Semaines sociales de France : Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde

Les 2, 3 et 4 octobre dernier, la 90e session des Semaines sociales a réuni 2500 personnes à l’Unesco. Le thème, cette année, était axé sur la réflexion entre religieux et espérance ou comment les religions peuvent être un atout face à la mondialisation.

Lors de ces journées, nous avons réfléchi à ces sujets en écoutant débattre des économistes, religieux, philosophes, sociologues, politiques et en nous émerveillant devant les initiatives qui existent déjà, de belles découvertes pour beaucoup. En fond de ces journées d’échange, il y a avait la préparation de la Conférence de Paris sur le climat qui se tiendra début décembre (COP21) et l’encyclique « Laudate Si’ » du pape François sur la sauvegarde de la maison commune.

Il est impossible de retranscrire la richesse des présentations mais nous nous proposons au fil des mois de vous faire partager les réflexions d’une ou plusieurs conférences et de mettre en lumière un témoignage ou une initiative concrète.

Nous commençons ce mois-ci par la dualité solidarité internationale / interdépendance.

Pascal Lamy, Jean-Michel Severino et Patrick Viveret ont fait les constats suivants :

  • Il n’y a pas de gouvernance internationale : « la gouvernance nationale est solide, la gouvernance européenne est liquide et la gouvernance internationale est gazeuse »
  • la conscience internationale du bien commun est très faible : on connaît certaines réalités d’interdépendance entre pays (émigration, cyber attaques…)
  • Les 2 biens communs majeurs que nous devons gérer sont l’océan et l’atmosphère
  • Il existe une globalisation financière en crise, une économie mondiale du mal-être,
  • Les paradis fiscaux se montent à au moins 20 milliards de dollars ; leurs enjeux sont colossaux
  • Les avancées de certains pays dans la solidarité internationale sont souvent une réponse politique ; par exemple : la Chine, face au problème de pollution, ne bouge pas par solidarité internationale mais pour répondre à des problèmes politiques chinois
  • Il existe de très grands acteurs autres que les états comme la fondation Bill Gates qui est désormais plus puissant que l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé)
  • La solidarité internationale a un coût : si nous demandons à la Pologne de sortir du charbon sur lequel est fondé son modèle économique, nous devons être prêts à l’aider financièrement.

Face à ces constats, la solidarité paraît relever de la sensibilité, de l’imaginaire.

Il y a pourtant une seule terre, notre petite planète bleue vue de l’espace, et un seul peuple sur la terre. Nous n’avons pas de plan B. L’humanité est liée pour le pire mais aussi pour le meilleur. On ne peut pas non plus continuer avec des formes politiques qui sont dans la captation du capitalisme financier.

Des avancées existent . En septembre 2015, les pays des Nations Unies ont adopté un nouveau programme de développement durable, articulé autour de 17 objectifs. Ceux-ci ont un rôle important entre les utopies et le réalisme des négociations. Chaque pays a accepté de rendre compte à d’autres que ses électeurs – i.e. les autres pays des Nations Unies – de l’avancée de ses objectifs.

Les pressions des mouvements, de la société civile, les évolutions technologiques sont aussi des éléments qui poussent à trouver des terrains d’entente pour avancer au niveau mondial.

En marge des négociations officielles, on peut par exemple souligner les débats dans la société civile sur la question climatique.

Pour Patrick Viveret, il faut réveiller l’enthousiasme en nous et pratiquer un acte de résistance politique en choisissant d’être heureux. Nous ne devons pas nous replier sur une Europe forteresse, une Europe de la peur, mais nous ouvrir au monde pour gérer solidairement notre maison commune.

Nous y sommes très mal préparés. Pour Bernard Perret, il faut revenir à l’espérance qui habite le cœur de tout être humain, qui est le socle de la solidarité et qui ouvre le regard vers l’avenir commun des hommes. Les traditions religieuses si diverses peuvent aider l’humanité à retrouver le chemin de cette espérance.

Ce sera l’objet de notre prochain article.

Pour aiguiser le regard sur la solidarité, les participants ont eu la chance de voir sur scène Pie Tshibanda : psychologue, écrivain et conteur congolais. Suite à l’épuration ethnique des Zaïrois du Kasaï, il est contraint à l’exil et est désormais réfugié politique en Belgique où sa famille l’a rejoint après de 3 ans de démarches. Il ouvre dans son village une école des devoirs pour contribuer à l’éducation des enfants. Ses talents de conteur l’amènent à créer un premier spectacle : « Un fou noir au pays des Blancs », dans lequel il relate son histoire et pose avec humour un regard critique sur la façon stéréotypée dont ses compatriotes sont vus par les Belges. Devant le succès, il monte son deuxième spectacle: « Je ne suis pas sorcier ». Il y compare la modernité occidentale et les traditions africaines avec leurs problèmes respectifs. Le spectacle présenté aux semaines sociales était un mélange de ces deux spectacles.

Quelques phrases volées à son spectacle :

« Pour la première fois, je m’aperçois que je suis noir. Avant, je pensais que j’étais un homme, tout simplement. »

« En Europe, tu dis bonjour à quelqu’un, on te prend pour un fou. Pour dire bonjour, il faudrait déjà se connaître… »

« Réfugié, on finit par avoir le sentiment de perdre son identité ; on n’est plus reconnu comme une personne »

« Le jour où tu arrives dans un lieu que tu ne connais pas, regarde comme ils dansent avant de danser »

« Des européens gentils, ça existe aussi, j’en rencontre de temps en temps »

«Papa, tu as une preuve de l’existence de Dieu ? – Ca y est, mon fils devient vraiment Belge…»

« Dans notre pays, on se rend visite sans avoir prévenu et quand on arrive à l’improviste, on dit :  je voulais vous faire une surprise agréable »

« Quand on est accueilli, tout peut commencer »

Véronique Schweblin

Pour en savoir plus : Pie Tshibanda 

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