Charles D’Orléans, prince et poète

Destin hors du commun que celui de Charles d’Orléans qui, promis par sa naissance à une vie brillante, traversera bien des épreuves. Fils aîné des huit enfants de Louis 1er d’Orléans, frère de Charles VI, et de Valentine Visconti, il naît à Paris en 1394 et n’a que treize ans lorsque son père est assassiné, le 23 novembre 1407, par les sbires de Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Sa mère, qui n’a pu obtenir justice auprès du roi, quitte, désespérée, la capitale pour son château de Blois et prend comme devise « plus ne m’est rien, rien ne m’est plus », qu’elle grave sur les murs de son château.

Blois, si cher à la famille d’Orléans, est un point stratégique sur la rive droite de la Loire. Au Xème siècle, le comte de Blois n’est autre que Thibaud le Tricheur, second époux de Letgarde de Vermandois, bienfaitrice des Juziérois qui lui doivent la construction de leur église !

De l’époque de Thibaud, date la grosse tour du château. Sans descendance directe, le comté de Blois passe à la famille de Chatillon avant d’être vendu en 1391 à Louis d’Orléans qui vient d’épouser Valentine Visconti. Il y résidera peu, de même son épouse qui décèdera à Blois seulement un an après s’y être réfugiée.

Charles, duc d’Orléans, leur seul fils, hérite du comté de Blois. Ses malheurs semblent ne jamais s’arrêter ; Isabelle de France, son épouse depuis 1406, meurt en couches en 1409 ; un an plus tard il se remarie avec Bonne, fille du comte d’Armagnac, ce qui entraînera Charles au cœur de l’atroce guerre des Armagnacs contre les Bourguignons qui commence lorsqu’en 1392 le roi Charles VI, devenu fou, son frère Louis d’Orléans et son cousin, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur se sont lancés dans une lutte sans merci pour s’emparer du pouvoir, occupant tour à tour Paris. Par héritage de son père et fidélité à son beau-père, Charles d’Orléans prend la tête du clan Armagnac alors que les Bourguignons s’allient aux Anglais qui débarquent en France en 1415. Le 25 octobre, ce sera la terrible bataille d’Azincourt où l’armée française, malgré sa grande supériorité, est défaite. On dénombrera six mille morts tandis que mille chevaliers sont faits prisonniers dont le prince Charles.

Si les chevaliers sont le plus souvent épargnés, c’est en raison de leur valeur marchande ; le vainqueur compte bien sur la rançon qu’il peut en obtenir. Pour Charles, en raison de son haut rang, la somme est astronomique ; on parle de deux cent vingt mille écus d’or ! Il faudra vingt-cinq ans pour la récolter ; il ne quittera les geôles anglaises qu’en 1440 et, ironie du sort, par protection de son cousin de Bourgogne, Philippe le Bon dont, cette même année, il épouse la nièce, Marie de Clèves. Sa descendance est alors assurée avec la venue au monde de deux filles et d’un fils, le futur Louis XII. Mais en attendant, suspect à la cour de France en raison de son amitié avec le duc de Bourgogne, Charles se fixe à Blois ayant aussi abandonné sa revendication au duché de Milan auquel il pouvait prétendre en tant que fils de Valentine Visconti.

Charles un poète talentueux

Jeune, il avait baigné dans la littérature avec Eustache Deschamp et Christine de Pisan que recevaient ses parents. C’est en captivité qu’il trouve dans la poésie un remède à son mal-être et, sans jamais faire allusion aux malheurs de la France, il chante la nature :

« Le temps a laissé son manteau

De vent de froidure et de pluie

Et s’est vêtu de broderie,

De soleil luisant clair et beau. »

Charles chante sa nostalgie du doux pays de son enfance :

« En regardant vers le pays de France

Un jour m’advint à Douvres, sur la mer,

Qu’il me souvint de la douce plaisance

Que je soulais au dit pays trouver. »

Il écrira cent vingt ballades et quatre cents rondeaux dans la tradition courtoise des troubadours.

Dans leur retraite, presqu’absolue de Blois, Charles et Marie sont de vrais mécènes accueillant poètes, jongleurs, ménestrels et de nombreux artistes. C’est Marie de Clèves qui fera transcrire la production poétique de son mari, mais elle ne sera véritablement connue qu’au XVIIIe siècle. Son œuvre de forme si gracieuse a inspiré Claude Debussy qui a mis trois rondeaux en musique et Henry Matisse qui enluminera ses poèmes.

Pour conclure, empruntons à Charles d’Orléans, qui dût beaucoup souffrir du froid et de l’ennui dans sa prison anglaise, les premiers vers de ce rondeau :

« Hiver vous n’êtes qu’un vilain !

Eté est plaisant et gentil… »

C’est bien ce que nous souhaitons à nos lecteurs et surtout de ne pas être « tout rouillé par le nonchaloir ».

la ballade est un poème de forme fixe (constituée au XIVème siècle) composé généralement de trois strophes suivies d’un envoi d’une demi-strophe.

le rondeau est un poème de forme fixe constitué sur deux rimes et un refrain.

 


 

 

 

 

 

 

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