Petite histoire de l’immigration en France

A l’heure où l’Europe est confrontée à une forte migration qui nécessite une prise en charge plus importante des pays qui accueillent les migrants et suscite la tentation de fermer les frontières, un petit retour historique, et non moralisateur, peut nous aider à mieux appréhender ce phénomène, vieux comme le monde, qu’est l’immigration. Le mot s’applique au franchissement d’une frontière et à l’établissement dans un pays d’étrangers qui viennent y vivre et y travailler pour des raisons d’ordre économique, politiques, religieuses, conflictuelles …

On constate qu’un grand fossé s’est creusé entre les sociétés riches et les pays pauvres, aggravé par la sécheresse, les famines, les maladies et le chômage. Pour sortir de ces « enfers », émigrer, même au péril de leur vie, semble « Inch’Allah », pour beaucoup, la seule solution ; pourtant les informations nous délivrent chaque jour le triste bilan de ces tentatives d’émigration avortées. La mer est trop souvent le seul linceul de nombreux candidats à l’immigration partis de chez eux avec l’espoir d’un monde meilleur. Et quand est franchie la frontière maritime, reste celles des pays, espérés comme un « eldorado », qui se révèlent parfois peu accueillants par crainte de perdre leur propre identité, parfois même leur sécurité et d’avoir à partager leurs ressources.

Aux raisons économiques se greffent celles d’ordre politique et religieux. Il est donc important de comprendre les motifs qui ont engendré ces déracinements massifs, au cours des cent cinquante dernières années.

Des raisons économiques : à partir de 1850, la révolution industrielle entraîne l’exil des populations des campagnes vers les villes ; ainsi, nombreux sont les Bretons et les Auvergnats venus dans la capitale. Mais lorsque le besoin de main-d’œuvre dépasse les possibilités de l’hexagone, ce sont essentiellement les pays voisins qui y pallient : Belgique et Italie. De 1850 à 1900, le nombre d’étrangers a triplé, passant de trente huit-mille à un peu plus d’un million. Après la Grande Guerre, le phénomène touche toute l’Europe, principalement les pays de l’est ; ainsi les Polonais arrivent en France en 1919 dans un pays sinistré qui recrute de la main-d’œuvre chez ses alliés et signe même avec eux une « convention d’immigration ».

Des raisons politiques et religieuses : suite à la montée de l’antisémitisme et des pogroms en Russie à la fin du XIXème siècle, il y eut une première vague d’émigrés Juifs qui s’amplifia en 1938 puis en 1942 avec « la solution finale » et la volonté de leur extermination. La seule solution pour échapper aux camps de concentration était donc l’immigration !

En Russie, la fin du régime des Tsars en 1917 engendra la Révolution et le bolchevisme sur fond de famine, provoquant une immigration massive de ceux qu’on appelait les « Russes blancs » fidèles au tsar ; le retour dans leur patrie ne put se faire qu’après l’effondrement de l’URSS en 1991. Quant aux Arméniens, soupçonnés d’être alliés aux Russes, ils sont déportés dans des camps et assassinés (1,5 million) : c’est le « génocide » de 1915 reconnu officiellement par la France en 2001, mais toujours nié par la Turquie ; là encore, on émigrait pour échapper à la mort. La partie soviétique de l’Arménie est indépendante depuis 1991.

La guerre civile qui déchira l’Espagne de juillet 1936 à avril 1939 opposait les rouges républicains aux nationalistes de Franco, soutenus par l’Allemagne de Hitler et l’Italie de Mussolini. Près de cinq cents mille réfugiés franchissent alors les Pyrénées fuyant la guerre civile. Pour de semblables motifs, un million et demi de Portugais quittent leur pays entre 1959 et 1970, fuyant le régime de Salazar : dictature, misère et guerre civile.

La décolonisation ne se passe pas sans trop de mal en Afrique noire, Maroc et Tunisie ; il n’en va pas de même à Madagascar (1947), Indochine (1954) et Algérie jusqu’en 1962, mais malgré ces terribles ruptures, de nombreux travailleurs s’installent en France parce qu’elle a besoin de main–d’œuvre, qu’ils parlent français et que leur pays ne leur propose pas d’emploi.

La décolonisation, commencée en Indochine dès 1946 amenant son lot de rapatriés, se termine officiellement en Algérie en 1962, mais sera relayée par l’immigration africaine.

Outre les militaires et les civils venus en France au moment des deux guerres mondiales, mobilisés de gré ou de force, la majeure partie des Africains sont arrivés à partir de 1970. Ils viennent principalement du Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun ou des deux Congo.

En 1974, la loi interdisant l’immigration par le travail ne reconnaissant que le regroupement familial, il ne reste qu’une possibilité : l’immigration clandestine pour ceux qui veulent échapper à la famine et aux guerres tribales. Or la France, leur ancienne mère patrie, les attire !

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet qui nous touche au quotidien et nous force à réfléchir : l’équilibre n’est pas un état statique, mais une recherche continuelle.

Source principale : « Enfants d’ici, parents d’ailleurs » (Gallimard Jeunesse)