La Cène de Léonard de Vinci

De1494 à 1498, Léonard de Vinci, à la demande de Ludovico Sforza, peint L’Ultima Cena, immense fresque de 8 m 80 de long et 4 m 60 de haut, sur le mur du réfectoire du couventdominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan. L’Ultima Cena, le dernier repas, est une des œuvres les plus importantes de Léonard de Vinci. Il adopta la technique de la détrempe qui permet une grande finesse de peinture pour donner libre cours à sa créativité. Une technique qui cependant n’a pas résisté au temps, peut-être à cause d’une préparation insuffisante du support lequel, au fil des ans, s’est considérablement dégradé.

Actuellement la restauration est terminée et les visites ne se font que sur réservation. En 1943, une bombe a détruit l’église et le réfectoire fut quasiment rasé, à l’exception de quelques parois, notamment celle de la Cène. Dans cette œuvre, qui a fait rêver et frappé l’imaginaire de beaucoup, Léonard de Vinci n’a pas intégré la moindre élucubration pseudo ésotérique. Profondément chrétien, comme d’ailleurs pratiquement tout le monde à cette époque, il est resté totalement fidèle à l’Evangile de Jean en peignant des hommes à un moment particulièrement dramatique, le moment précis où Jésus annonce qu’il sera trahi par l’un des disciples présents. L’utilisation de la perspective et la disposition des personnages attirent le regard au point qu’on a l’impression de participer à ce repas.

Mais par une image, revenons à ce jeudi d’avant Pâques de l’an 33. Le soir tombe sur Jérusalem, treize pèlerins arrivent par la route de Béthanie et entrent dans la ville. C’est le terme de leur voyage au travers de la Galilée, la Samarie et la Judée. La montée est rude ; de Béthanie, au niveau de la Mer morte, il faudra gravir 1 200 mètres pour atteindre Jérusalem. Il commence à faire sombre dans cette vallée encaissée appelée aussi vallée de Jehosaphat, vallée de la fin des temps, vallée du passage qu’emprunteront les morts au jour du jugement dernier, quittant leurs tombes du mont des Oliviers pour passer la porte dorée qui leur ouvrira le Temple de l’Eternel. Ce jeudi soir précédant la Pâque, un souper peu ordinaire se prépare dans une maison de Jérusalem, à proximité du Jardin de Gethsémani au pied du mont des Oliviers, à l’issue duquel l’un des convives sera arrêté et conduit à la forteresse Antonia.

Jésus a réuni ses apôtres, ils sont tous là : Barthélémy le sincère, Jacques le Mineur frère de Thaddée, André peu doué pour la parole mais efficace frère de Pierre, Simon Pierre l’orateur impulsif, Judas l’Iscariote le trésorier qui va trahir, Jean le disciple aimé, Thomas, courageux mais incrédule, Jacques le Majeur, le penseur frère de Jean, Philippe toujours curieux, Matthieu le publicain, Judas Thaddée toujours heureux, Simon le Zélote le lépreux guéri. Tous sont assis quand Jésus s’exclame : « En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera ». C’est cet instant précis que Léonard de Vinci a figé dans sa Cène comme s’il avait pris une photo instantanée. Les disciples sont agités, ils se lèvent, parlent tous, gesticulent, se regardent les uns les autres ne sachant de qui il s’agit. Simon Pierre fait signe à Jean, l’aimé de Jésus, pour qu’il lui demande de qui il s’agit. Jésus est au centre immobile, comme séparé, semblant accepter ce qui va suivre. Sa position centrale fixe le regard du spectateur et accentue le caractère dramatique de l’instant.Les apôtres sont par quatre groupes de trois reflétant la stupéfaction et la colère ; Simon tient en main un couteau ! Thomas sceptique, en appelle au ciel ! Matthieu semble dire à Simon « ce n’est pas possible » ! Jacques le Mineur est abasourdi ! André rejette la nouvelle des deux mains ! Philippe se dresse pour protester ! Jacques le majeur semble repousser cette idée mais il fixe Judas. Jésus répond à Jean : « C’est celui à qui je donne la bouchée ». Judas tend la main gauche pour la prendre et tient dans la main droite la bourse des trente deniers de la trahison ; il reçoit comme une gifle cette dernière parole de Jésus: « ce que tu fais, fais-le vite ! ». C’est le seul apôtre qui nous tourne le dos et qui est peint le visage sombre alors que tous les autres sont éclairés. Sur la table les couverts sont mis, il y a du pain, des verres de vin et du poisson. On aurait plutôt pensé voir de l’agneau sur cette table à la veille de Pâques, mais le peintre a peut-être voulu rappeler avec ces trois ingrédients les miracles de Jésus : la transformation de l’eau en vin à Cana et la multiplication des poissons et des pains à Tibériade. A moins que le poisson, ichtus en grec, soit figuré comme symbole du christianisme naissant : « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ».Léonard a peint des hommes en souffrance, sans figuration divine. Jésus n’a pas d’auréole, ni aucun apôtre d’ailleurs contrairement à la plupart des représentations de la Cène.La passion de Jésus va se dérouler après cet Ultime Souper. « Ecce Homo ». Voici l’homme ! déclarera Pilate en présentant Jésus en roi dérisoire avec une couronne d’épines, une cape rougeetune baguette de roseau. Le plus humble est prêt pour l’ultime sacrifice qui fera de Jésus le Christ.

Pas très loin de Meulan, dans le Val d’Oise, vous pouvez admirer une belle reproduction de la Cène exposée au château d´Ecouen attribuée à Marco d´Oggiono l’un des meilleurs élèves de Léonard de Vinci, réalisée quelques années après l’achèvement de l’original par le maître.

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