocèse de Rouen sous l’autorité de l’évêque, du grand vicariat de Pontoise (le grand vicaire est plus proche de la paroisse, mais dépend hiérarchiquement de l’évêque et du doyenné de Meulan qui est le niveau d’une circonscription ecclésiastique correspondant à un regroupement de paroisses, à peu près identique à celui des cantons pour les communes).

De plus, depuis le XIème siècle, l’église était sous le « patronat » de l’abbaye bénédictine de Fécamp en Normandie ; ce qui nous laisse à penser qu’il existait sur son site un autre édifice religieux, disparu dans un incendie éventuel, comme cela arrivait fréquemment au Moyen-âge.

L’église

A l’origine, très simple : une nef, un transept, un chœur. Construite au XIIIème, elle se terminait par un chevet plat. Sa longueur était d’environ 30 m. On peut voir d’autres exemples de ce type en Île-de-France, à Arcueil et plus près de nous, à Jouy-le-Moutier.

Le bas-côté sud et la chapelle nord furent élevés au XVème. La chapelle Nord est partiellement utilisée par la sacristie. La haute abside qui prolonge l’ancien chœur est achevée au milieu du XVIème siècle en 1554, sous le règne d’Henri II (1547-1559), comme en témoignent les croissants de lune entrecroisés dans la voûte du chœur, qui représentent le chiffre de ce Roi.

A l’extérieur, l’église est massive ; du côté nord, elle présente des petites fenêtres et les murs sont soutenus par des contreforts érigés au XVème siècle. Au-dessus, se dégage une tourelle de pierre, vestige du XIVème siècle, couverte d’un toit de pierre et contenant l’escalier d’accès à la charpente. Le côté ouest date du XIIIème siècle et possède une grande verrière éclairant la nef et la porte d’entrée d’origine très sobre. Le porche renaissance a été créé fin XVème début XVIème siècle.

Ce porche élégant s’ouvre sur une double porte sous un cul de lampe. Il est garni de niches dont les statues ont disparu, de médaillons à tête malheureusement très effacés ; la porte est incrustée de décors de volutes et de visages, du blason des seigneurs Gallet qui résidaient au château voisin lors de la construction de l’édifice ; ce détail permet de dater ce portail aux alentours de 1530. Au – dessus, un tympan décoré d’un vase portant une fleur de lys, des rayons ondulants se réunissent dedans.

Le triforium

Se situe au-dessus des arcades. La galerie est ornée d’arcs tréflés. Les fenêtres hautes datent du XIIIème siècle. Celles de la troisième travée sont en forme d’oculus polylobés. Les voûtes d’ogives datent de la première construction.

Le transept

La croisée du transept forme un rectangle irrégulier (rarissime ?). La voûte est contemporaine de la nef. Les quatre grosses piles qui la soutiennent sont sculptées de huit gorges flanquées de deux baguettes qui se réunissent en pointe au bas de la colonne. C’est également un dessin exceptionnel, très rare, sobre et élégant.

Le bas des marches correspond à l’ancien chœur du XIIIème siècle à l’extrémité duquel on trouve la reprise du XVIème bien visible avec le gros pilier renaissance qui porte encore les fines colonnettes du XIIIème siècle.

Le chœur

De style Renaissance, il s’inscrit dans ce mouvement important lié aux conquêtes italiennes de François 1er. Certains textes imputent d’ailleurs à l’influence de ce roi la décision d’agrandir l’église de Triel… C’est en 1528 que François 1er annonce sa décision de faire de Paris sa capitale.

Quand on entre dans l’église par le porche ouest faisant face à l’autel, on est frappé par le désaxement du chœur par rapport à la nef. Cela s’explique par le fait que notre église du XIIIème siècle était en fort mauvais état et menaçait ruine. Elle a échappé de destruction à plusieurs reprises. Au XVIème siècle, avec l’accroissement de la population, on a voulu l’agrandir. Les travaux se sont visiblement limités au chœur, vraisemblablement faute d’argent. Cette abside agrandie enjambe le chemin du Roi, la rue Galande, seule route permettant alors de passer sur les hauteurs de l’Hautil, vers l’Oise. Elle repose sur une crypte dont le plan donne celui du chevet ; elle était indispensable à la construction. Le chœur est donc deux fois plus large que la nef et ne respecte pas l’axe de celle-ci.

Sur le côté sud, les baies de style gothique flamboyant voisinent avec les contreforts munis d’arc-boutant. Des pinacles s’élèvent de ces contreforts. Des gargouilles rejettent l’eau de la toiture, à côté des pinacles ; elles ne sont pas toutes des chimères ; on observe la présence d’un chien et d’une grenouille. Une balustrade ajourée ceinture le dessus de cet étage et apporte de la légèreté à l’ensemble.

La tour de l’horloge offre une baie de style gothique flamboyant, une frise de pampre de vigne, activité dominante à l’époque de la construction de l’édifice.

La nef

C’est la partie la plus ancienne (1240, d’après Lefèvre-Pontalis). C’est le début du règne de saint Louis, (1226-1270) ; cette nef se compose de quatre travées. La voûte d’ogives repose sur six piliers dont la base présente un bourrelet appelé tore simple et les chapiteaux sont surmontés de tailloirs octogonaux. Cette nef avec ses arcades en tiers-point sur des colonnes ornées de chapiteaux dits « à crochet » est très caractéristique de l’architecture gothique de l’Île-de-France. On en retrouve d’ailleurs à Jouy-le-Moutier, Andrésy, Mareil- Marly.

Triel se rattache au style de Notre-Dame de Paris dont l’architecture se propage entre les règnes de Philippe-Auguste (1180-1223) et de saint Louis. Elle est flanquée de deux bas-côtés au XIVème siècle, agrandie au XVème d’un autre bas-côté au sud, le côté parallèle à la Seine.

La nef s’ouvre sur un chœur d’une belle architecture Renaissance avec sa voûte en berceau et ses décorations empruntées à la Rome antique, ainsi que ses colonnes à griffes, rares à cette époque. Ce chœur est éclairé par cinq fenêtres dont une seule a conservé un vitrail du XVIème siècle qui représente la crucifixion. Ce vitrail n’est d’ailleurs pas à sa place d’origine. Seule la statue du Christ enseignant fut conservée par les révolutionnaires pour représenter l’Etre Suprême.

Nous vous parlerons de ses vitraux dans un prochain article.

 

Danièle Houllemare,

présidente de l’association « Triel, Mémoire & Histoire. » (1)

 

(1)Un ouvrage entièrement consacré à l’église Saint Martin est disponible dans les librairies de Triel.

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