En parlant avec Patrick Blond, passionné et passeur d’histoire locale

Depuis quelques années, certains d’entre vous ont peut-être assisté à ses conférences qui sont proposées dans la salle du conseil municipal de Meulan ; ils connaissent donc déjà ce grand spécialiste du passé et du patrimoine de notre ville. Nous vous invitons aujourd’hui à découvrir comment est née cette passion qui l’anime.

 

Bonjour monsieur Blond, merci de nous accorder un peu de votre temps. Comment vous est venu ce grand intérêt pour notre histoire, y étiez-vous prédestiné ?

Ah non, rien dans mon passé ne laissait supposer que j’allais devenir un passeur de mémoire. En effet, mes études, d’abord à l’école centrale d’électronique puis à celle de vente de Renault, m’ont guidé vers une carrière plutôt technique. J’ai travaillé chez Ericsson et par la suite, suis devenu responsable d’une société d’import-export ; donc comme vous pouvez le constater, il n’y a aucun lien entre mon travail passé et cet engouement pour l’histoire locale : je suis un authentique autodidacte. En revanche, je mets toujours beaucoup de rigueur dans mes recherches et dans les propos que j’en tire.

Mais alors, comment est née cette passion pour notre passé ?

Lorsque je me suis trouvé en retraite, par simple curiosité, j’ai eu envie de découvrir mes origines familiales ; ce sont ces recherches autour de ma branche maternelle qui m’ont amené à Vaux. Et voilà, j’avais mis le doigt dans l’engrenage et me suis, je dois l’admettre bien volontiers, laissé attraper par le virus de la généalogie. J’ai alors découvert que mon arrière-grand-père était Vauxois. Il s’appelait Paul Courpotin et était né en 1874, dans l’atelier de charron familial qui est maintenant un garage en centre-ville dans la rue du général de Gaulle. C’est ensuite un article de Madeleine Tétard à propos du château de Thun qui écrivait que ce domaine avait appartenu à ma famille, ce qui n’est pas tout à fait exact, qui a fait que je suis allé un peu plus loin et ai remonté le temps en m’intéressant au passé de Meulan.

C’est donc en quelque sorte grâce à cet aïeul vauxois que j’ai découvert Meulan et son riche passé historique. Comme dirait Obélix, j’étais tombé dans la marmite ; il ne me restait maintenant qu’à dérouler le fil car, lorsqu’on commence à entrer dans le passé de votre cité, il est bien difficile de s’arrêter.

Et qu’est-ce qui fait que vous vous êtes particulièrement intéressé à cette ville ?

Quand je retourne dans le passé, j’étudie surtout l’histoire des gens et celle des Meulanais est intéressante à plus d’un titre. En effet, on trouve dans cette ville plusieurs belles propriétés qu’habitaient des notables locaux et de riches parisiens qui venaient y passer l’été en bord de Seine. Il y avait alors plusieurs sources d’intérêt ; parmi celles-ci, le nautisme occupait une grande place. Le yachting avait commencé dans le secteur avec l’arrivée du CVP (Cercle de Voile Parisien) aux Mureaux en 1892 après avoir quitté Argenteuil. Il y a eu ensuite les régates de l’exposition universelle de 1900 et enfin, comme vous le savez, les épreuves de voile des Jeux Olympiques de 1924, organisées sur le bassin, ont été fort appréciées par les yachtmen.

Parmi toute l’histoire de notre ville, est-ce qu’il y a une période qui vous attire plus qu’une autre, car j’imagine qu’il est difficile d’appréhender le passé meulanais dans son ensemble ?

Effectivement, un passionné ne peut pas envisager de considérer l’histoire dans sa globalité ; il existe forcément plusieurs périodes pour lesquelles il ressent un intérêt particulier et qui focalisent son attention. En ce qui me concerne, celle allant de la fin de la guerre de 1870 aux années d’après-guerre de 1918 jusqu’à 1925, a ma préférence. Cette époque a connu de très grosses transformations qui ont amené de grands chamboulements dans la vie des habitants de notre région. En août 1914, comme un peu partout en France, les hommes sont partis à la guerre et les femmes ont dû apprendre à vivre sans eux. Elles sont restées longtemps sans nouvelles et ont eu à faire certaines tâches jusqu’ici réservées aux hommes ; il ne faut pas oublier non plus que les Allemands étaient à notre porte, près de Pontoise dès septembre 1914, imaginez la panique …

Cette période présente donc beaucoup d’intérêt pour moi, d’autant plus qu’elle a été faste pour la cité ; savez-vous par exemple qu’il existait en 1911 cent trente-six commerces ou artisans à Meulan et parmi eux, trente-deux cafés-restaurants ? Notre ville comptait alors deux mille cinq cents habitants.

En effet, mais vous nous disiez que vous aviez plusieurs périodes d’intérêt, quelles sont les autres ?

