Sur les pas du père Jacques Hamel

Emotion, recueillement, ferveur et joie : plus de soixante-dix pèlerins du groupement paroissial de Meulan-Triel ont partagé de beaux moments fraternels, lors d’un pèlerinage à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), le samedi 13 mai, sur le lieu même du martyre du père Jacques Hamel, assassiné au cours d’une messe par deux terroristes islamistes, le 26 juillet 2016. Une journée ensoleillée placée sous le signe d’une citation du père Hamel, datant du 10 février 2002 : « Notre joie profonde est d’avoir rencontré le Christ. Ce qu’il nous dit éclaire notre vie et lui donne toute sa signification ».

Mais avant de connaître la joie de communier à une même foi, les pèlerins ont d’abord connu un intense moment de recueillement. Rassemblés autour de l’autel de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray dont le bois porte encore les traces des coups frénétiques de poignard de l’un des terroristes, les fidèles ont écouté le témoignage de sœur Danièle ; cette religieuse a en effet assisté au drame du 26 juillet 2016. Ce jour-là, elle a réussi à s’enfuir par la sacristie afin d’appeler les secours. Le récit des derniers instants du père Hamel a beaucoup ému les participants. Le cas d’un jeune pèlerin, Augustin, étudiant en Communication à Paris : « Quand on repense aux paroles du Christ qui disait : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, le contraste entre la violence de cet attentat et le sacrifice du père Hamel, m’interpelle…».

« Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi… »

Après ce temps d’échange, les pèlerins se sont mis en marche en forêt, tandis que les plus anciens partaient se recueillir sur la tombe du père Hamel. Un temps de réflexion en pleine nature, entrecoupé par des chants joyeux et des pauses de méditation pour adultes et jeunes autour de certaines questions comme : « Quelles sont les façons de donner sa vie ? Comment cultiver la joie, la faire grandir ? Ai-je de la tendresse pour ceux qui m’entourent ? Comment discerner la volonté de Dieu dans ma vie ? Etc. ». Puis, lors de la pause pique-nique, chaque pèlerin pouvait exprimer une intention de prière pour un proche ou rendre grâce, afin que cette prière soit soutenue spirituellement par l’ensemble de la communauté de Meulan-Triel.

Après cette marche, les pèlerins avaient rendez-vous avec sœur Dominique, une autre religieuse  proche du père Hamel, lorsque ce dernier devenait prêtre auxiliaire à Saint-Etienne-du-Rouvray en 2005, à l’âge de la retraite.

L’occasion de découvrir la vie du prêtre martyr au quotidien.

Père Hamel : « Tout le monde venait frapper à sa porte ». Né en 1930 à Darnétal  dans la banlieue industrialisée de Rouen, Jacques Hamel est ordonné prêtre dans la cathédrale de Rouen, le 30 juin 1958. Il restera attaché à ses racines normandes en se mettant au service de différentes paroisses de la région : Saint-Antoine-du-Petit-Quevilly, Sotteville-lès-Rouen, Elbeuf, etc., puis Saint-Etienne-du-Rouvray à partir de 2000. « Un prêtre toujours disponible pour les autres. Sa porte était ouverte tard dans la nuit », se souvient aujourd’hui sœur Dominique qui l’a bien connu.

Dans son style pastoral, simple et abordable, il développe en effet une attention pour les plus exclus. Sa nièce Angélique se souvient : « Tout le monde venait frapper à sa porte : des pauvres de tout genre, des sans domicile fixe, des gens sortant juste de prison. Quand on passait des vacances avec lui, parfois cela nous faisait même un peu peur. Mais lui avait une attention pour tous : il leur donnait un peu d’argent, de quoi manger, Jacques essayait de les orienter… ». Quand les moines trappistes de Tibhirine en Algérie sont enlevés et décapités en 1996, Jacques Hamel vit les évènements avec douleur. Selon sa sœur Roseline, le prêtre français se pose bien des questions, sur leur choix de rester sur place malgré le danger, sur le sens aussi de ce martyre. « Pourquoi vouloir supprimer à tout prix le bien qu’ils faisaient ? », s’interroge-t-il.

A Saint-Etienne-du-Rouvray, le père Hamel rencontre la communauté musulmane la plus importante de la périphérie rouennaise et participe à plusieurs rencontres islamo-chrétiennes. En 2016, Mohammed Karabila, président du Conseil régional du culte musulman de Haute-Normandie, se souvenait : « Au début, le père Hamel me semblait presque froid, tellement il était discret. Mais en fait, j’ai vite compris qu’il aimait les gens sans le dire ». La communauté de sœur Dominique a retrouvé dans les affaires du prêtre plus de trois cents pense-bêtes qui permettaient à Jacques Hamel d’illustrer ses homélies, dont celui-ci, daté du 2 octobre 2015 : « Le regard de Jésus n’est pas comme le nôtre. Il sait voir au-delà des apparences. Il a le cœur au bout des yeux ».

Une journée bien remplie, terminée par une messe dans l’église du père Hamel, célébrée par le père Eric, le père Baudoin et le diacre de Meulan-Triel, Philippe Cumunel. Après la lecture de l’Evangile de saint Jean où les paroles du Christ prenaient une dimension troublante : « Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi », lors de son homélie, le Père Eric, devant l’autel où le père Hamel a été assassiné, a rappelé qu’un chrétien n’était pas seul face aux épreuves de la vie car il pouvait compter sur la présence du Christ, « qui jamais ne vous lâchera la main », a souligné le prêtre. Des paroles qui ont particulièrement résonné au cœur de l’assemblée.

 « La vie du père Hamel n’a rien d’extraordinaire », témoigne le père Baudouin du groupement paroissial de Meulan-Triel, « c’était un prêtre qui a vécu une vie ordinaire, dans une paroisse ordinaire, en ne cherchant jamais à faire parler de lui ou se faire valoir pour obtenir une promotion. Ainsi en va-t-il de la sainteté pour chacun de nous : c’est dans l’ordinaire de nos vies quotidiennes, vies de famille et de travail que nous sommes appelés à grandir dans l’esprit des béatitudes : humilité, douceur et miséricorde ».

Jérôme Touzard

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