Le jardin, le/un bonheur ?

Avant de vous lancer dans votre dissertation, vérifiez que vous vous êtes pénétré du sujet : auteur de la citation, date, étymologie … nous disait ce bon prof ! Alors en cherchant l’étymologie de « jardin », quelle ne fut pas ma surprise de rencontrer le mot paradis, pairidaeza de la langue avestique signifiant : « jardin, enclos, verger clôturé, … » Alors, nos jardins seraient-ils un paradis ?

Bien sûr, si l’on sondait notre entourage, chacun aurait son jardin paradisiaque :

  • poétique : chez Verlaine dans « Les Poèmes Saturniens», Aragon « O mon jardin d’eau fraîche et d’ombre … » ; Nerval « Les jardins du Calife HAKEM » ; Marie-Françoise Gaucher « Là est mon jardin. Ce jardin sans chagrin, loin des jardins du monde. C’est là que je t’espère. Et c’est là que j’attends » ;
  • musical : « Donnez-nous des jardins… d’où l’on est si contents… De rentrer les genoux tout en sang» demande Pierre Perret ; Henri Salvador chante son « Jardin d’hiver ». Pour Jacques Dutronc, « il sentait bon le métropolitain » et en leur temps, Jean Lumière, « Au jardin de mon cœur », Claude François « Un jardin dans mon cœur », Charles Trenet, « Jardin du mois de mai » et Georges Moustaki « Il y avait un jardin qu’on appelait la terre » ;
  • mythologique ou historique : en Arcadie peuplée de bergers vivant en harmonie avec la nature. Celui des Hespérides avec ses pommes d’or (fruit défendu !), les roseraies du roi Midas, ceux suspendus de Babylone ou de Persépolis détruits par Alexandre le Grand ;
  • artistique : en peinture ou naturel. Que de toiles évoquant des fleurs, nymphéas ou autres ou des déjeuners sur l’herbe et que de châteaux de la Loire ou de Versailles se parant de ses jardins à la française !

Quant à la langue française, elle regorge d’expressions : jardin secret, potager, de curé, japonais, des simples, botanique, d’enfants, paysager, public, ouvrier, d’hiver … du temps de Ronsard « se jardiner » était synonyme de « se promener » ou de littérature : par exemple chez Voltaire « Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. » ou Rousseau (Emile ou La Nouvelle Héloïse) expliquant la différence idéologique, politique entre les jardins français et les jardins anglais…

Dans la bible, le jardin est aussi très présent :

  • dès que l’homme est créé, Dieu plante pour lui un jardin : l’Eden, lieu de délices,
  • il est aussi lieu de la souffrance : Gethsémani,
  • lieu d’ensevelissement : « Il y avait, où il avait été crucifié, un jardin, et dans ce jardin un sépulcre neuf» (Jn 19),
  • lieu de la rencontre : Marie de Magdala y rencontre le Ressuscité sous les traits du jardinier,
  • et lieu du recommencement : les jardins de l’Apocalypse.

Alors qu’aux siècles précédents posséder un jardin relevait d’un privilège, aujourd’hui chacun peut en posséder un et l’organiser à son goût, en faire son paradis et y trouver son bonheur. On peut aussi se poser avec Kipling la question « Pourquoi Dieu a-t-il fait l’homme jardinier ? » « C’est parce qu’il savait qu’au jardin la moitié du travail se fait à genoux. »