Depuis quelque temps, je me suis découvert une affection particulière pour la Révolution. Je trouve dans les archives municipales beaucoup d’articles sur ce sujet, sachant que dans votre secteur, les choses se sont passées plutôt en douceur malgré une disette persistante. Il n’y a pas eu de personnes guillotinées à Meulan qui comptait pourtant à l’époque trois églises, deux couvents, deux prieurés, deux chapelles et un Hôtel-Dieu et, si les lieux de culte ont été fermés et les ecclésiastiques chassés, ils n’ont subi aucune persécution. Au cours d’une de mes dernières conférences données dans le cadre de « Bains de mémoire » à Meulan, qui avait pour sujet l’Arsenal de Meulan, j’ai pu développer ce sujet.

Parlez-nous un peu de ces églises ; il n’en reste maintenant qu’une, pourquoi a-t-elle été choisie, qu’est-il arrivé aux deux autres ?

Si l’église Saint-Nicolas a été conservée à la demande de la population en 1795, c’est parce qu’elle avait été restaurée quelques années plus tôt. En ce qui concerne l’église Saint-Jacques qui se trouvait dans le quartier du Fort, elle était en mauvais état et donc vouée à la destruction. L’église Notre-Dame qui était située sur le site de l’actuel hôtel de ville, a été détruite en 1883 ; elle était, elle aussi, très fragilisée.

Pour revenir à l’église Saint-Nicolas, son problème est qu’elle se trouve au-dessus de la ligne de chemin de fer… et le tunnel a été creusé au début à coups d’explosifs ! Des sources contenues dans les coteaux de l’Hautil ont été libérées et des ruissellements sont apparus. Il a fallu construire des rigoles de drainage dès ce moment-là, rigoles qui vont être rebouchées lors de l’électrification…

A propos de vos conférences « Bains de mémoire », je crois qu’il s’agit d’une collaboration avec la municipalité de Meulan ?

Oui c’est exact, nous avons un partenariat avec le service culturel municipal. J’aide bénévolement au tri des archives ; j’y fais des découvertes que je présente lors de séances publiques gratuites en mairie. Ces conférences, d’une heure à une heure et demie, sont agrémentées d’un support visuel (soixante à soixante-dix diapositives). Chaque mois, un thème nouveau est choisi. Je précise que je travaille en totale liberté de parole, ce que j’apprécie particulièrement. Ce partenariat a commencé il y a environ sept ans et nous avons donné le joli nom de « Bains de mémoire » à ces présentations dont l’audience tourne autour de quarante personnes. Elle est composée de fidèles qui assistent à toutes les séances et d’autres qui viennent ponctuellement en fonction du thème présenté.

Si certains de vos lecteurs sont intéressés, les prochains « Bains de mémoire » auront lieu le 8 février et auront pour sujet « La guerre des deux France à Meulan ». Une guerre qui a démarré en 1877 après que Gambetta ait déclaré « le cléricalisme, voici l’ennemi… », une phrase qui a alors coupé la France en deux et qui a duré jusqu’en 1905, année de promulgation de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

C’est à cette époque, en 1903 et 1904, suite à des décrets présidentiels, que les écoles Mercier-saint Paul ouvertes suite à l’acquisition des bâtiments situés rue Gambetta par le sculpteur meulanais Louis-Victor Mercier en 1889, vont être fermées. Heureusement, l’établissement, du moins celui réservé aux filles, va rouvrir sous la direction de Mme Osset, ancienne sœur de Saint-Paul de Chartres, après s’être mise en retrait de ses vœux, deux mois après sa fermeture.

Vous nous avez déjà précisé que pour Meulan, vos recherches étaient réalisées à partir des archives municipales ; utilisez-vous d’autres sources ?

Outre ces archives municipales, je travaille aussi à partir du site de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), Gallica. Vous ne pouvez pas imaginer tout ce que l’on peut y dénicher ; il y a vraiment de quoi satisfaire les plus curieux, ainsi que sur le site des archives départementales, AD 78. Je trouve également beaucoup d’informations dans les comptes-rendus de conseils municipaux ; là encore les surprises sont nombreuses. Je passe beaucoup de temps dans mes recherches afin de préparer en profondeur les présentations proposées à Meulan pour la saison prochaine ; c’est l’essentiel de mon activité.

Merci beaucoup M. Blond pour toutes ces informations. Je suis sûr que nos lecteurs, qu’ils soient ou non Meulanais, seront très intéressés. Vous avez certainement beaucoup d’anecdotes à nous rapporter à propos de notre ville et de son histoire, pourquoi pas une rubrique dans nos colonnes ? En attendant les plus curieux, s’ils le désirent, peuvent vous retrouver un jeudi après-midi par mois (voir le programme) dans la salle du conseil municipal de la mairie de Meulan.

(Propos recueillis par Jannick Denouêl)

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