Seigneur, nous avons péché. Prends pitié de nous et de ton Eglise !

Chers lecteurs, chers contemporains, nous voulons crier notre douleur de prêtres et de laïcs devant l’ampleur et la profondeur des souffrances cachées des victimes dans et par l’église. Des drames inouïs remontent à la surface et nous en sommes les premiers surpris et scandalisés. Tant de personnes violées dans leur intimité, brisées à vie, ont porté dans le silence tant de détresses physiques et psychologiques. Notre priorité, c’est d’être au côté des victimes.

Les médias, la justice, la société civile, l’opinion publique, obligent l’Eglise à sortir de son silence coupable et à faire la vérité. Notre souffrance est de découvrir que trop de prélats ou de supérieures de congrégations se sont protégés ou plutôt ont cherché à protéger l’institution qui leur donnait une place et un pouvoir sur les autres. Ils ont pu être ainsi complètement insensibles au cri des victimes, tout en disant les bonnes paroles du Christ. Ils ont pour certains accepté de l’argent pour rester silencieux. Des dossiers explosifs sont restés des décennies entières dans des placards du Vatican ou de certains évêchés. Nous savons maintenant que ce n’est pas la fin de notre calvaire. En Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, des crimes vont continuer à sortir. Nous sommes même dans ces pays face à des bombes à retardement. En effet, le clergé, bien plus encore qu’en France, peut être une caste intouchable avec beaucoup de privilèges par rapport aux populations pauvres de ces continents. Dans ces pays, il peut être impossible de dénoncer un prêtre, et plus encore un évêque.

Nous sommes douloureusement en train de passer d’une société du silence et du secret à une société où la vérité éclate, découvrant avec horreur que 75% des cinq mille cinq cents abus sexuels sur mineurs répertoriés en France en 2000 ont été des incestes. Toute la société est concernée par ces déviances, que ce soit principalement dans les familles, mais également dans l’éducation scolaire ou sportive et dans l’Eglise. N’est-il pas venu le temps de la mobilisation de toute la société pour protéger notre jeunesse des agressions de toutes sortes, sexuelles et pornographiques principalement ?

La vérité est exigeante mais libératrice et l’Eglise qui bannit le mensonge doit être la première à la mettre en œuvre. L’Eglise, qui donne quelquefois l’impression de tout savoir au lieu d’écouter les situations de vie, se voit obligé de se convertir. Malheureusement, ce n’est pas l’Evangile qui la presse à se convertir mais des voix et des pressions extérieures. Réjouissons-nous de cette purification qui est comme une descente aux enfers d’un mode de fonctionnement pyramidal qui s’est renforcé sans cesse depuis le Moyen Age, mais que le Concile Vatican II nous invite à réformer. Réjouissons-nous que la société civile soit l’instrument d’une conversion forcée puisque dans l’Eglise on peut malheureusement écouter l’Evangile tous les jours sans se convertir. Retrouverons-nous les temps premiers de l’Eglise où ceux qui créaient des scandales étaient immédiatement sévèrement punis ? (Voir l’histoire d’Annie et Saphir dans les actes des apôtres chapitre V).

Pardon pour ces scandales. Certes, vous savez comme moi qu’il y a partout multitude de prêtres, de religieuses, de laïcs, qui consacrent leur vie gratuitement aux autres à la suite du Christ. Mais un seul qui cause scandale abîme tout le corps du Christ. Nous comprenons douloureusement que le Christ a porté tous les péchés et plus tragiquement les péchés des membres de l’Eglise. Nous savons que nous vivons une purification douloureuse pour une Eglise humble et pauvre au milieu du monde, comme le Christ se montre si humble et pauvre dans ses rencontres. De Lui, Charles de Foucault disait : « Le Christ a tellement pris la dernière place que personne ne peut la lui prendre ». Que l’Eglise ressemble à son Maître, c’est notre prière.

Père Baudoin et Yves Maretheu.