La royauté des baptisés

Le baptême n’est pas une simple formalité ; il change très profondément celui qui le reçoit. Mais cette transformation n’opère ni sur la couleur des yeux, ni sur d’autres paramètres immédiatement visibles de la personne du baptisé. Dans cette réalité spirituelle qui s’installe, il y a, nous dit l’Eglise, l’exercice d’une royauté. Qu’est-ce que cela signifie ? 

La royauté terrestre

La royauté est une très ancienne institution. Elle a commencé au Moyen-Orient, au moins trois millénaires avant notre ère, par nécessité. Le clan devenant plus important, il fallut un chef pour l’organiser, le protéger, défendre sa production. Le roi est celui qui régit (regere, en latin, donne rex : roi), mais aussi celui qui a le premier rôle, y compris dans les batailles (premier est le sens étymologique de prince). La royauté est l’exercice d’un pouvoir, à la fois sur les personnes, mais aussi sur les choses et les évènements. Les rois de France étaient réputés guérir les écrouelles(1) par simple toucher. Le pharaon d’Egypte devait assurer le retour annuel des crues du Nil avec une amplitude suffisante pour assurer les récoltes.

 

La royauté du Christ

Roi et royaume sont des mots utilisés dans la Bible moins pour la description d’un modèle social que pour leur contenu allégorique. Moïse, puis les Juges qui lui ont succédé dans la conduite des Hébreux, étaient des hommes de Dieu, poursuivant un projet religieux plus que politique. Lorsque à la demande des anciens, soucieux de faire une nation de tribus jusque-là autonomes, Samuel, le dernier des Juges, a dû nommer un roi, il commença par résister : « Vous m’avez dit : il faut qu’un roi règne sur nous. Pourtant, Yahvé votre Dieu, c’est lui votre roi. » (1 Samuel 12,12). Le royaume d’Israël qui en a émergé aura servi de modèle, dans la Bible, pour décrire le rapport entre Yahvé et ceux qui se référent à Lui. On parle, symboliquement, du royaume divin, du Messie-Roi, de la royauté du Christ, de la primauté du Christ. Ces termes restent aujourd’hui des symboles vivants. Ils ont irrigué, au cours des siècles, la doctrine de l’Eglise. En 1925, le pape Pie XI a d’ailleurs institué la fête du Christ-Roi, célébrée symboliquement le dernier dimanche du cycle liturgique (2), pour bien montrer que cette royauté universelle du Christ est l’achèvement attendu.

 

La royauté du chrétien

Si Dieu est le seul vrai roi, où se situe le baptisé ? A l’instar des princes d’autrefois qui se considéraient de droit divin, lieutenants de Dieu sur terre, pour le service du peuple, le baptisé, qui tient sa royauté de Dieu, est aussi son lieutenant, c’est-à-dire, tenant lieu. Son pouvoir, bien réel, est un service, une mission.

 

 Mais ce pouvoir et cette mission ont deux niveaux : la maîtrise des lois naturelles et la maîtrise des lois surnaturelles.

« Soyez fécond, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la … » (Gen 1,28) dit Dieu à Adam et Eve au Paradis terrestre. Comme marque de sa domination, le premier homme donne un nom à chaque animal. Cette suprématie sur l’animal, l’homme la doit à sa capacité de dialogue avec Dieu, car il est « à son image et à sa ressemblance » (Gen 1,27). Nous voyons cette suprématie s’exercer chaque jour dans la maîtrise scientifique et technique qui permet à l’homme de dépasser ses limitations naturelles, de structurer son espace de vie d’une extrémité à l’autre de la planète et même de tenter la colonisation de l’espace. Dans cet effort collectif pour maîtriser les lois naturelles, le baptisé apporte le double regard sur la vie qui est le sien, rappelant que la maîtrise terrestre n’est pas un but en soi, mais seulement un moyen et que les ressources planétaires sont limitées.

Le baptisé doit surtout cultiver le second niveau de sa royauté, celui où il devient coopérateur du divin pour l’avènement du Royaume, par la maîtrise des lois surnaturelles. Nous voyons, dans la vie de Jésus, mais aussi dans celle de beaucoup de saints personnages, cette maîtrise à l’œuvre pour nourrir une foule avec quelques pains, ressusciter des morts, supprimer les effets de la pesanteur (lévitation), etc. Il s’agit là de phénomènes spectaculaires, qui impressionnent. Mais la partie la plus importante de cette maîtrise concerne la transformation intérieure de l’homme l’amenant à sa divinisation.

 

Le baptisé n’est nullement un surhomme, même quand, d’aventure, l’exercice de son pouvoir royal prend une allure spectaculaire ; juste un homme capable d’agir avec toutes les potentialités de son être, au service du retour de l’humanité vers le règne du divin.

(1) Ecrouelles : maladie d’origine tuberculeuse provoquant des fistules purulentes localisées sur les ganglions lymphatiques du cou.

(2) Cycle liturgique : l’année liturgique commence par l’Avent, en novembre.


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *