Les ostentions limousines au patrimoine de l’UNESCO

 C’est un bien joli cadeau de Noël que viennent de recevoir les Limougeauds, qui plus est très inattendu : l’entrée des « Ostensions limousines » au patrimoine de l’UNESCO. Quand on parle « patrimoine », on pense monuments, sites naturels ou industriels et maintenant voici que l’UNESCO se penche sur un patrimoine immatériel et c’est à ce titre que le Limousin est à l’honneur et pas peu fier. En effet le 4 décembre dernier, à Bakou en Azerbaïdjan, les Ostensions limousines ont été inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Le dossier avait été porté par Jacques Pérot, conservateur honoraire du patrimoine, par les confréries dont il est président, les comités des ostensions et des élus de la région.

Mais qu’est-ce que les ostensions ? Le mot vient du latin « ostentare » qui signifie montrer, faire voir. En Limousin, il s’agit d’une tradition millénaire qui consiste à exposer, le plus souvent en les processionnant, les reliques des saints patrons, généralement ceux qui ont évangélisé la région.

L’histoire des Ostensions limousines remonte à l’an 994 lors d’une effroyable épidémie du « mal des ardents » (¹). Au Moyen Age, on y voit une punition de Dieu ; alors l’évêque Hilduin et son frère, abbé de Saint Martial, soutenus par Guillaume duc d’Aquitaine, rassemblent autour des reliques des premiers évangélisateurs du Limousin, les chrétiens en détresse. C’est la première grande ostension (ce nom ne fut donné qu’au XIIIe siècle) qui va se renouveler ponctuellement, sans date fixe, principalement lors de grandes catastrophes : épidémies et guerres mais aussi la venue d’un personnage important comme saint Louis et Blanche de Castille, en 1244, du pape Clément V en 1307, des rois Louis XI, Henri IV… Le rythme septennal apparaît au XVIe siècle. L’anticléricalisme du XIXe siècle, particulièrement fort en Limousin, interdit les processions sur la voie publique ; on reste alors à l’intérieur des églises. Il n’en est plus de même aujourd’hui car les ostensions sont considérées comme « patrimoine du Limousin » sous la tutelle des autorités religieuses et civiles et l’appui des offices de tourisme et des médias. Cependant, à l’occasion des dernières Ostensions de 2009 (les prochaines se tiendront en 2016), treize militants d’un mouvement laïc, au nom de « la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat », ont attaqué en justice les Conseils général et régional de Haute-Vienne ainsi que les municipalités pour avoir subventionné cette manifestation, la considérant comme uniquement « cultuelle ». Ils ont obtenu gain de cause auprès du Conseil d’Etat en 2013 !

Miracle pense-t-on, lorsque tombe, le 4 décembre de la même année, la décision de l’UNESCO qui souligne que cette manifestation, si elle est religieuse, est profondément ancrée dans l’identité du patrimoine du Limousin, que du « culturel » est produit à partir d’un événement religieux.

Un lien très fort entre notre secteur et les Ostensions.

Quinze églises participent aux Ostensions, certaines bien connues comme saint Martial de Limoges, saint Léonard de Noblat ; d’autres moins mais toutes processionnent avec grand respect leurs précieux reliquaires portés généralement par les membres des confréries au nombre de treize en Limousin.

Arrêtons-nous à Aureil, cher aux Meulanais et Juziérois car saint Gaucher y repose. Né à Meulan vers 1060, mis en nourrice à Juziers, il quitta notre région à dix-huit ans pour se faire ermite en Limousin. Aureil, non loin de Limoges où il est mort, conserve son crâne, ainsi que celui de son compagnon saint Faucher, dans deux reliquaires en or placés près du maître autel de l’église Saint-Martin. Ils sont particulièrement vénérés lors des Ostensions auxquelles il n’est pas rare de voir, au milieu d’une foule immense (environ 100 000 personnes en 2009) quelques Meulanais ou Juziérois. En 2002, quatre pèlerins de Juziers et Gargenville ont eu l’honneur de participer à la procession car ils portaient le buste reliquaire de Saint Gaucher de l’église de Gargenville que leur avait confié le maire pour cette occasion exceptionnelle.

Ils ont tissé des liens amicaux et partagé leurs connaissances sur le saint ermite avec quelques habitants d’Aureil.

Notons que depuis cette date, la statue de saint Gaucher, qui avait connu cent vingt ans de clandestinité, a retrouvé en 2005 sa fontaine, dite miraculeuse, au hameau de la Chartre à Brueil-en-Vexin, et que notre célèbre Meulanais, toujours fêté le 10 avril, est inscrit au sanctoral (²) diocésain des Yvelines.

Puisse saint Gaucher protéger notre secteur comme il protège les habitants d’Aureil !

 

1 – mal des ardents : maladie épidémique qui a sévi du Xe au XIIe siècles ; provoquée par l’ergot de seigle (pain de seigle), elle se manifestait par de fortes fièvres, des troubles neurologiques (épilepsie) et pouvait entraîner la perte d’un membre. On l’appelait aussi « feu de saint Antoine ».

2 – Sanctoral : du latin sanctus, saint, au sein du cycle liturgique annuel, le cycle sanctoral est constitué de l’ensemble des fêtes des saints, réparties par l’Eglise au long de l’année.

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