Vaux de Jouste (Vaux-sur-Seine depuis 1902) – Ses 4 châteaux

Le château médiéval de Vaux (cf photo ci-dessus)

Possession des descendants du célèbre sculpteur, le baron Charles Marochetti, c’était un point stratégique qui dominait la Seine. Il a été construit dans sa forme actuelle au XVIe siècle sur les bases d’un château féodal plus ancien. Place forte dans le prolongement du château Gaillard et du fort de Meulan, ses guetteurs ont certainement vu passer en 845, pendant les hautes-eaux, cent vingt esnèques(1), à tête de dreki(2) transportant six mille vikings partant piller les édifices religieux de Paris et ses environs. En 911, le traité de Saint-Clair-sur-Epte met fin à la guerre entre le roi des Francs, Charles III le simple, et Rollon (forme francisée de Hrolfr). En acceptant de ne plus rançonner et en empêchant de nouvelles incursions nordiques, ce chef Viking deviendra le premier duc de Normandie.

« A Vaux, disait-on, il y avait un châtel auquel il y a un pont levis et place forte d’ancienneté en laquelle il y a droit de guet et de garde ». Le pont levis est toujours visible sur sa façade ouest.

Le château participait sans doute à la défense du territoire des Francs Saliens, à la limite des territoires des Véliocasses(3) et des Parisii(4). Seul le mur d’enceinte de la face sud vers l’église du XIIe siècle peut nous laisser penser qu’il a eu un jour une fonction défensive. Ce château a été aussi la possession des comtes de Meulan jusqu’en 1118 avec le château féodal de la Roche-Guyon. Le château de Vaux sera attaqué en 1346 et, malgré son fossé et son pont- levis, sera en grande partie détruit par les Anglois (les Anglais).

Le château de Beauregard (Forvache)

Déjà connu au XIIIe siècle sous une forme plus rustique, ce château doit son nom actuel au propriétaire de l’époque qui lui donna l’aspect qu’il a conservé aujourd’hui. C’était un édifice qui visait à marquer le fief de la Rive de Fervaches(5), un des cinq fiefs de Vaux à l’époque. Toutefois, ce château ne semble pas faire partie d’un ensemble défensif car non stratégique. Des communs et un fruitier ont été ajoutés à la fin du XIXe siècle. Cet ensemble a aussi appartenu un temps à Léon Sari qui avait fait fortune grâce aux Folies-Bergères. C’est le plus bucolique et le plus sauvage des quatre monuments ; il paraît bien endormi à l’écart des clameurs de la ville. Il faut faire un peu d’effort pour le découvrir. Il subsiste une candeur en ces lieux qui nous fait remonter dans notre passé ; il nous prend alors une subtile mélancolie et nous nous laissons aller à rêver aux temps anciens sublimés, aux douceurs sucrées un peu surannées de notre enfance tel un parfum enivrant si vite évaporé, si vite oublié.

Le pavillon dit d’Artois (1 700m2)

Gentilhommière(6) construite en 1775, le comte d’Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X, en fit un de ses pavillons de chasse. Outre ses jardins à la française aujourd’hui disparus, une rotonde est inspirée des rotondes antiques ; la nef est percée d’un oculus(7) zénithal d’où tombe une lumière diaphane et raffinée. L’un des escaliers en pierre s’enroule vers un deuxième oculus circulaire ; ce pavillon est tout en courbe charmante, féminine, en arrondi subtil… C’est le XVIIIe siècle dans toute sa délicatesse. Le soleil et la lune sont les principaux pourvoyeurs de la beauté de ces lieux. C’est la quintessence du grand siècle. Il raisonne maintenant au son du clavecin et de la musique classique grâce aux concerts organisés par ses nouveaux propriétaires, Pierre et Marie Alyette Fournel-Costa de Beauregard.

 

La Martinière

Appelée d’abord le château du Temple parce que tout près de la ravine du Temple païen(8), cet édifice a été construit en 1880 par Lucien Roy, architecte en chef des monuments historiques, à la demande de Léon Sari. Quelques années plus tard en 1897, M. Martin, diamantaire parisien, en fait l’acquisition et renomme cette grande maison bourgeoise, la Martinière. C’est le nom porté encore aujourd’hui. Ce chef-d’œuvre de l’art nouveau dont la très belle cheminée est ornée de dragons qui ne sont pas sans rappeler la légende du dragon de saint Nicaise, est un condensé de ce que les artistes en vogue à l’époque sont capables de produire. La peinture, la verrerie, le travail du fer forgé, les vitraux, les céramiques sont très représentatifs de ce qu’il faut posséder dans sa demeure pour être adoubé(9) et faire partie de la vie parisienne à la belle époque.

Si on ajoute sa belle église du XIIe siècle, ainsi que plusieurs lavoirs bien restaurés et un calvaire, cette commune s’inscrit dans la tradition française des grands bâtisseurs.

D. Weugue

 

1 ) Esneques : bateau long d’origine scandinave appelé aussi Langskip.

2) Dreki qui veut dire Dragon en vieux nordique ; drakkar est son pluriel.

3) Véliocasses : habitants du Vexin, peuple de la Gaule Belgique.

4) Parisii : veut dire en gaulois « ceux du chaudron » habitant d’une partie du bassin parisien.

5) Fervaches : il existe encore à Losse dans le Morvan un métier à ferrer les bœufs et les vaches ; on peut penser qu’à Vaux, au lieu-dit Fervaches, il existait un abri fait de trois grosses poutres ou « cage » pour ferrer les bœufs.

6) Gentilhommière : petit château à la campagne.

7) Oculus : ouverture ronde ou ovale.

8) Temple païen : plus aucune trace de ce temple gaulois aujourd’hui. Ce n’était pas un temple gallo-romain mais un temple autochtone issu de la tradition primordiale. Il était certainement construit le long de la rue du temple entre les hauts vals et les bas vats.

9) Adoubé : l’accepter parmi les siens, l’officialiser dans sa position, reconnaître sa valeur.

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